Le danger posé par la vitesse excessive des automobilistes en zone scolaire et dans les quartiers densément habités pourrait-il être réduit par l’installation de radars photo ? Si elles restent timides au Québec, des initiatives ailleurs au Canada semblent prometteuses.

On en retrouvera 75 déployés à Toronto en février. Vancouver en compte 35, tandis que la Ville d’Ottawa en a installé 17, qui ont capté plus de 106 000 conducteurs fautifs en 2022.

Les radars photo en milieu urbain vivent une renaissance ces temps-ci. Longtemps décriés comme des « trappes à tickets », ils font de plus en plus partie des outils utilisés par les villes et les municipalités afin de réduire les dangers posés par la circulation des véhicules motorisés dans les quartiers densément habités et de faire diminuer le nombre des morts sur les routes.

« La première chose à savoir au sujet des radars photo, c’est qu’ils fonctionnent », explique Marie-Soleil Cloutier, professeure à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), où elle dirige le Laboratoire Piétons et Espace urbain. « Les études sont claires : les radars photo font diminuer la vitesse et les collisions. »

L’une des problématiques vécues en ville est la vitesse excessive des automobilistes dans les zones scolaires : deux journées d’observations au radar réalisées par La Presse en décembre devant deux écoles de Montréal et de Longueuil ont permis de constater qu’à peu près aucun automobiliste ne respectait la limite maximale.

De nombreux conducteurs de véhicules y circulaient à plus de 60 km/h, soit le double de la limite permise – un comportement reconnu comme un frein à une plus grande adoption des déplacements actifs, comme la marche ou le vélo, chez les enfants et des adolescents.

Mme Cloutier note que Toronto a décidé de s’attaquer au problème : dans le cadre d’un projet pilote, 120 radars photo mobiles font actuellement une rotation dans différentes zones scolaires de la ville. « Au début, ils donnaient des avertissements, et là, ils donnent des contraventions. »

Le déploiement de tels radars « semble plus compliqué au Québec qu’ailleurs », ce qui peut expliquer que la province est loin d’être un précurseur dans le déploiement de cette technologie en milieu fortement urbanisé, déplore-t-elle. « Ça reflète encore peut-être notre trop grande tolérance envers la vitesse. »

Un radar, un arrêté ministériel

Au Québec, on compte 30 appareils de contrôle automatisé fixes, soit 11 pour la vitesse et 19 aux intersections, et 24 appareils mobiles, qui sont utilisés en rotation sur différents tronçons de route, note le ministère des Transports (MTQ).

Sur l’île de Montréal, on retrouve trois radars fixes pour la vitesse, cinq radars aux intersections, et sept lieux approuvés pour faire une rotation de radars photo mobiles.

Les radars photo ne chôment pas : celui situé sur la route 138, près du pont Mercier, a capté plus de 12 000 conducteurs fautifs durant l’année 2021. Les constats d’infraction ont permis de récolter plus de 1,4 million de dollars d’amendes.

Selon le MTQ, les accidents ont diminué de 91 % et les accidents avec blessés, de 45 % depuis l’installation de ce radar photo, en 2018.

Nicolas Vigneault, porte-parole du ministère des Transports et de la Mobilité durable, note que l’utilisation des radars photo par les municipalités doit être approuvée au préalable par le Ministère.

« Chaque site potentiel doit nous être soumis pour approbation et faire l’objet d’un arrêté ministériel, dit-il. Les municipalités ne peuvent pas décider demain matin : je mets un radar photo mobile à tel ou tel endroit parce que ça me tente. »

La seule situation où les municipalités peuvent installer un radar photo sans arrêté ministériel est dans une zone scolaire. « Ça, elles peuvent le faire. »

Les radars ont du succès pour faire diminuer la vitesse et le danger, dit-il.

« Après l’installation d’un radar, le pourcentage d’automobilistes qui dépassent les limites de vitesse passe de 59 % à 13 %, et le nombre d’accidents diminue de 12 % à 29 % selon le site. »

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Un radar photo à l’angle de l’avenue Saint-Sacrement et du boulevard Charest, à Québec

M. Vigneault note que les sommes récoltées en amendes servent à faire fonctionner le programme, payer les policiers et l’équipement, notamment. Les sommes excédentaires vont au Programme d’aide financière du Fonds de la sécurité routière (PAFFSR), qui finance des mesures et des programmes de sécurité routière et d’aide aux victimes de la route.

« Selon les dernières données disponibles, qui datent de décembre 2021, près de 27 millions ont été alloués à divers organismes pour permettre la réalisation de près de 300 projets à l’échelle du Québec », note M. Vigneault.

Montréal veut aller de l’avant

Pour l’administration Plante, les déploiements de radars photo dans les autres grandes villes canadiennes donnent à penser que Montréal pourrait lui aussi bénéficier des bienfaits de cette technologie pour accroître la sécurité sur ses routes.

Durant les neuf premiers mois de 2022, 10 décès de piétons sont survenus à Montréal, soit un de plus qu’à pareille date l’année précédente, et 39 piétons ont été blessés gravement lors d’accidents de la route, une augmentation de 56 % par rapport à la même période en 2021. Les enfants et les aînés sont surreprésentés parmi les victimes chez les piétons au Québec.

Marikym Gaudreault, attachée de presse du cabinet de la mairesse et du comité exécutif de Montréal, signale que Montréal aimerait implanter davantage de radars photo dans les zones densément peuplées sur son territoire, et note que la Ville a soumis un projet en ce sens au MTQ.

L’utilisation des radars photo a fait ses preuves ailleurs au Québec et au pays, c’est pourquoi on souhaite que l’implantation s’accélère à Montréal.

Marikym Gaudreault, attachée de presse du cabinet de la mairesse et du comité exécutif de Montréal

« C’est une mesure qui vient compléter parfaitement nos efforts pour repenser nos rues afin de les rendre plus sécuritaires, dit Mme Gaudreault. On a dit qu’on accélérait la cadence à ce niveau et on est d’avis que l’implantation des [radars photo], incluant ceux mobiles, doit aussi suivre le rythme. La Ville souhaite que le MTQ priorise ce projet, des démarches politiques et administratives sont faites en ce sens. »

La question du déploiement des radars photo soulève la grogne d’une partie de la population. Mais la mort de la petite Mariia Legenkovska, 7 ans, happée mortellement à Montréal par un conducteur le 13 décembre alors qu’elle se rendait à son école primaire, va peut-être provoquer des changements de mentalité, croit Marie-Soleil Cloutier.

« Peut-être qu’on va trouver ça normal d’avoir un radar photo près d’une école, parce qu’actuellement, on en a besoin », dit-elle.

78 000 $ pour un excès de vitesse

En 2021, la Sûreté du Québec a remis 251 802 constats pour excès de vitesse aux automobilistes. Pour faire diminuer les comportements dangereux, plusieurs pays européens ont décidé de passer à la prochaine étape et de viser le portefeuille des contrevenants en liant les contraventions au revenu de la personne interpellée. Ainsi, au Royaume-Uni, un excès de vitesse de moins de 16 km/h coûte à la personne sanctionnée entre 25 % et 75 % de son revenu hebdomadaire, tandis qu’un excès de 16 km/h à 48 km/h lui coûte de 125 % à 175 % de son revenu hebdomadaire. La Finlande va plus loin : en 2015, un homme d’affaires a été condamné à une amende de 54 000 euros (78 000 $ CAN) pour avoir roulé à 22 km/h au-dessus de la limite de vitesse dans une zone de 50 km/h. Les revenus de la personne interpellée étaient de 6,5 millions d’euros (9,4 millions de dollars canadiens) cette année-là.

En savoir plus
  • 63 millions
    Somme qu’ont permis de récolter l’an dernier les radars photo installés à travers la province
    SOURCE : données du ministère de la Justice