Peu avant la très attendue réunion d'un comité du parlement sur l'abandon du formulaire détaillé obligatoire de recensement, mardi, c'est la pelouse du parlement fédéral qui accueillera des opposants à cette décision du gouvernement Harper.

Divers groupes vont se rassembler tôt mardi matin devant le parlement à Ottawa pour protester contre l'abolition du long formulaire, une initiative de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ).

«On veut interpeller le ministre (de l'Industrie) Tony Clement et lui signifier qu'il y a un consensus grandissant pour le maintien du formulaire détaillé et que la décision qu'il a prise est une mauvaise décision et qu'il doit revenir dessus», a lancé lundi le président de la FEUQ, Louis-Philippe Savoie.

Il estime que sans le formulaire obligatoire, les données recueillies par Statistique Canada seront moins nombreuses et moins fiables.

Les manifestants ont l'appui des trois partis d'opposition. Le député bloquiste Robert Bouchard, le libéral Marc Garneau et un député néo-démocrate seront présents lors de la manifestation.

Des membres du Syndicat canadien de la fonction publique, de l'Association des étudiants diplômés de l'Université d'Ottawa et de la Fédération étudiante collégiale du Québec vont aussi participer à l'événement.

Une cinquantaine de personnes sont attendues à la manifestation.

Le président de la FEUQ croit que le remplacement du long formulaire par un sondage volontaire portera un dur coup aux recherches universitaires.

«Ce qui nous touche plus particulièrement, c'est l'impact sur la qualité de l'éducation et de la recherche», a-t-il expliqué.

«Au niveau de la recherche, moins les données sont fiables, moins la recherche va être bonne. Les données de Statistique Canada sont importantes pour la recherche en sciences sociales et en économie», a-t-il fait valoir.

De façon générale, il croit que l'abolition du long formulaire rendra plus difficile la création de politiques sociales, notamment en éducation.

La FEUQ craint aussi que l'Enquête des jeunes en transition menée par Statistique Canada - qui étudie des cohortes d'élèves sur une dizaine d'années - ne soit aussi abolie dans la foulée des récents événements.

L'Enquête accuse actuellement du retard, ce qui a fait naître les inquiétudes de la FEUQ, qui n'a cependant pas réussi à faire confirmer si elle serait effectivement abolie.

«Dans le contexte actuel, on est amenés à craindre le pire», a souligné M. Savoie.

Selon lui, cette enquête fournit de précieuses données sur les élèves, notamment sur les causes du décrochage scolaire.

Le gouvernement a justifié sa décision d'abolir le formulaire détaillé en citant les préoccupations des citoyens qui estiment que ses questions portent atteinte à leur vie privée. Le ministre Clement trouve aussi qu'il n'est pas acceptable d'imposer des peines de prison à ceux qui ne le remplissent pas.

Mais un comité consultatif fédéral suggère un compromis.

Le Conseil national de la statistique (CNS) demande au gouvernement Harper de maintenir le formulaire de recensement détaillé, mais de retirer de la loi les peines d'incarcération pour les citoyens qui ne l'auront pas rempli.

Le CNS prévient le gouvernement que l'abolition du formulaire détaillé aurait pour effet de nuire aux efforts visant à suivre l'évolution de la société et de l'économie.

Le Conseil a tenté de parler directement au ministre Clement au sujet de sa proposition, mais n'a pas reçu de réponse.

«Des questions de vie privée, de questions envahissantes dans le formulaire ont été soulevées, et jusqu'à un certain point on veut dire aux gens, c'est bien d'avoir un débat, mais il y a une urgence réelle de trouver une solution qui protège la qualité et l'intégrité du système canadien de statistiques», a déclaré le président du Conseil, Ian McKinnon.

Toute la controverse entourant le formulaire détaillé a mené à la démission du statisticien en chef, Munir Sheikh, la semaine dernière.

M. Sheikh et le ministre Clement, responsable de Statistique Canada, sont parmi ceux qui vont témoigner mardi devant le comité de l'industrie de la Chambre des communes.

De nombreuses voix se sont élevées au cours des dernières semaines pour réclamer le maintien du formulaire détaillé, dont des statisticiens, chercheurs, économistes, municipalités, provinces et divers groupes de protection des droits des minorités.