Deux semaines après son élection, le nouveau conseil de bande de Kanesatake a déjà été appelé à la rescousse pour apaiser des tensions dans la réserve et permettre la levée d'une barricade érigée hier sur la route 344. Les résidants des environs espèrent qu'il s'agit d'un incident isolé. Le spectre de la crise d'Oka hante encore certains esprits.

Peu après minuit, dans la nuit de vendredi à hier, une dizaine de Mohawks ont installé en travers de la route 344 de gros troncs d'arbres qu'ils ont incendiés pour empêcher toutes les voitures de circuler entre Kanesatake et Oka. Les Mohawks auraient agi sous le coup de la frustration après que des agents de la Sûreté du Québec leur eurent remis des contraventions pour plusieurs infractions au Code de la sécurité routière. Pour éviter d'échauffer davantage les esprits, et bien que la Sûreté du Québec ait officiellement compétence dans la réserve, ce sont donc des membres du conseil de bande qui ont été chargés de négocier la levée du siège. Les manifestants ont baissé la garde au bout de quelques heures à peine, et la circulation a pu être rétablie dès 9h30. Personne n'a été arrêté.

À 10h, Oka avait donc retrouvé le calme qui lui sied si bien en ces belles journées d'été. Des incidents de la nuit dernière, il ne restait que l'énorme cadavre à demi-calciné d'un arbre sur le bas-côté de la route, que des travailleurs du ministère des Transports du Québec avaient déjà commencé à découper en rondins.

Cet incident a réveillé de mauvais souvenirs de part et d'autre du blocus. «Bien sûr que ça m'inquiète», a dit une employée d'un restaurant d'Oka qui, par peur de représailles, et comme la plupart des résidants des environs, a préféré taire son nom. En 1990, lors de la fameuse crise d'Oka, le climat était devenu si tendu qu'elle avait préféré quitter son domicile pour se réfugier chez des amis pendant près d'un mois. «Je ne veux jamais revivre cela.»

Que jeunesse se passe

Mais cette fois, les choses semblent différentes. «Ceux qui ont fait cela, ce sont des jeunes qui n'étaient même pas nés lors de la crise. Ce ne sont que des petits voyous qui s'énervent», a estimé une autre employée de restaurant.

Sur le terrain de golf, tout près de la barricade, des joueurs se sont plaints d'être souvent victimes de vol. «Mais le climat est très calme depuis des années», a dit un habitué avant de préciser, au sujet du vandalisme: «Est-ce que ce sont vraiment des autochtones qui en sont responsables? Ce serait injuste de porter des accusations sans preuve.»

Le même appel à la prudence se fait entendre de l'autre côté de la frontière invisible qui sépare la municipalité d'Oka de la réserve autochtone. «Ce qui s'est passé ici aurait pu se produire à Montréal ou ailleurs, a raconté Dîna Ferrovitch. Des adolescents ont voulu s'amuser et ont pris les mauvais moyens pour le faire. On va demander aux aînés de leur parler, et le calme va revenir.»

Le conseil de bande de Kanesatake n'a pas rappelé La Presse hier.