La visite papale à Québec verse beaucoup trop dans la « fête catholique à 100 % », selon la grande cheffe crie Mandy Gull-Masty.

La représentante de l’Assemblée des Premières Nations (APN) pour la portion québécoise du voyage du pape François estime en outre qu’un effort aurait dû être fait pour qu’il visite un ancien pensionnat au Québec et déplore que l’anglais ait une place insuffisante dans l’organisation des trois jours que le pape passera dans la Capitale-Nationale.

Je comprends que l’Église doive intégrer le public catholique. Mais il y a au Québec des barrières au niveau de la langue et de l’ouverture culturelle [cultural awareness]. Et au Québec, malheureusement, la province a déclaré qu’il n’y a pas de racisme systémique. Il y a eu beaucoup d’efforts pour que la province soit québécoise. Mais les Autochtones ne sont pas québécois. Et le racisme systémique est au cœur des pensionnats autochtones.

Mandy Gull-Masty, grande cheffe crie

Mme Gull-Masty déplore que l’Église québécoise ait décidé d’amener le pape au sanctuaire de Sainte-Anne-de-Beaupré plutôt que dans un pensionnat autochtone. « J’aurais aimé qu’il y ait une place pour les gens qui ne pratiquent pas. J’aurais aimé que l’Église catholique soit plus ouverte. »

Les cérémonies et spectacles prévus sur les plaines d’Abraham ne répondront-ils pas à ce besoin ? « L’accent sur les plaines d’Abraham ne sera pas sur la réconciliation », dit la cheffe waswanipienne.

Le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador (APNQL), l’Innu Ghislain Picard, confirme que le ton prévu jusqu’à maintenant pour les prestations spirituelles et culturelles sur les plaines d’Abraham le 27 juillet, pendant que le pape rencontrera les dignitaires et des survivants des pensionnats à la Citadelle de Québec, ne convient pas pour le moment aux Autochtones.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Ghislain Picard

Il y a une délégation de Mashteuiatsh qui va marcher 300 km jusqu’à Wendake, puis qui va arriver à Québec le 27 juillet. S’ils ne sont pas intégrés à la venue du pape, ils vont devoir faire une commémoration séparée à Québec. Ce n’est pas ça qu’on veut.

Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador

Le chef Picard estime aussi qu’assurer que le français et l’anglais soient à égalité durant la visite papale à Québec est un défi. « Normalement, c’est une visite aussi pour les Autochtones des Maritimes et de l’Ontario. »

Cela dit, le chef Picard pense que l’APN a un rôle national qui la rend moins sensible aux besoins régionaux. « La dévotion à sainte Anne, c’est très populaire chez les Autochtones », dit-il.

Cheminer ensemble

L’archevêque de Québec, Gérald Cyprien Lacroix, souligne que plus de 70 % des places à la messe de Sainte-Anne sont réservées aux Autochtones. « Le thème de la visite est Marcher ensemble, dit Mgr  Lacroix. On n’a pas besoin d’être 50-50, mais il faut quand même être ensemble. »

Environ les deux tiers des billets réservés aux Autochtones devaient initialement être distribués par l’APN, par le Rassemblement national des Métis (RNM) et l’ITK, l’organisation regroupant les Inuits. Ce sont les trois groupes qui ont visité le pape à Rome au début du printemps. L’autre tiers l’est par des organisations locales, soit l’APNQL au Québec.

Les Métis et les Inuits ont décidé de céder en tout ou en partie leurs billets pour Sainte-Anne-de-Beaupré, ce qui devrait faciliter la distribution de billets pour les communautés autochtones québécoises, selon le chef Picard. L’APN se chargera des communautés ontariennes et des Maritimes.

Le cardinal Lacroix souligne en outre que les diocèses québécois se sont entendus pour que la moitié des 20 billets réservés à chaque diocèse aille à des Autochtones. « Et dans certains diocèses, tous les billets ont été à des Autochtones », dit le prélat.

La basilique de Sainte-Anne-de-Beaupré accueillera 1400 personnes, plus 600 personnes dans une chapelle du sous-sol où la cérémonie sera rediffusée sur écran. De plus, 10 000 personnes pourront regarder la messe devant et derrière la basilique sur 4 écrans géants, et 5000 autres sur des écrans géants dans le Domaine Sainte-Anne, un camping en face de la basilique fréquenté par de nombreuses délégations autochtones à la neuvaine de Sainte-Anne, fin juillet.

Les 2000 billets distribués gratuitement en début de semaine donnent accès à l’extérieur de la basilique et font partie du quota allochtone.

Tant le cardinal Lacroix que le chef Picard admettent qu’une visite à un ancien pensionnat au Québec aurait été souhaitable, mais était impossible vu les distances et la santé fragile du pape, qui a des douleurs aiguës aux genoux.

Amener le pape à Mashteuiatsh en hélicoptère, ou en Abitibi, ça aurait été difficile à cause de sa santé.

Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador

En Alberta, François visitera un ancien pensionnat situé à une heure de voiture d’Edmonton.

En savoir plus
  • 3 millions
    Coût de l’organisation des prestations prévues sur les plaines d’Abraham pour la visite papale et du matériel à Sainte-Anne-de-Beaupré
    SOURCE : ARCHEVÊCHÉ DE QUÉBEC