Les grands projets de transports en commun devront faire l'objet d'une «priorisation» et des dizaines de projets plus modestes pourraient être reportés pour une période indéfinie en raison d'un plafond de dépenses de moins de 3 milliards imposé par le Conseil du trésor, pour les cinq prochaines années.

Ces sommes ne suffiront pas à couvrir les coûts de tous les grands projets déjà annoncés par le ministère des Transports (MTQ), les municipalités et les sociétés de transports en commun du Québec, depuis 2006. Ces grands projets totalisent déjà à eux seuls plus de 4 milliards, selon un recensement non exhaustif réalisé par La Presse.

Pire encore, des dizaines d'autres projets de taille plus modeste, pour la construction de gares de trains ou d'autocar, l'aménagement d'abribus, la mise en place de systèmes d'affichage dynamique pour l'information aux usagers, la construction de garages pour l'entretien des bus ou les travaux de réfection des infrastructures actuelles, pourraient être retardés.

Selon des sources de La Presse, des projets majeurs annoncés au cours des dernières années, mais qui ne sont pas encore en chantier pourraient eux aussi être mis en attente pour une période indéfinie, faute d'argent pour les financer. Ce pourrait être le cas de projets tels que le centre d'entretien des trains de banlieue de Pointe Saint-Charles ou la création d'un couloir d'autocar de 120 millions, intégré au projet de transformation de l'autoroute Bonaventure, à Montréal.

Dans son budget de dépenses 2011-2012, le Conseil du Trésor a prévu des crédits de 2,953 milliards pour les infrastructures de transports en commun, soit une moyenne de moins de 600 millions par année, jusqu'en 2015.

Les dissensions entre le Conseil du Trésor (CT) et le MTQ durent depuis des mois. En décembre 2010, le premier a refusé d'approuver le plan quinquennal d'immobilisations (PQI) déposé par le second pour la période 2010-2015, a confirmé la présidente du CT, Michelle Courchesne, dans une entrevue accordée à La Presse, la semaine dernière. Ce plan incluait, entre autres, le projet du train de banlieue Montréal-Mascouche (train de l'Est), dont les coûts ont explosé de 70% en moins d'un an.

En plus d'imposer une révision complète de ce projet, qui sera supervisée par Infrastructure Québec, le Conseil du Trésor a aussi demandé au MTQ de «nous revenir avec des dossiers beaucoup plus détaillés» sur les projets de transports en commun prévus à son PQI, a précisé Mme Courchesne.

Neuf mois plus tard, le plan du Ministère n'est toujours pas approuvé.

Le vent dans les voiles

Depuis le milieu des années 2000, les transports en commun ont le vent dans les voiles, au Québec. L'accroissement de la clientèle a entraîné la multiplication des projets visant à augmenter les services, surtout dans la région de Montréal. La modernisation des trains de banlieue, le renouvellement des voitures du métro, la création de nouveaux couloirs d'autobus exclusifs (incluant le projet Rapibus de la Société de transport de l'Outaouais, à Gatineau) et les travaux de réfection des infrastructures existantes, ont fait augmenter de manière significative les prévisions d'investissements des sociétés de transport. Les plans d'immobilisations de l'Agence métropolitaine de transport (AMT) et des cinq plus grandes sociétés de transport du Québec (à Montréal, Québec, Longueuil, Gatineau et Laval), rendus publics à la fin de 2010, totalisent à eux seuls plus de 7,5 milliards, et ce, pour les années 2011 à 2013 seulement.

«Les sociétés de transport ne fonctionnent plus seulement en mode "opération". Elles sont passées en mode de développement, et elles n'ont pas eu le choix», en raison de la croissance constante de l'achalandage enregistrée au cours des dernières années, indique France Vézina, directrice générale de l'Association du transport urbain du Québec (ATUQ), qui regroupe les neuf plus importantes sociétés de transport public au Québec.

Mme Vézina dit avoir entendu parler des discussions entre le Conseil du Trésor et le ministère des Transports du Québec, mais que «l'information rentre au compte-gouttes». Le refus du Conseil du Trésor d'approuver le PQI du Ministère depuis décembre dernier empêche les sociétés de transport d'inscrire de nouveaux projets sur la liste du Ministère, «ce qui va se traduire par des reports et des retards, affirme-t-elle. Les projets sont toujours reportés. Et pour les sociétés de transport, c'est l'incertitude sur toutes les nouvelles initiatives qui est la plus négative.»

En entrevue avec La Presse, Mme Vézina n'a pas voulu commenter la décision du Conseil du Trésor de limiter à moins de

3 milliards les investissements du MTQ dans les transports en commun, au cours des cinq prochaines années. Elle a toutefois reconnu qu'en regard des besoins en immobilisations exprimés par les transporteurs publics, «il va assurément manquer d'argent».

La directrice de l'ATUQ a dit souhaiter par ailleurs que le désaccord actuel sur le plan d'investissement du MTQ ne soit pas le prélude à des compressions budgétaires dans les transports en commun, pour contribuer au rétablissement de l'équilibre budgétaire du Québec.

«Il ne faut pas que ce soit cela, dit Mme Vézina, ça n'aurait pas de bon sens. On ne stagnera pas, on va reculer, parce qu'en ce moment, la croissance de la demande va trop vite. Ça n'aurait pas de bon sens non plus, dans le contexte des objectifs de réduction des gaz à effet de serre fixés par le gouvernement du Québec», qui souhaite diminuer ces émissions polluantes de 20%, d'ici 2020.