Un Abénaquis qui s’était vu refuser une soumission pour une assurance automobile par Industrielle Alliance a été victime de discrimination raciale, a tranché la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec.

Alexis Wawanoloath, avocat et ancien député péquiste, avait déposé une plainte en 2018 contre Industrielle Alliance.

L’assureur avait refusé de lui présenter une soumission pour sa voiture en raison de son code postal à Odanak, une réserve abénaquise près de Sorel-Tracy.

Lorsque le plaignant a donné son adresse à l’agente qui traitait sa demande, celle-ci lui aurait répondu que la compagnie ne « [fait pas de soumissions dans] les réserves ».

Selon la version de l’agente, une mention « RESIN » (pour « Réserve indienne ») était apparue dans le système informatique, indiquant que la compagnie ne desservait pas ce territoire.

Or, Industrielle Alliance « n’a fourni aucune documentation spécifique ni données actuarielles pour justifier » cette restriction appliquée à la réserve d’Odanak, située à moins d’un kilomètre de Pierreville, une municipalité non autochtone pourtant desservie par l’assureur, souligne la Commission.

La preuve révèle que « les normes et pratiques suivies par la compagnie entraînent un effet d’exclusion disproportionnée de personnes résidant dans des communautés autochtones », indique la décision rendue en octobre.

Cinq réserves autochtones, dont Odanak, font l’objet d’une restriction partielle de services de la part d’Industrielle Alliance. Dans ces communautés, seuls les clients existants peuvent souscrire une police d’assurance avec la compagnie, précise la décision.

L’aspect systémique « évacué »

Industrielle Alliance n’est pas la seule entreprise qui refuse de faire des soumissions dans des réserves autochtones.

En 2020, une enquête de La Presse faisait état de refus systématiques de la part de plusieurs compagnies d’assurance.

Lisez « Des refus systématiques dans les réserves »

Dans de nombreux cas, les résidants voyaient leur soumission refusée sans même que leur dossier soit analysé.

Après un délai de quatre ans qu’il juge « déraisonnable », M. Wawanoloath se dit « content » de la décision de la Commission. Toutefois, il déplore que l’aspect systémique de ces refus ait été « évacué » de la décision.

Au-delà de ma petite personne, cette situation de discrimination, on ne peut pas dire que c’est autre chose que systémique.

Alexis Wawanoloath, en entrevue avec La Presse

L’ex-élu réclame une enquête systémique sur les comportements de l’industrie envers les communautés autochtones, comme la Commission s’était engagée à le faire en 2020.

« J’ai encore plein de questionnements et je n’ai pas de réponse », lâche-t-il.

20 000 $ en dommages moraux et punitifs

La décision dissuadera-t-elle les compagnies d’assurances qui refusent de faire des soumissions dans des réserves autochtones ? Alexis Wawanoloath l’espère, mais il en doute.

La Commission a ordonné à Industrielle Alliance de verser à Alexis Wawanoloath 10 000 $ en dommages moraux et et 10 000 $ en dommages punitifs, soit un total de 20 000 $.

« Le dommage punitif de 10 000 $, je le trouve petit pour une grosse compagnie d’assurance », estime-t-il.

Dans sa décision, la Commission demande aussi à l’assureur de modifier ses normes et pratiques « de façon à s’assurer que les critères d’exclusion de zones géographiques soient fondés sur des éléments vérifiés et vérifiables et soient appliqués de la même façon aux communautés allochtones et autochtones ».

L’assureur a jusqu’au 11 novembre pour verser l’indemnité, sans quoi le dossier sera porté devant le Tribunal des droits de la personne du Québec.

Avec La Presse Canadienne