La Montréalaise rapatriée de Syrie dans la nuit de mardi à mercredi est demeurée détenue pour éviter qu’elle s’enfuie ou commette de nouveaux crimes, après avoir été accusée au palais de justice de Montréal d’avoir participé aux activités terroristes du groupe armé État islamique (EI).

La Presse révélait mardi que la femme, qui avait quitté le pays à l’âge de 19 ans en 2014 pour rejoindre les djihadistes au Moyen-Orient, était en route pour revenir au Québec et qu’elle serait arrêtée par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à son arrivée.

Arrivée à Dorval à bord d’un avion américain dans la nuit de mardi à mercredi, en compagnie de ses enfants nés outre-mer, Oumaima Chouay a été conduite en détention. Ses enfants sont en sécurité avec des gens qui s’occupent d’eux, a assuré la police.

« La situation des enfants a été prise en considération par les enquêteurs de la GRC depuis le début du dossier », a déclaré l’inspecteur David Beaudoin, de l’Équipe intégrée de la sécurité nationale de la GRC.

En Irak et en Syrie

Mme Chouay a été accusée d’avoir participé aux activités terroristes de l’EI en Syrie et en Irak entre 2014 et 2018. Elle est aussi accusée d’avoir quitté le Canada pour se livrer à des activités terroristes en passant par la Turquie pour rejoindre la Syrie, et d’avoir financé l’EI, ce qui est interdit par la loi canadienne en raison du statut terroriste de l’organisation. Elle est finalement accusée d’avoir comploté avec une autre jeune Montréalaise, Rym Kermiche, ainsi qu’avec d’autres personnes inconnues jusqu’ici, afin de quitter le Canada pour participer aux activités d’une organisation terroriste. Le sort de Mme Kermiche est inconnu pour l’instant.

Lors de la brève comparution de Mme Chouay, le procureur de la Couronne, MMarc Cigana, s’est opposé à la remise en liberté de l’accusée, au motif qu’il y aurait des raisons de craindre qu’elle ne se présente pas à la cour pour la suite des procédures ou qu’elle commette une nouvelle infraction criminelle après son retour en société.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

MMarc Cigana, procureur de la Couronne

Une enquête sur remise en liberté se tiendra à une date ultérieure.

L’accusée, qui comparaissait par visioconférence, portait une abaya noire et fixait l’écran, assise dans une salle du quartier général de la GRC à Westmount. Elle ne s’est pas adressée à la cour. Elle était représentée par MAudrey-Bianca Chabauty, du cabinet de MDominique Shoofey, criminaliste bien en vue à Montréal.

L’avocate de la défense a demandé au juge Claude Leblond d’ordonner que l’accusée soit vue à l’infirmerie, ce que le magistrat a fait. Un épais précis des faits de plusieurs dizaines de pages a été remis par la poursuite à la défense par la même occasion.

Longue et difficile enquête

L’inspecteur Beaudoin a souligné que l’enquête policière avait démarré en 2014, dès le départ de la jeune femme. À l’époque, plusieurs jeunes canadiens radicalisés étaient partis rejoindre les combattants islamistes au Moyen-Orient. L’enquête n’a pas été facile, car la suspecte était à l’autre bout du monde.

Ce genre d’enquête présente des défis majeurs. C’est la raison pour laquelle nous sommes particulièrement fiers du travail accompli par les enquêteurs.

David Beaudoin, inspecteur de l’Équipe intégrée de la sécurité nationale de la GRC

Il a encouragé les citoyens à rester vigilants et à signaler toute information sur le terrorisme ou sur des activités suspectes connexes.

Le policier n’a pas voulu dire si d’autres rapatriements sont à prévoir bientôt « afin de protéger des opérations internationales en cours ».

Les autorités ont souligné qu’à la chute du « califat » islamiste instauré en Irak et en Syrie par les djihadistes, vers 2017, Oumaima Chouay a été capturée par les Forces démocratiques syriennes, regroupement de combattants appuyé par les États-Unis dans le nord-est de la Syrie. Elle a passé près de cinq ans dans un camp de détention avec ses enfants, dans des conditions difficiles.

Visite d’un diplomate

L’Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie a d’ailleurs diffusé une vidéo sur sa page Facebook qui montre un diplomate canadien, Sébastien Beaulieu, remerciant en personne des responsables locaux pour s’être occupés des citoyens canadiens au milieu d’une « situation sécuritaire extrêmement difficile ».

PHOTO FOURNIE PAR L’ADMINISTRATION AUTONOME DU NORD ET DE L’EST DE LA SYRIE

Le diplomate canadien Sébastien Beaulieu, au fond à gauche, en rencontre avec des responsables de la coalition anti-EI

L’autre Canadienne rapatriée, Kimberly Polman, une ancienne résidante de Vancouver qui était détenue dans le même camp qu’Oumaima Chouay, a aussi été arrêtée à son arrivée au Canada, mais elle n’a pas été accusée d’infractions criminelles. Les autorités ont plutôt utilisé un article de loi pour la forcer à prendre devant la cour un engagement à garder la paix et respecter une série de conditions.

Affaires mondiales Canada est resté peu bavard sur le rapatriement des deux femmes et des deux enfants. « La sécurité des Canadiens est une priorité absolue du gouvernement du Canada, tant au pays qu’à l’étranger. Le Canada a mené la mission en fonction de ce principe et a veillé à la santé et au bien-être des quatre Canadiens. Le Canada tient aussi à exprimer sa gratitude aux États-Unis pour [leur] aide lors de cette opération », a déclaré le Ministère.