Les conflits familiaux augmentent le risque d'accident vasculaire cérébral, conclut une nouvelle étude de l'Université de Montréal. Le stress est lié depuis plusieurs années aux maladies coronariennes, mais c'est l'une des premières recherches sur la relation directe entre une chicane avec un conjoint ou des enfants et un AVC.

Le manque de transparence dans les relations familiales semble à l'origine de certains AVC, selon l'auteure de l'étude publiée dans l'International Journal of Rehabilitation Research, l'ergothérapeute Annie Rochette, de l'Université de Montréal. «Les gens que nous avons interviewés expliquent qu'ils se sentaient coincés par des demandes de leurs proches, qu'ils ne pouvaient pas refuser mais qui ne leur convenaient pas. L'AVC est un genre de porte de sortie devant l'impasse.»Par exemple, une jeune grand-mère est angoissée quand ses enfants lui demandent de s'occuper de ses petits-enfants. Ou une autre femme ne parvient pas à refuser une visite chez sa fille aux États-Unis, même si elle sait que le voyage la stressera beaucoup. Dans les deux cas, la tâche redoutée a été évitée «grâce» à l'AVC.

Capacité à gérer le stress

La chercheuse a recueilli des données auprès de 88 patients qui venaient d'avoir un AVC. De ce nombre, une dizaine ont été pressentis pour une entrevue en profondeur, et neuf, dont trois femmes, ont accepté. L'entrevue, qui a eu lieu deux à trois semaines après l'AVC, a donné lieu à des confessions surprenantes.

«Nous leur avons demandé de décrire leur vie peu avant l'AVC, dit Mme Rochette. Spontanément, ils ont évoqué des tensions familiales. Ce n'était pas une question spécifique de notre part.»

Dans son étude «exploratoire», Mme Rochette cite d'autres recherches semblables. Une étude israélienne, qui a suivi 10 000 hommes âgés de plus de 40 ans pendant 23 ans, a découvert que les cobayes qui mentionnaient au départ avoir des difficultés familiales avaient un risque d'AVC légèrement plus élevé (34%). Plus spécifiquement, ceux dont la femme ou les enfants ne les écoutaient pas à leur goût avaient un risque de 29 % plus élevé, et ceux qui gardaient leurs sentiments pour eux-mêmes après une chicane avec leur épouse, de 27% plus élevé.

Une autre étude, suédoise celle-là, a identifié un risque comparable après un divorce, mais pas d'augmentation significative pour les femmes. «Nous avons aussi étudié le risque d'AVC en fonction de la capacité de réponse au stress», explique l'auteur de l'étude suédoise, Gunnar Engström, de l'Université de Lund, en entrevue téléphonique. « Plus les gens avaient de la difficulté avec le test de stress, plus leur risque d'AVC était élevé.»

Cette capacité de gérer le stress n'est pas une panacée. Il faut aussi le gérer convenablement, sans supprimer ses émotions. Une étude belge a montré en 2003 que les personnalités de type «D», ayant tendance à régler leurs problèmes en les balayant sous le tapis, présentaient 27 % plus de risque de mortalité à court terme (l'étude avait un suivi de 10 ans). Et plus récemment, une étude sur les «bébés du verglas», dont les mères étaient enceintes durant la crise de janvier 1998, montrait que ces enfants souffraient d'un retard cognitif d'autant plus grand que leur mère avait connu de désagréments, et ce, peu importe si elle avait enduré les coupures de courants et déménagements dans la bonne humeur.

Les cardiologues ont aussi intégré la gestion du stress à leur arsenal. «D'une manière générale, les facteurs de risque pour l'infarctus sont les mêmes que pour l'AVC», explique Martin Juneau, de l'Institut de cardiologie de Montréal. «Il y a des études concluantes sur le caractère néfaste du stress depuis longtemps, mais c'est seulement depuis l'étude Inter-Heart, en 2004, que les cardiologues prennent le stress au sérieux.»

Le Dr Juneau considère que l'étude de Mme Rochette est intéressante parce qu'elle s'inscrit dans un intérêt plus récent pour les événements précédant immédiatement les infarctus. L'un des chercheurs les plus influents dans ce domaine est un Montréalais qui enseigne à Harvard, Murray Mittleman. Cet épidémiologiste a notamment montré que le risque d'infarctus est 2,3 fois plus élevé dans les deux heures suivant un accès de colère.