Benny Ho est l’un des 4130 immigrants de Hong Kong que le Canada a accueilli entre 2020 et mars 2022

Le Canada a accueilli plus d’immigrants de Hong Kong dans la foulée de l’adoption de la loi sur la sécurité nationale en 2020, notamment grâce à une politique migratoire excluant le Québec. À l’occasion des 25 ans de la rétrocession à la Chine de l’ancienne colonie britannique, La Presse s’est entretenue avec un nouvel arrivant au sujet des raisons de son départ et des défis auxquels il a dû faire face.

La plupart des immigrants au Canada en provenance de Hong Kong s’établissent en Ontario ou en Colombie-Britannique, mais Benny Ho et sa famille ont choisi le Québec. « Notre plan initial était d’aller à Toronto, en Ontario, mais ma sœur vit à Montréal, donc elle pouvait nous offrir beaucoup de soutien », explique en anglais M. Ho, 55 ans, qui s’est installé à Brossard avec sa femme et sa fille le printemps dernier.

Ils font partie des quelque 790 immigrants en provenance de Hong Kong qui sont arrivés au Canada entre janvier et mars 2022. Après une diminution de 1540 immigrants en 2019 à 1045 en 2020, pas moins de 2295 Hongkongais ont élu domicile au pays en 2021, d’après les données du gouvernement fédéral – dont seulement 70 au Québec.

De nouveaux défis ici

M. Ho était travailleur social à Hong Kong, mais la barrière de la langue l’empêche d’exercer ce métier ici, pour l’instant. « Je dois d’abord apprendre un peu de français. Je vais suivre un cours en juillet », assure-t-il. En attendant, le père de famille occupe un emploi d’aide-cuisinier dans un restaurant. « Je dois gagner ma vie », soupire-t-il.

Le Canada a facilité l’arrivée des immigrants de Hong Kong en 2021 par l’entremise de permis de travail ouvert pour les nouveaux diplômés et de deux nouvelles voies d’accès à la résidence permanente créées en réponse à l’adoption de la loi sur la sécurité nationale.

Ces nouvelles voies d’accès à la résidence permanente excluent toutefois le Québec, ce qui signifie que M. Ho et sa famille devront quitter la province pour obtenir ce statut.

Consultez « Politique d’intérêt public : permis de travail ouvert pour les nouveaux diplômés de Hong Kong » Consultez « Voies d’accès à la résidence permanente pour les résidents de Hong Kong »

« C’est une chose très difficile pour nous parce que nous avons des parents ici, nous avons commencé à nous installer ici », regrette-t-il. « Ma fille souhaite apprendre le français, mais elle devra partir avec nous dans peut-être un an ou deux si nous voulons postuler pour la résidence permanente. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Benny Ho et sa fille

Interrogé sur les raisons pour lesquelles le Québec est exclu, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration explique qu’« étant seul responsable de la sélection des ressortissants étrangers à destination de son territoire dans la catégorie de l’immigration économique, le Québec ne participe pas à cette [politique] en raison du faible volume de personnes visées et du fait que ces dernières disposent déjà de voies vers l’immigration permanente au Québec, notamment le Programme de l’expérience québécoise et le Programme régulier des travailleurs qualifiés ».

« Pas comme le Hong Kong d’avant »

C’est d’abord en raison de l’« instabilité politique » que M. Ho a quitté le territoire. « Hong Kong a beaucoup changé après 1997, et depuis quelques années, le gouvernement a beaucoup plus de contrôle sur son peuple », résume-t-il. « Ce n’est pas comme le Hong Kong d’avant, nous n’avons pas la liberté d’expression, nous n’avons pas de suffrage universel, nous n’avons pas le droit de choisir notre gouvernement. »

Le 1er juillet 1997, l’ancienne colonie devenait une région semi-autonome autour du principe « un pays, deux systèmes ». Mais la Chine continentale a depuis resserré son emprise sur le territoire en bafouant des droits fondamentaux jusque-là reconnus. Cette répression a culminé avec l’adoption, le 30 juin 2020, d’une loi sur la sécurité nationale visant à faire taire les dissidents.

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En venant s’établir ici, M. Ho et sa femme souhaitaient aussi offrir une meilleure instruction à leur fille. « Le système d’éducation à Hong Kong a beaucoup changé, affirme-t-il. Le gouvernement chinois essaie d’imposer beaucoup de règles et j’ai peur qu’il y ait une sorte de lavage de cerveau. »

Selon des chiffres publiés en août 2021, Hong Kong avait alors vu sa population décroître de 1,2 % en un an à 7,3 millions d’habitants, le recul le plus important depuis l’établissement de telles données en 1961.

Pour le gouvernement, ces départs sont « normaux », la dirigeante sortante Carrie Lam accusant les autres pays de « déguiser leur quête de talents » sous un prétexte politique. Son successeur John Lee a averti que les émigrants rateraient des perspectives d’avenir en partant.

Avec l’Agence France-Presse