À Drummondville, l’une des villes les plus touchées par la crise du logement, 363 appartements se retrouvent maintenant entre les mains d’un OBNL qui a pour but d’y maintenir des loyers abordables, à la suite d’une transaction de 42,5 millions réalisée sans subvention gouvernementale.

L’organisme à but non lucratif SOLIDES a conclu vendredi dernier l’achat de 45 immeubles, dont 41 locaux commerciaux et trois édifices de résidences étudiantes du cégep de Drummondville, qui appartenaient auparavant à Boissonneault Groupe Immobilier.

« Notre objectif, c’est de sortir des immeubles du marché privé, pour pouvoir loger les locataires le mieux possible au meilleur prix possible », explique le directeur général de SOLIDES, François Giguère. « Et ça ne coûte pas un sou à l’État. »

Possédant déjà 685 logements dans le Grand Montréal avant cette acquisition, l’organisme a pour pratique d’augmenter ses loyers moins rapidement que les propriétaires privés, de sorte que ses appartements restent abordables pour les locataires.

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Faire du logement communautaire et social sans quémander de l’aide au gouvernement, plusieurs OBNL et coopératives d’habitation en rêvent.

Les locataires qui habitent déjà les immeubles acquis à Drummondville vont conserver leur logement. Pour les futurs locataires, la sélection sera faite en favorisant les personnes à faible revenu ou ayant des besoins particuliers, comme un handicap, ainsi que les femmes victimes de violence.

Dans cette ville, 135 ménages se sont retrouvés sans logis le 1er juillet 2022.

Partenaires privés

SOLIDES accomplit sa mission sociale sans compter sur des fonds gouvernementaux.

Comment ? Pour son achat à Drummondville, SOLIDES a obtenu des prêts hypothécaires assortis de bonnes conditions accordés par la Caisse d’économie solidaire de Desjardins (34,4 millions), la Fondation Lucie et André Chagnon (6,4 millions) et New Market Funds (4,1 millions). La seule participation d’un organisme gouvernemental dans ce projet est celle de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), qui garantit l’emprunt contracté auprès de la Caisse d’économie solidaire.

Les prêts couvrent aussi la taxe de mutation immobilière, les honoraires professionnels et les travaux à réaliser sur les immeubles (environ 1 million).

Les immeubles achetés ont différentes tailles, datent de différentes époques, comptent des logements de différentes grandeurs et différentes catégories.

Tous les partenaires voyaient l’impact positif du projet pour les locataires, particulièrement les familles, parce que plusieurs des logements qu’on a achetés sont de grands appartements.

François Giguère, directeur général de SOLIDES

M. Giguère souligne que l’ancien propriétaire a bien entretenu ses immeubles au fil des années, tout en maintenant le prix des loyers à des niveaux corrects, ce qui faisait de ce parc immobilier un bon achat pour SOLIDES. Tous les employés de Boissonneault Groupe Immobilier conservent par ailleurs leur emploi.

Pas de programme gouvernemental

Pourquoi ne pas demander la participation du gouvernement pour ce projet de logement social ? « Il n’y a pas de programme gouvernemental pour faire des acquisitions de ce type-là, c’est-à-dire acheter des immeubles existants pour les gérer et en faire l’entretien normal. Et de toute façon, la livraison des programmes est interminable », en raison de leur complexité et du sous-financement de la part du gouvernement, répond François Giguère.

Il ajoute cependant que des initiatives comme celles de son organisme ne signifient pas que le gouvernement de François Legault devrait réduire ses investissements dans le logement social.

Faire du logement communautaire et social sans quémander de l’aide au gouvernement, plusieurs OBNL et coopératives d’habitation en rêvent. C’est à cet objectif que travaille le Centre de transformation du logement communautaire (CTLC) avec son projet Plancher.

Plusieurs organismes aimeraient utiliser la valeur de leurs immeubles, à mesure qu’ils réduisent le montant de leur hypothèque, pour obtenir de nouveaux prêts leur permettant d’acheter de nouveaux logements abordables ou d’en construire.

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Pour les futurs locataires, la sélection sera faite en favorisant les personnes à faible revenu ou ayant des besoins particuliers, comme un handicap, ainsi que les femmes victimes de violence.

Un parc immobilier de 10 milliards

Or, ceux qui ont bénéficié pour construire leurs immeubles de programmes gouvernementaux, comme AccèsLogis ou autres, ne peuvent pas se servir des capitaux dégagés sur leurs propriétés comme levier pour de nouveaux achats, puisque les règles gouvernementales ne le permettent pas, explique le directeur général du CTLC, Stéphan Corriveau.

Tant qu’il reste de l’argent à rembourser sur l’hypothèque, ils n’ont pas le droit de contracter un autre prêt. Cela enlève une marge de manœuvre aux gestionnaires qui voudraient mieux utiliser leurs actifs. La situation frôle l’absurde, alors que les besoins sont criants en matière de logement.

Stéphan Corriveau, directeur général du CTLC

Le projet Plancher tente de faire changer ces règles.

Le parc immobilier détenu par les coopératives et les OBNL d’habitation au Québec, qui compte 85 000 logements, vaut 10 milliards. Il est hypothéqué à 50 %. Il reste donc 5 milliards d’actifs qui pourraient être utilisés pour obtenir de nouveaux prêts permettant de faire des rénovations ou des achats, détaille M. Corriveau.

« Chaque organisme ne pourrait pas le faire individuellement, mais en mettant en commun nos actifs, ça permet de réduire le risque pour les prêteurs », ajoute-t-il.

Les représentants du CTLC doivent rencontrer la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, le 23 mars pour discuter avec elle des façons de donner aux coopératives et OBNL l’accès aux capitaux sur leurs immeubles. « On a bon espoir qu’on sera écoutés », conclut Stéphan Corriveau.

En savoir plus
  • 1048
    Nombre de logements détenus par SOLIDES
    source : SOLIDES
  • 85 000
    Nombre de logements détenus par les coopératives et les OBNL d’habitation au Québec, pour une valeur de 10 milliards
    Source : Centre de transformation du logement communautaire