Le Connecticut? C'est sans doute le moins connu des États de la Nouvelle-Angleterre, qu'on a peut-être même traversé sans s'y arrêter, entre Boston et New York. Dommage, car le très prospère Connecticut est rempli de lieux inédits, de musées étonnants et de contrastes marqués. En plus, pas besoin de faire un long détour ou d'y demeurer plusieurs jours pour goûter à ses charmes...

Farmington, son village, ses Degas...

Seigneur, c'est bien un Monet - et même un de ses tableaux de la série des Meules - qui est là, accroché au mur du petit salon, entouré de vases chinois précieux, de gobelets anglais anciens? Et là, c'est vraiment un Degas - wow! ce sont les Danseuses roses - qui orne le grand salon? Tout à fait. À la fois demeure et musée privé, le Hill-Stead compte en fait plusieurs toiles de Monet et de Degas, mais aussi de Manet, Whistler, Mary Cassatt...

Le musée a d'abord été une grande et superbe résidence privée, celle du richissime Alfred Atmore Pope. Homme d'origine modeste devenu magnat de l'industrie de l'acier, M. Pope était un fervent collectionneur de tableaux impressionnistes, d'estampes japonaises anciennes, de lithographies anciennes. C'est d'ailleurs pour mettre en valeur sa collection d'art qu'en 1901, sa fille unique, l'architecte Theodate Pope Riddle (1867-1946), l'une des toutes premières femmes architectes des États-Unis, dessina Hill-Stead, vaste manoir de style Renaissance coloniale, d'un blanc crémeux qui tranche sur le vert environnant.

Absolument tout dans ce superbe musée est d'origine, que ce soit la vaisselle, la literie, les livres... et les oeuvres d'art. Comme si ça ne suffisait pas, le musée Hill-Stead règne sur un paysage de collines adorablement bucoliques et verdoyantes. L'entrée au musée est payante, mais la promenade dans les jardins et les alentours (il y a plusieurs sentiers balisés) est gratuite - il y a même quelques tables à pique-nique sur les lieux. Tous les dimanches, de juillet à octobre, le Hill-Stead tient un marché de produits frais (une vingtaine de producteurs locaux) et présente, deux fois par mois chaque été, son festival de poésie, dans son splendide jardin.

Hill-Stead

www.hillstead.org

Où dormir, manger et boire?

Le Hampton Inns&Suites de Hartford/Farmington, vraiment un chouette hôtel neuf, bien pensé, agréable et tranquille. hamptoninn.hilton.com

Le Wood-N-Tap de Farmington, 1274, Farmington Av., pour passer une soirée sympa. woodntap.com

Le Winvian: calme, luxe et volupté

Peut-on à la fois être délicieusement rustique et incroyablement raffiné? Bien sûr, il suffit de s'appeler le Winvian: imaginez un vaste domaine émaillé d'une quinzaine de chalets, fantaisistes ou chaleureux, excentriques ou apaisants, tous luxueux sans qu'il n'y paraisse. Chacun de ces chalets intimes porte un nom: Maritime (avec un phare), Treehouse (juché dans un arbre), Charter Oak (littéralement construit autour d'un chêne énorme) ou Helicopter (avec un vrai de vrai hélicoptère en plein coeur), quand ce n'est pas Beaver Lodge (croisement fabuleux entre la hutte de castor et le chalet familial qu'on se lègue de génération en génération).

Et chacun de ces chalets est doté d'une chaîne audio haut de gamme, d'une télévision HD géante habilement dissimulée dans le décor, de vélos pour se promener dans les environs, d'un porche ou d'un patio, d'une cafetière espresso, d'une salle de bains personnalisée équipée d'un jacuzzi et d'une steam shower... tout ça en plein milieu d'une forêt et pourtant tout près d'un restaurant véritablement gastronomique, d'un spa haut de gamme, sans oublier une élégante salle de jeu et un vaste solarium où lire et prendre un verre.

On s'entend, ça n'est pas donné, c'est même cher: entre 650 et 1950 dollars américains la nuit, selon le chalet et le forfait choisi. Mais dans le genre «expérience unique à s'offrir pour une occasion vraiment spéciale», on fait difficilement mieux que ce qu'offre ce membre du prestigieux réseau Relais&Châteaux. Si on préfère, on peut simplement souper au restaurant du Winvian, constitué d'une dizaine de petites salles à manger. Le menu est une splendeur de finesse et de fraîcheur, et le service y est impeccable, à la fois professionnel et très souriant. On n'oubliera pas de sitôt le mérou apprêté par Chris Eddy, chef manifestement intelligent et sensible.

Winvian est construit aux environs du hameau de Morris. C'est donc dire qu'on peut aussi se promener aux alentours, sur d'adorables routes de campagne, traversées de jolis murets de pierre des champs, s'arrêter dans de petites villes et de minuscules villages de bon goût, par exemple Kent... Mais le Winvian vaut à lui seul le détour.

Winvian

www.winvian.com

Yale, la ville dans la ville



En boutade, on pourrait dire que la ville de New Haven compte, depuis 1701, sur une seule grande industrie: l'Université Yale. On peut justement visiter le prestigieux campus et ses 12 écoles, installées dans de beaux édifices à l'architecture fascinante, soit sous la direction d'un étudiant de Yale (gratuit et en anglais, du lundi au vendredi, à 10h30 et 14h, ainsi que les samedis et dimanches à 13h30), soit à l'aide de son lecteur MP3 (visite autoguidée en anglais). Mais on peut aussi simplement déambuler dans le vaste quadrilatère qu'occupe l'université pour avoir une idée de sa splendeur. Les visites partent du Mead Visitor Center, situé au 149, Elm St.

Université Yale

www.yale.edu

Old Saybrook et Essex, entre plage et maisons Typiques

Il y a de nombreuses petites villes qui jalonnent la côte sud du Connecticut, mais l'une des plus sympathiques est certainement Old Saybrook, au confluent du détroit de Long Island et du fleuve Connecticut: la vue de la plage à Saybrook Point est à elle seule une incarnation des vacances! Chaleureux et sans esbroufe - pas étonnant si sa plus célèbre résidante fut la comédienne Katharine Hepburn -, Old Saybrook a une atmosphère décontractée, bon enfant, un peu moins formelle que chez sa voisine, la très, très jolie petite ville d'Essex, où toutes les maisons, très souvent cossues, sont admirablement entretenues... Il y a quelque chose de délicieusement harmonieux à Essex et de délicieusement détendu à Old Saybrook. En fait, toute la vallée de la «CT River¢ est de cet ordre. On s'y arrête pour respirer...

Old Saybrook

www.ctrivervalley.com

Où dormir, manger et boire?

À Old Saybrook, on a beaucoup aimé le gîte Deacon Thimothy Pratt B&B (325, Main St.), ses belles chambres très Nouvelle-Angleterre et son porto, offert en tout temps dans la salle à manger, juste à côté des bons biscuits: www.pratthouse.net. À deux pas de là, à la James Pharmacy and Soda Fountain (construite en 1790), on peut déguster de délicieuses crèmes glacées maison et de savoureux plats... marocains (soupe harira, falafels, etc.), et même acheter des produits fins importés du Maroc. Enfin, si vous avez envie de prendre un verre dans un cadre franchement sympathique et très «local», allez au Hole Tavern (256, Main Street).

Greenwich et la grande cuisine française

À moins d'une heure de Manhattan, on ne s'attend pas nécessairement à trouver une table comme celle de Thomas Henkelmann, tout juste à la frontière entre l'État de New York et celui du Connecticut: formé par des étoiles de la cuisine française et allemande (Paul Haeberlin et Eckart Witzigmann), puis chef à la tête de grands restaurants de New York, le bel Allemand est installé à Greenwich depuis 1997.

Avec sa femme Theresa, ils ont transformé une vaste maison victorienne du XVIIIe siècle d'abord en restaurant, puis en hôtel. Toutes les chambres, originales et très confortables, sont décorées par Theresa, qui a su mêler avec goût et humour meubles d'époque et objets décoratifs surprenants.

À la tête d'une importante équipe en cuisine et en salle - dont plusieurs sont européens et parlent français -, le chef Henkelmann propose un menu dans la grande tradition française, avec tout le décorum voulu, dans une atmosphère à la fois feutrée et balnéaire, à quelques kilomètres seulement de l'autoroute! Ses ris de veau aux petits pois et sauce périgourdine feront le bonheur des amateurs d'abats, alors que ceux qui aiment les poissons et fruits de mer devraient être séduits par les médaillons de homard ou le filet de flétan. Oui, ce sont des classiques, mais Thomas Henkelmann y ajoute toujours un petit quelque chose d'inattendu qui fait sourire de plaisir.

Homestead Inn

www.homesteadinn.com

Chez Mark Twain à Hartford

Pour nombre d'entre nous, le «conservatory», c'est une carte dans le jeu de Clue. Mais à Hartford, dans l'élégante et opulente maison victorienne de Mark Twain, auteur des Aventures de Tom Sawyer et des Aventures de Huckleberry Finn, le «conservatory» est bel et bien un fabuleux petit jardin sous serre, qui fait partie de la maison de Twain, fontaine comprise!

Dessinée spécialement pour le grand auteur américain et sa famille, cette demeure se visite avec ravissement. Et son histoire abonde en anecdotes: par exemple, les objets disposés sur l'un des manteaux de foyer devaient figurer absolument - et dans l'ordre! - dans les histoires que racontait Twain à ses trois filles, le soir.

Quant au gigantesque foyer de bois massif qui règne dans le salon, il a été acheté en Écosse par le romancier, transporté à Hartford, ensuite déménagé dans une autre demeure des Twain qui a par la suite brûlé... On croyait bien le monumental manteau en cendres, jusqu'à ce qu'un voisin explique qu'il se trouvait dans sa grange, remisé là par les nouveaux propriétaires qui l'avaient trouvé trop massif! Résultat des courses, il est revenu à Hartford.

Pour ce qui est de la salle de billard, tout en haut de la maison, s'y trouvent toujours deux bureaux: l'un, très conventionnel, servait pour le règlement des factures, le courrier, etc. alors que le deuxième, un simple guéridon de bois tassé dans un coin, était strictement réservé à l'écriture des romans... Outre la maison, on peut aussi visiter le musée Mark Twain, tout à côté de la demeure, très contemporain et très bien pensé (stationnement vaste et gratuit), doté d'un très bon café-resto. Ses murs sont émaillés du très spirituel Mark Twain, dont celle-ci: «Voyager est mortel pour les préjugés» !

Mark Twain House and Museum

www.marktwainhouse.org

Un musée classique et contemporain à New London

Au rez-de-chaussée? Surtout des tableaux des plus célèbres peintres impressionnistes américains, mais aussi des oeuvres d'Ingres, Nicolas Poussin, etc., le tout parsemé de bronzes modernes de William Turnbull. À l'étage? Des expositions farouchement contemporaines fascinantes, avec les photographies géantes et iconoclastes de David LaChapelle (sa série American Jesus mettant en vedette Michael Jackson!), certaines des fameuses photos de chiens de William Wegman, toute une salle consacrée à l'art du portrait chez les artistes d'aujourd'hui, une autre réservée aux artistes réalistes contemporains... Bref, aurez-vous saisi que le musée Lyman Allyn, installé dans une élégante et vaste demeure néo-coloniale en pierre, dans la ville de New London, vaut qu'on s'y arrête? Si vous y passez le premier dimanche du mois, l'entrée y est gratuite, sinon elle coûte 8$ (gratuit pour les enfants de 12 ans et moins). Ça vaut le coût!

Lyman Allyn Art Museum

www.lymanallyn.org