De nombreux journalistes ont fait leurs premières armes au journal étudiant de l’UQAM, dont l’avenir est aujourd’hui incertain

Le journal étudiant de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) sonne l’alarme : si la tendance se maintient, il pourrait devoir cesser d’imprimer dans un proche avenir. Au Montréal Campus comme dans d’autres journaux étudiants, la survie se négocie d’année en année.

Jongler avec du financement incertain pour le journal étudiant de l’UQAM, « c’est une histoire qui se répète chaque année, pour chaque équipe », explique la rédactrice en chef du Montréal Campus, Marie-Soleil Lajeunesse.

En 2022-2023, on devra informer les étudiants de l’UQAM avec ce qui est « probablement un des plus petits budgets » jamais observé depuis les débuts du journal, soit un peu plus de 6000 $.

« On est carrément en mode survie », laisse tomber Mme Lajeunesse.

Fondé en 1980, le Montréal Campus est le journal étudiant de la communauté universitaire. Il a contribué à la formation de bon nombre de journalistes qui œuvrent aujourd’hui un peu partout dans les médias québécois.

Jusqu’en 2010, l’équipe de rédaction du Montréal Campus était payée pour son travail. Tous sont aujourd’hui bénévoles.

Le journal publie maintenant deux éditions papier, mais avec l’augmentation des coûts d’impression – qui grugent la moitié du budget – et la chute des revenus publicitaires, il est possible que le numéro de novembre ait été le dernier.

On voudrait prendre un virage numérique, pousser encore plus les réseaux sociaux, améliorer ou refaire notre site web, mais on n’a pas les moyens, on n’a pas les développeurs.

Sandrine Côté, directrice de l’information du Montréal Campus

L’édition papier reste néanmoins importante, ajoute Marie-Soleil Lajeunesse. « On fait vraiment tout de A à Z et c’est extrêmement enrichissant, sachant que nous sommes presque tous des étudiants en journalisme et que c’est ce qu’on veut faire plus tard. »

Un financement difficile

Contrairement à ce qui se passe dans d’autres universités, le journal n’est pas financé par une cotisation versée par tous les étudiants.

À l’Université McGill, par exemple, les étudiants paient chaque semestre une cotisation de 6 $ qui va à un organisme sans but lucratif qui regroupe le journal étudiant anglophone McGill Daily et son pendant francophone, Le Délit.

Ces deux journaux ont d’ailleurs dû mener une campagne cet automne pour survivre : les étudiants de l’Université McGill devaient se prononcer sur le maintien de la cotisation par référendum.

Pour prélever une telle cotisation, il faudrait que l’équipe du Montréal Campus obtienne l’appui unanime des sept associations facultaires. Dans le passé, « certaines associations facultaires étaient très froides » à cette idée, illustre Sandrine Côté.

Le journal doit donc se tourner vers d’autres subventions. « À titre de groupe étudiant reconnu, Montréal Campus a déjà accès au programme de subvention des projets étudiants des Services à la vie étudiante de l’Université », écrit la directrice du service des communications de l’UQAM, Caroline Tessier.

Ce n’est pas garanti qu’on aura ces subventions chaque année ni qu’on aura le maximum possible.

Marie-Soleil Lajeunesse, rédactrice en chef du Montréal Campus

À titre de rédactrice en chef, c’est elle qui doit monter les dossiers « pour rappeler combien le Montréal Campus est important ».

« Un tremplin » pour des journalistes

Ancien rédacteur en chef du Montréal Campus et aujourd’hui journaliste à Radio-Canada, François-Alexis Favreau s’intéresse aux journaux étudiants dans le cadre de sa maîtrise en communications à l’UQAM.

« Contrairement aux communications officielles de l’université, qui vont toujours relayer les bonnes nouvelles, le journal étudiant est là pour relayer le meilleur et le pire. On peut couvrir la victoire de l’équipe sportive chouchou de l’université, mais aussi talonner la direction à l’annonce d’une nouvelle politique », illustre M. Favreau.

Au cours des derniers mois, le Montréal Campus a écrit sur l’insalubrité dans les résidences universitaires, sur les étudiants qui se présentent en politique, mais aussi sur l’impact des dénonciations publiques pour un étudiant accusé d’inconduite sexuelle, un reportage qui a valu un prix à la journaliste Fannie Arcand.

S’il estime qu’il restera toujours des bénévoles qui voudront faire du journalisme à l’université, François-Alexis Favreau croit que les situations où la précarité financière des journaux étudiants menace leur existence « risquent de se multiplier dans les prochaines années ».

La participation à un journal étudiant est un « tremplin », rappelle-t-il.

« C’est une expérience qui est très pratique. Ça prend un endroit où se péter les dents, et le journal étudiant est un endroit pour le faire », estime M. Favreau.

Même s’ils savent qu’ils ne peuvent rivaliser avec les grands médias, « les journaux étudiants sont très sérieux dans leurs pratiques », poursuit-il.

« Les journalistes mettent les bouchées doubles pour arriver avec une production qui est digne d’un journaliste prêt à entrer dans les grands médias », explique M. Favreau.

Par souci de transparence, l’auteure de ces lignes tient à préciser qu’à l’instar de nombreux journalistes, elle a fait partie de l’équipe du Montréal Campus.

En savoir plus
  • 150 000 $
    Budget du Montréal Campus en 1998-1999
    source : La Presse, 13 novembre 1999
  • 37 000
    Nombre d’étudiants à l’Université du Québec à Montréal
    source : UQAM