La Meute a qualifié de « grand succès » la marche d'un peu moins de 1000 manifestants hier à Québec contre « le mépris systémique du gouvernement Couillard ». La journée a toutefois illustré les divisions de la droite identitaire, alors que le rassemblement s'est séparé en deux groupes distincts aux revendications différentes.

Le choc appréhendé avec les quelques centaines de contre-manifestants antiracistes n'a finalement pas eu lieu. Le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) a maintenu les deux groupes à distance. Le SPVQ a procédé à 44 arrestations et ne rapporte ni dégâts ni blessés.

La Meute et Storm Alliance ont entamé leur marche vers la colline Parlementaire sur le coup de midi.

Les membres des deux groupes ne se sont pas mêlés et chacun avait son propre service de sécurité. Les deux groupes ne s'entendaient pas non plus sur les revendications.

La Meute marchait pour dénoncer le gouvernement de Philippe Couillard, en marge du congrès du Parti libéral du Québec (PLQ). Mais elle exigeait aussi l'interdiction de la burqa et du niqab dans tous les lieux publics au Québec, a expliqué le porte-parole du groupe, Sylvain Brouillette.

Cette position n'était pas partagée par Storm Alliance, groupe qui dit lutter contre l'immigration illégale. « La séparation, c'est une décision de La Meute. Ils voulaient avoir leur espace, faire voir leurs pancartes. La Meute voulait parler du hijab [sic], et c'est quelque chose dont on ne parle pas, nous autres », explique le président de Storm Alliance, Dave Tregget.

Atalante sur les remparts

Les contre-manifestants ont été contenus devant l'hôtel du Parlement puis refoulés par la police. Quelques participants au rassemblement contre le racisme ont lancé des boules de neige à l'arrivée du cortège de Storm Alliance et de La Meute, avant de se disperser.

L'apparition d'une quarantaine de membres du groupe d'extrême droite Atalante, sur les remparts de la vieille ville, a suscité une vive réaction dans le rassemblement antiraciste.

Ce groupe, qui veut « créer la nouvelle aristocratie guerrière de demain », milite pour la « remigration », concept qui implique le renvoi dans leur pays d'origine d'immigrés installés au Québec depuis des années, voire des décennies.

Présent au rassemblement contre le racisme, le rappeur de Québec Webster a vu avec dégoût Atalante narguer les contre-manifestants.

« Pour moi, que la police ait laissé passer Atalante pour monter sur le mur comme ça, je pense que ça en dit long, a déploré Aly Ndiaye, de son vrai nom.

« Je pense qu'il y a un traitement différent pour les antiracistes et le mouvement xénophobe, raciste, ignorant. »

« C'est quelque chose que j'ai vu grandir. Moi, j'ai un cousin qui, à Québec, a été laissé pour mort par des membres d'un groupe xénophobe, raconte celui qui, né d'un père sénégalais et d'une mère québécoise, a grandi dans le quartier Limoilou. Pour moi, c'est important d'être ici pour combattre la peur et l'ignorance. »

Les membres d'Atalante, qui n'ont pas voulu répondre aux questions des journalistes, ont ensuite rejoint le contingent de La Meute et de Storm Alliance devant le parlement. Ceux-ci les ont laissés se mêler à eux.

« Aux dernières nouvelles, est-ce qu'Atalante a commis des crimes ? Est-ce qu'ils ont fait quelque chose de grave ? demande Dave Tregget. Ils ont une idéologie différente. Une des valeurs qu'on défend, à Storm Alliance, c'est la liberté d'expression. Je ne défends pas Atalante, je ne les dénonce pas non plus. Ils ont suivi les règles. »

Les manifestants sont passés devant le Palais des congrès, où se déroulait le congrès du PLQ. « Ils doivent rire de nous autres là-dedans, a dit Sylvain Brouillette, porte-parole de La Meute. Mais à l'automne 2018 [moment des prochaines élections], ils vont trouver ça moins drôle. »

Une reprise du 20 août évitée

La police de Québec s'est réjouie d'avoir évité une reprise du 20 août dernier, alors que des manifestants antifascistes s'en étaient pris à des membres de La Meute. « Nous sommes satisfaits du déroulement de la journée, note l'inspecteur André Turcotte, du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ). Il n'y a eu aucun blessé, autant chez les policiers que chez les manifestants ou les citoyens. » La police de Québec ne pense pas que la présence des militants d'Atalante sur les fortifications aurait pu faire dégénérer les choses. « On a jugé que c'était possible de les laisser là. On avait la situation en contrôle. C'était correct pour nous autres », dit M. Turcotte.

Coiteux salue le travail de la police

Pour le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, la police était « bien préparée et a fait un très bon travail » pour contenir les manifestations survenues hier en marge du Congrès du Parti libéral du Québec. Pas question pour lui de dire si l'une des deux manifestations, de gauche ou de droite, était plus répréhensible que l'autre. 

Qu'est-ce qu'Atalante ?

Atalante est un groupe xénophobe qui se décrit lui-même comme un « mouvement nationaliste révolutionnaire et identitaire ». Le groupe a fondé un club de combat privé à Québec. « Nous voulons créer la nouvelle aristocratie guerrière de demain en encourageant nos militants à pratiquer des sports extrêmes comme le combat », explique le groupe dans une entrevue au site breton Breizh Info. Atalante a reconnu que certains de ses membres avaient, par le passé, commis des voies de fait graves avec lésions contre des militants d'extrême gauche.

- Avec Denis Lessard