(Ottawa) L’armée canadienne a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le major-général Dany Fortin « n’avait pas commis d’inconduite sexuelle », après que l’officier a été acquitté d’agression sexuelle, en décembre.

Un porte-parole des Forces armées canadiennes a indiqué lundi qu’un processus d’examen n’avait donné lieu à aucune mesure administrative et qu’un examen administratif n’était pas nécessaire dans ce dossier.

Daniel Le Bouthillier écrit que M. Fortin se verra confier « des tâches appropriées correspondant à son grade et à son expérience », sans préciser de calendrier. « Nous reconnaissons que ça a été un processus long et difficile pour toutes les personnes touchées par cette affaire », ajoute M. Le Bouthillier.

Le juge Richard Meredith, de la Cour du Québec, a conclu le mois dernier que la Couronne n’avait pas établi hors de tout doute raisonnable que c’est bien M. Fortin qui avait agressé sexuellement une camarade au Collège militaire de Saint-Jean en 1988.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec a confirmé plus tôt ce mois-ci qu’il ne porterait pas en appel l’acquittement de M. Fortin. Dans une déclaration écrite à La Presse Canadienne, le DPCP a indiqué que la décision avait été annoncée à la victime.

Le DPCP souhaitait d’ailleurs souligner « le courage et la résilience » dont la plaignante avait fait preuve tout au long des procédures judiciaires.

Le juge Meredith avait insisté pour dire qu’il était convaincu que la plaignante avait bel et bien été agressée sexuellement ce soir-là. Mais il a estimé que la Couronne n’avait pas établi hors de tout doute raisonnable que c’était l’accusé Fortin qui avait commis le crime.

M. Fortin « a hâte de servir »

Dans une déclaration transmise à La Presse Canadienne, lundi, le major général Fortin précise qu’il a « hâte de servir les Canadiens » dans un poste qui correspond à son grade et à son expérience. Mais il ajoute que sa mission actuelle « ne répond certainement pas à cette définition ».

Lorsque l’allégation a été connue, le major général Fortin était responsable de la distribution aux provinces, par le fédéral, des vaccins contre la COVID-19. Il avait été mis en congé avec solde en mai 2021, pendant l’enquête sur l’allégation.

Avant son mandat à l’opération nationale de vaccination, M. Fortin avait été commandant de la mission d’entraînement de l’OTAN en Irak et commandant de la 1re Division canadienne.

M. Le Bouthillier a indiqué que depuis que l’allégation a émergé, le major général avait continué à être payé par les Forces armées canadiennes. M. Fortin était depuis août 2021 conseiller principal du commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada.

M. Fortin a déclaré lundi qu’il avait l’intention de continuer à lutter en Cour d’appel fédérale contre son « renvoi injuste » et « l’absence de procédure régulière » dans son dossier. Le gouvernement a nié les affirmations de M. Fortin selon lesquelles il avait été renvoyé suite à une ingérence politique d’Ottawa.

M. Fortin a déclaré qu’il avait également déposé une plainte officielle auprès de la Commission d’examen des plaintes concernant la police militaire, pour la façon dont son dossier avait été traité par ce corps policier. Il soutient que son problème n’est toujours pas résolu.

« Dur pour sa carrière »

Dans une entrevue avec La Presse Canadienne, le mois dernier, son avocate, Natalia Rodriguez, avait évoqué la possibilité d’une autre poursuite ou d’un règlement à l’amiable dans ce dossier. Elle avait qualifié l’épreuve subie par M. Fortin de « coup très dur pour sa carrière ».

Me Rodriguez soutenait que son client avait été essentiellement laissé dans les limbes pendant 18 mois, ce qui avait limité sa capacité à travailler et à être promu avant d’atteindre l’âge de la retraite obligatoire de 55 ans, l’été prochain.

Le colonel à la retraite Michel Drapeau, qui est maintenant avocat spécialisé dans les affaires militaires, estimait le mois dernier qu’un verdict de non-culpabilité devrait entraîner la réaffectation immédiate de M. Fortin à de nouvelles fonctions.

« Il n’y a aucune raison juridique ou administrative de ne pas le faire », estimait M. Drapeau en entrevue à La Presse Canadienne.

Une directive de 2020

L’armée conclut lundi que M. Fortin n’a pas commis d’inconduite après un examen rendu nécessaire par une politique mise en place à la fin de 2020 dans un contexte de préoccupations persistantes concernant le bilan de l’armée en matière d’éradication des agressions sexuelles.

Cette « directive et ordonnance administrative de la Défense » stipule que même si un militaire est acquitté d’une accusation, les Forces armées sont toujours tenues d’examiner les faits de l’affaire « pour déterminer s’il existe des preuves fiables qui établissent, selon la prépondérance des probabilités, qu’une inconduite sexuelle a eu lieu ».

La directive souligne par ailleurs qu’un verdict de culpabilité n’est pas nécessaire pour recommander une libération ou imposer d’autres mesures administratives.

Dans le cas du major général Fortin, la conclusion a été tirée « à la suite d’un examen des informations disponibles, y compris la décision » de la Cour du Québec, a écrit M. Le Bouthillier.