Sans information d'Ottawa, la mère de Jonathan Isabelle se tourne vers la Cour fédérale

La mère de Jonathan Isabelle, ce jeune homme de 25 ans emprisonné au Japon depuis plus de trois ans pour y avoir transporté de la drogue, dénonce le fait de n’avoir aucune information ni aucun soutien du gouvernement fédéral pour rapatrier son fils, dont les conditions de détention seraient « dangereuses ». Elle vient de déposer une plainte devant la Cour fédérale contre le ministère des Affaires étrangères.

« Ça fait des mois que j’ai demandé à avoir les notes consulaires du gouvernement, parce que je veux voir comment ils traitent le dossier. Mais on me les refuse, alors que j’y ai pourtant droit. Ils sont au-dessus de la loi qu’ils ont eux-mêmes créée », fustige la mère du jeune homme, qui préfère demeurer anonyme.

En février 2019, Jonathan Isabelle avait transporté au Japon des quantités considérables de méthamphétamines et d’autres drogues, valant plus de 20 millions. On lui avait alors promis la somme de 20 000 $ en échange. À son arrivée, il a toutefois été arrêté par les autorités japonaises. La Cour a déterminé qu’il devrait purger huit ans de prison et payer 35 000 $, une peine moins grave que les 20 ans qu’il risquait, notamment en raison du fait que le jeune homme croyait qu’il avait du cannabis en sa possession.

Trois ans plus tard, la mère de Jonathan Isabelle tente toujours de le faire rapatrier dans une prison canadienne. C’est que son fils est atteint d’un trouble de la personnalité limite et d’un déficit de l’attention et d’hyperactivité (TDAH) nécessitant la prise d’une médicamentation, qu’il ne peut prendre au quotidien dans la prison où il se trouve au Japon.

C’est vraiment un autre monde. On l’envoie en cellule isolée pour des niaiseries. Il ne peut même pas prendre ses médicaments, et développe de plus en plus des tics.

La mère de Jonathan Isabelle

« Sa santé mentale est en jeu », résume la mère de famille, qui ne reçoit que trois lettres de son fils par mois.

« Seule contre une machine »

MPierre Tabah, un avocat spécialisé en droit carcéral qui accompagne la mère dans ses démarches pour obtenir les notes consulaires, déplore « qu’il ne semble pas y avoir une volonté réelle du gouvernement fédéral d’aider madame dans ses démarches ».

« On va plaider que les autorités doivent faire une communication claire de l’information complète qui est demandée, selon la loi, tout simplement. La seule raison pour laquelle elles pourraient retenir de l’information, c’est la nature confidentielle d’un renseignement, ou si ça compromet la sécurité de quelqu’un ou celle de l’État. Sinon, elles doivent communiquer ce qui reste », poursuit le juriste.

À ses yeux, sa cliente « se bat seule contre une machine » qui pourrait au moins la soutenir davantage.

Par expérience, je peux vous dire que c’est rare qu’on se rende jusque-là pour avoir de l’information. Et on ne comprend pas pourquoi.

MPierre Tabah, avocat spécialisé en droit carcéral

Il confirme que des déclarations sous serment – soit la version de la mère, sa requête et l’essentiel de ses démarches effectuées jusqu’ici – ont été déposées mercredi devant la Cour fédérale, qui devra maintenant trancher quant à savoir si Ottawa doit transmettre ou non les renseignements demandés.

Ottawa reste prudent, le Bloc réclame l’information

Appelé à réagir, le ministère canadien des Affaires étrangères a indiqué à La Presse que « les agents consulaires suivent ce cas de près et continuent de fournir une assistance consulaire fréquente au Canadien détenu au Japon ainsi qu’à sa famille au Canada, dans les limites du mandat consulaire ».

« En raison des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels, aucune information supplémentaire ne peut être divulguée », a simplement indiqué la porte-parole, Sabrina Williams. Le cabinet de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a redirigé nos questions vers le ministère.

Selon Rhéal Fortin, député du Bloc québécois de Rivière-du-Nord, qui soutient la mère de Jonathan Isabelle dans ses démarches, l’attitude du gouvernement fédéral dans ce dossier est « tout simplement inadmissible ».

C’est son droit d’avoir accès à ces documents. Et si ce n’est pas possible pour telle ou telle raison, qu’on lui explique pourquoi. Mais en ce moment, on ne lui dit rien, absolument. Et on reporte depuis un an.

Rhéal Fortin, député du Bloc québécois de Rivière-du-Nord

« Ça, pour moi, c’est de se moquer des gens. Et surtout, ça n’est pas assumer son rôle de responsable du gouvernement », fustige le bloquiste.

« Beaucoup de documents sont confidentiels, je le comprends. Mais je ne serais pas choqué de la même façon si madame avait reçu des documents caviardés par exemple. Là, on fait juste la niaiser. C’est de l’enfantillage. Moi, je serais gêné », ajoute M. Fortin, en réclamant des explications.