(Halifax) Un policier de la GRC qui avait tissé des liens avec l’auteur de la tuerie de Nouvelle-Écosse a déclaré mardi à l’enquête publique qu’il ne considérait pas Gabriel Wortman comme un ami, même s’il lui avait rendu visite à sa maison de campagne une quinzaine de fois entre 2007 et 2011.

Témoignant sous serment par visioconférence, l’agent Greg Wiley, de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), a déclaré à la commission que les personnes qui suivent cette affaire pourraient avoir une mauvaise perception de la nature de ses liens avec le tueur, considérant le nombre de rencontres qu’ils ont eues.

« Il n’a jamais été un ami personnel, a soutenu le policier en fonction depuis 2006. Je ne m’arrêtais chez lui que pour lui parler de manière informelle en tant que contact dans la communauté. C’était une personne qui pouvait nous aider à nous orienter dans la bonne direction. »

Le policier de la GRC a déclaré que Wortman, qui a tué 22 personnes en avril 2020, n’était pas une source policière officielle. Il a ajouté qu’il avait appris à le connaître lorsque le denturologiste a appelé la police pour signaler un crime contre les biens en 2007 ou 2008 – bien avant la tuerie d’avril 2020, a-t-il précisé.

« Il était quelqu’un de manuel… Il faisait beaucoup de projets autour de chez lui, a décrit le policier. Il m’a montré certains de ses travaux et j’ai appris à le connaître. »

En poursuivant son témoignage, l’agent Wiley a raconté que Wortman l’avait aidé à résoudre une affaire de crime contre la propriété en « ouvrant ses oreilles » et en lui identifiant un possible suspect.

« Je sais qu’en rétrospective, quand tout le monde regarde ce qu’il a fait, les gens vont croire que j’ai perdu la tête. Mais à l’époque, cet individu… était très équilibré, articulé, franc, il avait de bonnes manières et semblait favorable à la police. Il m’a aidé dans une enquête sans jamais chercher à prendre le contrôle », a déclaré l’agent fédéral.

L’agent Wiley a indiqué à la commission que lors de ses visites au domicile de Wortman à Portapique, il était toujours de service et en uniforme. Il a précisé que leurs interactions duraient généralement moins de trois quarts d’heure – la plupart, en fait, duraient 10 ou 15 minutes, a-t-il dit.

L’enquête a appris qu’en juin 2010, dix ans avant la tuerie, l’agent Wiley avait reçu l’ordre d’enquêter sur des allégations selon lesquelles Wortman avait menacé de tuer ses parents ; l’enquête du policier Wiley n’a finalement abouti à rien.

Le soir du 18 avril 2020, Wortman a agressé sa conjointe avant de tuer par balles 13 personnes à Portapique, alors qu’il était déguisé en policier de la GRC et qu’il conduisait une réplique d’une voiture de la police fédérale.

Le lendemain, il a tué neuf autres personnes – dont une policière de la GRC et une femme enceinte –, avant d’être abattu par deux policiers dans une station-service d’Enfield, à une centaine de kilomètres au sud de Portapique.

Mardi, l’agent Wiley a répété plusieurs fois qu’il n’avait aucun souvenir d’un évènement où la Police régionale d’Halifax lui aurait demandé de communiquer avec Wortman pour confirmer s’il possédait des armes, ce qui aurait pu mener à une demande de mandat de perquisition.

Selon un rapport déposé en mai par la commission d’enquête, la Police régionale d’Halifax a mené l’enquête de 2010 concernant des allégations de menaces. L’enquêteur en charge aujourd’hui à la retraite, Cordell Poirier, a révélé avoir demandé directement à M. Wiley de rendre visite à Wortman chez lui pour vérifier s’il avait des armes.

L’épouse du tireur, Lisa Banfield, a confirmé devant la commission, le 15 juillet, que l’agent Wiley était venu à la maison de Portapique en juin 2010 pour vérifier la présence d’armes. Selon Mme Banfield, son époux aurait alors montré quelques modèles d’armes anciennes et non opérationnelles au policier et celui-ci serait reparti au bout de dix minutes.

Ces précédents témoignages ont été rapportés à l’agent Wiley par l’avocat de la commission, Me Jamie Van Wart, dans l’espoir de réveiller ses souvenirs, mais en vain.

« Non, ça ne me dit rien, a-t-il répondu. Soit ma mémoire fait défaut… ou c’est par coïncidence qu’on a discuté d’armes à feu à peu près à la même période. »

À une autre occasion, en mai 2011, l’agent Wiley aurait été interpellé par l’ex-enquêteur Poirier au sujet d’une mise en garde de sécurité portant sur des menaces selon lesquelles Wortman possédait des armes à feu et cherchait à « tuer un policier ».

Devant la commission, M. Poirier a dit avoir reconnu le nom du suspect et avoir communiqué avec le poste de la GRC de Bible Hill, où un agent en service lui a confirmé qu’une révision du dossier de l’agent Wiley sur Wortman serait effectuée pour déterminer « quelles actions avaient été prises ».

Encore une fois, l’agent Wiley a juré n’avoir aucun souvenir de cette mise en garde ni de toute interaction à ce sujet avec un supérieur.

Vers la fin de son témoignage, la commissaire Leanne Fitch n’a pas manqué de dire qu’elle était perturbée par la manière dont les souvenirs de Wiley au sujet de tueur pouvaient être parfois amplement détaillés alors qu’à d’autres moments, il n’avait « absolument aucun souvenir » des incidents de 2010 et 2011. Elle a ajouté : « J’ai de la difficulté avec ça. Je ne comprends pas comment il peut y avoir un tel écart ».