Ça n'a pas été le tour du chapeau le plus spectaculaire de sa carrière, mais celui qu'a complété Guy Lafleur en fin de match, dimanche au Centre Bell, a donné l'occasion aux 15 835 amateurs qui étaient venus saluer ses derniers coups de patin à Montréal de lui offrir une ovation combien méritée.

À travers sa tournée d'adieu - qui se termine à Thurso, le 12 décembre, puis à Québec, le 27 février - est-ce Lafleur qui tient à remercier son public, ou est-ce que ce sont les fans qui reconnaissent à quel point il les a fait vibrer?

À vrai dire, c'est un bel échange entre le célèbre numéro 10 et les amateurs.

«Vous avez été ma source d'inspiration et vous continuez de l'être», a d'ailleurs dit Lafleur à la foule au terme de la rencontre.

«On parle souvent des joueurs d'aujourd'hui qui font des millions, mais ce que je reçois du public vaut beaucoup plus que cela, ça n'a pas de prix», a-t-il plus tard ajouté devant les journalistes. Michel Goulet en avait déjà eu un aperçu à l'époque où il jouait sur le trio de Lafleur avec les Nordiques de Québec.

«J'ai déjà eu la chance d'accompagner Michael Jordan dans un restaurant de Chicago et c'était assez spécial, a dit Goulet. Eh bien, c'est la même chose avec Guy au Québec.»

Chris Nilan, lui, a disputé une trentaine de matchs des anciens Canadiens avec Lafleur, et il confirme que son lien avec les amateurs a résisté aux années.

«Guy a toujours livré la marchandise pour eux, a souligné Nilan. Ils l'ont toujours aimé, ils se sont identifiés à lui, et leur amour n'a jamais diminué.»

Un homme ému

L'événement de dimanche n'a peut-être pas donné autant le frisson que d'autres soirées spéciales chapeautées par le Canadien. Mais il a beaucoup ému Lafleur.

N'est-ce pas là tout ce qui compte ?

D'ordinaire peu enclin à montrer ses émotions, Lafleur retenait ses larmes lors des cérémonies d'avant-match, en particulier lorsque Ginette Reno est venue chanter l'hymne national à ses côtés.

«J'avais de la misère, mais je pense que j'ai fait une bonne job», a lancé Lafleur.

Par la suite, c'est l'atmosphère bon enfant propre aux matchs d'anciens qui a pris le dessus.

La victoire de 15-8 des anciens du Canadien sur l'équipe du Temple de la Renommée est bien anecdotique, mais elle a permis à Lafleur de s'imprégner pour l'une des dernières fois d'une camaraderie qui va lui manquer.

«J'ai savouré chaque moment», a-t-il dit en revenant sur l'ovation qui a conclu l'après-midi.

La génération Lafleur

Pour nombre d'amateurs présents, le moment était rempli de signification.

«J'ai 45 ans, donc je suis en plein dans la génération de ceux qui ont grandi en voyant jouer Lafleur, a raconté Martin Labrie, de Saint-Hubert.

«J'aimais sa puissance, sa rapidité et son lancer frappé. Ça en faisait un joueur différent des autres.»

«Je n'avais jamais assisté à un match d'anciens, mais puisque c'était le dernier de Lafleur, cela valait la peine de se déplacer», a mentionné de son côté Guy Beaudry, de Montréal, qui était accompagné de son fils Williams.

Ce dernier, fan avoué de P.K. Subban, ne s'est pas fait prier.

«Je trouvais cela important de venir avec mon père pour qu'il me parle de la dynastie du Canadien au temps où Lafleur jouait, a ajouté le garçon d'une dizaine d'années.

«L'équipe de ces années-là avait l'air d'une famille.»

Le coéquipier, l'adversaire, l'idole

Lafleur s'est également dit touché de voir des joueurs du Temple de la Renommée s'être déplacé pour l'occasion.

«Certains d'entre eux sont très occupés, mais ils ont répondu à l'invitation», a souligné Flower.

Les visages familiers des Richer, Lemieux, Damphousse et compagnie entouraient Lafleur dans le camp du Tricolore. Mais la visite venait surtout de l'équipe adverse, qui comprenait les Marcel Dionne, Peter Stastny, Denis Savard, Darryl Sittler et Glenn Anderson.

Il y avait également l'ex-défenseur Brian Leetch, qui est arrivé dans la LNH au moment où Guy Lafleur revenait au jeu dans l'uniforme des Rangers de New York.

«Il était tellement content d'être de retour, se souvient Leetch. Ce qu'il dégageait à l'époque, c'était l'immense plaisir qu'il avait à jouer au hockey.

«J'ai brièvement senti une aura autour de lui, mais elle est vite disparue tellement Guy était chaleureux et amical.»

Pour d'autres, comme Luc Robitaille et Pat Lafontaine, participer à ce match était une façon de renouer avec une idole de jeunesse.

«L'année où j'ai joué pour le Junior de Verdun, on m'avait remis une passe pour assister aux matchs du Canadien au Forum, et j'allais voir Guy presque tous les samedis soir», a raconté Lafontaine.

«Quand j'étais jeune, mes deux modèles étaient Guy Lafleur et Gilbert Perreault, a confié l'ancienne vedette des Sabres et des Islanders. Or, c'était la première fois que je les rencontrais au même endroit, et j'ai fait prendre une photo de nous trois qui va me suivre pour le reste de ma vie.

«Que l'on ait 12 ans ou 45 ans, comme c'est mon cas maintenant, le respect ne se perd pas pour de telles idoles.