« Nous sommes ici chez nous et nous souhaitons y vivre en paix et en grand nombre », a martelé hier soir le maire d'Oka, Pascal Quevillon.

« Depuis un petit bout, je vois la frustration du maire, mais il aurait pu utiliser une autre approche que d'utiliser la question de race », a, de son côté, dénoncé le grand chef du Conseil mohawk de Kanesatake, Serge Simon.

La mairie d'Oka et le Conseil mohawk ont tous deux convoqué les membres de la communauté pour exprimer leurs points de vue et poser leurs questions sur des revendications territoriales - dans deux réunions distinctes.

Au coeur du litige : des terrains revendiqués par les Mohawks et actuellement détenus par le promoteur Grégoire Gollin, qui souhaite les leur transférer.

Dans une église bondée, le maire d'Oka a demandé au gouvernement fédéral de «  prendre en compte les droits des citoyens d'Oka  ». Des chants amérindiens et des battements de tambour devant les portes ouvertes de l'église se faisaient entendre pendant la séance. «  Nous ne sommes pas d'accord avec ce que la Ville veut dire  », a indiqué à La Presse l'un des participants à cette petite manifestation, David Gabriel.

La crise d'Oka était sur bien des lèvres, hier, dans les deux communautés. «  Avez-vous un plan d'action pour faire en sorte qu'on ne revive pas la crise  ? Il nous a fallu 25 ans pour en sortir  », a notamment demandé une Okoise.

«  On ne vivra pas de deuxième crise  », a répondu le maire, précisant que la municipalité demandait d'être «  respectée  ». Il a répété avoir dit qu'il ne souhaitait pas un nouvel épisode du genre, mais que si cela survenait, la grogne viendrait du côté des citoyens d'Oka s'estimant lésés.

Terrains revendiqués

Le promoteur Grégoire Gollin, qui n'a pu être joint hier, a une entente avec le Conseil mohawk pour lui transférer la pinède adjacente au Domaine des collines, d'environ 60 hectares, et mettre à la disposition des Mohawks de Kanesatake ses autres terres disponibles, d'environ 150 hectares, par l'intermédiaire du gouvernement fédéral. En 2017, des membres de Kanesatake avaient demandé à mettre un frein au développement résidentiel dans l'un des secteurs visés, ce qui avait créé des remous.

Tant le maire d'Oka qu'un certain nombre de résidants présents hier ont dit craindre une perte de valeur des terrains si la municipalité se retrouvait «  enclavée  » dans le territoire mohawk.

Le grand chef de Kanesatake, Serge Simon, a réagi vivement à ces propos, les qualifiant de «  racistes  » et disant évaluer la possibilité d'intenter des actions juridiques.

«  Dire que si les Mohawks étaient pour rapatrier certaines terres, la valeur des maisons des non-autochtones va baisser, c'est comme dire que s'il y a des Juifs qui rentrent à côté, je vais perdre la valeur de ma maison, ça n'a pas de bon sens  », a-t-il lancé en point de presse, après une séance de consultation du conseil de bande avec sa communauté en fin d'après-midi, à laquelle certains citoyens d'Oka ont aussi assisté.

Il a aussi affirmé avoir peur pour sa communauté, jugeant le discours du maire «  inquiétant  ».

Les propos de M. Quevillon, rapportés dans les médias dernièrement, n'ont pas fait l'unanimité parmi les élus. Trois conseillers se sont dissociés du maire au début de la rencontre à l'église et y ont assisté à titre de résidants. L'un d'eux s'est ravisé et a finalement rejoint le reste de l'équipe solidaire à M. Quevillon en fin de séance.

En point de presse, le maire s'est défendu d'être raciste. «  Je mets la vérité en face, a-t-il expliqué. Le risque d'avoir des cabanes à cigarettes, des cabanes à cannabis, des sites d'enfouissement sur les terres qu'ils veulent acquérir est très réaliste. C'est ce qu'on voit à Kanesatake. On ne peut pas le nier.  »

Derrière lui, deux femmes agitaient des drapeaux, l'un iroquois et l'autre mohawk. «  Notre message est que nous sommes ici et nous n'allons nulle part  », a dit à La Presse Katsi'tsaronhkwas Stacy, son drapeau des Warriors à la main.

Âgée de 25 ans, elle n'a pas connu la crise d'Oka, mais estime avoir vécu un «  traumatisme intergénérationnel  ».

Un certain nombre de résidants ont eux aussi témoigné des cicatrices laissées par la crise et exprimé le désir de trouver une solution pour mettre fin à l'escalade de la tension entre les deux communautés.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Le grand chef du Conseil mohawk de Kanesatake, Serge Simon