Un peu de contexte
La Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal a été mise en œuvre en 2015 par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). Elle visait initialement à protéger tous les animaux domestiques – comme les animaux de compagnie (chat, chien, lapin) et les animaux élevés pour l’agriculture (bœuf, porc, poule) –, ainsi que certains animaux sauvages élevés pour leur fourrure (renard roux, vison d’Amérique). Les nouvelles espèces ajoutées à cette liste sont les animaux sauvages élevés pour leur chair (poisson, grand gibier, oiseau fermier), leur miel (abeille) ou leur fourrure (renard arctique). Ces animaux étaient jusqu’ici, pour la plupart, sous la responsabilité du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.
Les animaux sauvages d’élevage en chiffres
Chaque année, au Québec, sont abattus...
7404 grand gibier (sanglier, cerf rouge, wapiti, bison)
3,2 millions de canards et d’oies
656 346 autres oiseaux fermiers (pintade, caille, autruche, émeu, faisan)
1145 tonnes de poissons d’eau douce (omble chevalier, omble de fontaine, truite arc-en-ciel)
Sources : 2016 et 2018, gouvernement du Québec et MAPAQ
Nous reconnaissons que les animaux sont des êtres doués de sensibilité ayant des impératifs biologiques et qu’il est primordial d’assurer collectivement leur sécurité et leur bien-être tout au long de leur vie. Le Québec est maintenant un pionnier en la matière, et je suis fier que les Québécois s’impliquent activement pour le bien-être et la sécurité de l’ensemble des animaux de notre secteur agroalimentaire québécois.
André Lamontagne, ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, dans un communiqué
Le loup dans la bergerie
Cette loi détaille notamment de nombreuses obligations : soins, accès à l’eau et à la nourriture, propreté et espace pour que l’animal puisse se mouvoir. Elle énonce aussi que nul ne peut causer la détresse d’un animal (douleurs, anxiété, souffrance). Cependant, ces obligations comportent plusieurs exceptions : elles ne s’appliquent pas, notamment, aux animaux élevés pour l’agriculture. Pour ces derniers, la grande majorité des conditions de vie sont dictées par l’industrie ; la loi ne leur offre qu’une protection mineure, par exemple durant de leur transport. Les animaux sauvages d’élevage seront-ils donc considérés comme des animaux d’agriculture, n’obtenant par là même qu’une protection partielle de la loi ? Les visons d’Amérique et les renards, inclus dans la loi initiale de 2015, donnent une première idée de la réponse.
Il y a des animaux sauvages qui sont [déjà] intégrés dans la loi, comme les visons d’Amérique. […] Mais dans la mesure où ils sont élevés pour leur fourrure, ce sont des animaux d’agriculture, et donc on leur enlève par la main gauche ce qu’on vient de leur donner par la main droite.
Me Alain Roy, professeur titulaire à la faculté de droit de l’Université de Montréal
Cette déclaration, ça pourrait simplement être de la poudre aux yeux du public : on reconnaît que les animaux sont des êtres sensibles, qu’ils ont des impératifs biologiques, qu’on doit les protéger, mais en même temps, ils vont être exclus par cette exception qui est déjà là dans la loi.
Me Sarah-Isabelle Avril, candidate à la maîtrise en droit à l’Université de Sherbrooke
Le contenu exact du nouveau règlement par lequel ces 40 espèces vont être ajoutées à la loi n’a cependant pas encore été publié, il est donc trop tôt pour se prononcer. Mais selon Me Roy, il faudrait repenser la portée générale de cette loi pour une protection plus efficace des animaux d’élevage, sauvages ou domestiques.
[La Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal] est une avancée, mais qui n’est absolument pas satisfaisante ou suffisante. Il va falloir aller beaucoup plus loin, et je pense que les gens en sont de plus en plus conscients.
Me Alain Roy, professeur titulaire à la faculté de droit de l’Université de Montréal