Qui doit payer les terrains destinés à la construction d’écoles ? Et qui doit décider où celles-ci seront bâties ?

Ces questions suscitent la grogne de nombreuses municipalités, qui déplorent le fait qu’elles doivent assumer la facture des terrains qui recevront les nouveaux établissements scolaires, mais que, souvent, elles n’ont pas leur mot à dire sur leur emplacement.

Ce qui indispose le monde municipal découle d’une décision du gouvernement du Québec : depuis 2020, les municipalités sont obligées de céder aux centres de services scolaires (CSS) les terrains nécessaires aux nouvelles écoles, ou encore d’exproprier à leurs frais des terrains qui seront remis aux CSS.

« Ce changement a des impacts qui se calculent en centaines de milliers ou en millions de dollars pour les municipalités », s’indigne le président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), Daniel Côté, maire de Gaspé.

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Daniel Côté, président de l’Union des municipalités du Québec et maire de Gaspé

On se fait demander des cadeaux par les CSS pour améliorer la qualité de vie des citoyens, mais on se fait dire quel cadeau on veut, à quel endroit et à quel prix, alors ce n’est plus un cadeau et on l’a en travers de la gorge.

Daniel Côté, président de l’Union des municipalités du Québec

Ce sont les villes en développement qui sont le plus touchées par cette situation, comme Montréal, Laval ainsi que les banlieues nord et sud. Pour certaines petites municipalités ayant un budget limité, la facture peut être difficile à absorber, souligne M. Côté.

« Les écoles, c’est une responsabilité du gouvernement du Québec, ajoute-t-il. Il doit assumer ses responsabilités et enlever cette obligation qui nous coûte des millions de dollars. »

120 millions à Laval

Par exemple, à Laval, on estime qu’on aura besoin de 14 nouvelles écoles au cours des 10 prochaines années. Valeur totale des terrains nécessaires : 120 millions.

« Ça ne nous dérange pas que les villes aient un rôle à jouer au sujet de l’emplacement des nouvelles écoles, mais il faut que l’argent suive », affirme Stéphane Boyer, maire de Laval.

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Stéphane Boyer, maire de Laval

Les municipalités n’ont pas toujours les fonds nécessaires, parce que nos revenus n’augmentent pas aussi vite que l’inflation ni aussi vite que ceux de Québec.

Stéphane Boyer, maire de Laval

À Brossard, la valeur de deux terrains nécessaires à la construction de deux écoles atteint 24 millions. Dans cette ville, en plus de la facture salée, on déplore le fait que le CSS puisse exiger un terrain sans avoir optimisé ses installations existantes, par exemple en construisant des écoles de plus de trois étages ou dotées de stationnements souterrains.

« Maintenant, tout le pouvoir est du côté des CSS, c’est facile pour eux d’exiger », note la mairesse de Brossard, Doreen Assaad.

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Doreen Assaad, mairesse de Brossard

Dans sa ville, le CSS Marie-Victorin convoite un parc pour installer une future école primaire, souligne-t-elle.

« Peu importe nos plans d’aménagement du territoire, peu importe notre plan d’urbanisme, ils ne sont pas tenus de suivre notre planification territoriale », dénonce Daniel Côté.

Des installations pour toute la communauté

Du côté du CSS Marie-Victorin, on se défend d’imposer des décisions aux municipalités, tout en soulignant combien la planification des futures écoles est un exercice complexe, dans un secteur en forte expansion, où plusieurs projets immobiliers sont annoncés.

On assure tout faire pour optimiser les installations existantes, mais les écoles débordent. « Il y a neuf écoles à Brossard. Sept ont été agrandies ou ont des classes modulaires installées dans la cour, et deux ont été optimisées de l’intérieur, par exemple en prenant la bibliothèque, la salle de musique ou le salon du personnel pour y faire des classes », explique Marc-André Petit, directeur général adjoint du CSS Marie-Victorin.

Au sujet de l’école qui pourrait être construite dans un parc, il souligne que cet emplacement était l’un de ceux proposés par la Ville.

Il souligne aussi que les infrastructures scolaires, comme les cours d’école, les gymnases et d’autres locaux, sont mises à la disposition de la collectivité. « L’école doit répondre aux besoins de la communauté, et on est à l’écoute de ses besoins », assure M. Petit.

Selon la Fédération des centres de services scolaires du Québec (FCSSQ), il existait, en 2014, 1500 ententes scolaires-municipales pour le partage des infrastructures, et 90 % des municipalités avaient une entente avec leur centre de services scolaire.

Les CSS ont plusieurs contraintes au moment de décider de l’emplacement d’une école, note le PDG adjoint de la FCSSQ, Dominique Robert : l’endroit doit être à proximité du milieu de vie des élèves, il doit permettre le transport actif, être sain et sûr.

Des CSS se sont déjà fait offrir des terrains marécageux, ou dans des zones isolées. Les CSS ne peuvent pas accepter des terrains de second ordre.

Dominique Robert, PDG adjoint de la Fédération des centres de services scolaires du Québec

Il déplore aussi que certaines municipalités ne prévoient pas d’école dans leur plan d’urbanisme, même en cas de construction résidentielle.

« Actuellement, les municipalités considèrent comme une dépense le terrain à céder pour une école, conclut M. Robert. Mais il devrait être considéré comme un investissement. Il y a aussi un gain pour une municipalité. »