Des centaines de personnes se sont réfugiées vendredi dans les centres d’urgence ouverts aux quatre coins de Montréal pour accueillir les résidants toujours sans électricité 48 heures après la pluie verglaçante qui a plongé plus d’un million de Québécois dans le noir.

« Ça nous a sauvé la vie. On est venus ici et on nous a traités comme si on était de la famille », raconte Mousumi Barua, qui étudie au collège Vanier.

Prise au dépourvu devant la première panne électrique de sa vie, alors qu’elle souffrait de symptômes liés au froid prolongé, elle a appelé la police, qui l’a dépêchée d’urgence au Centre lasallien, dans le quartier Saint-Michel, avec ses deux parents, au petit matin vendredi.

On veut remercier les policiers qui sont venus nous chercher à 4 h du matin. C’était vraiment trop froid. Sans eux, je ne sais pas ce qui serait arrivé.

Mousumi Barua

Comme une trentaine d’autres personnes à travers la ville qui se sont réfugiées dans les centres d’urgence ouverts par la Ville dans la nuit de jeudi à vendredi, elle a pu y dormir au chaud et manger un bon repas. D’autres endroits offrent également des douches.

En début d’après-midi, l’endroit était toujours bien animé avec de nombreux résidants qui venaient y recharger leurs appareils électroniques, notamment.

Le pire est-il à venir ?

Avec les températures qui risquaient de retomber sous le point de congélation dans la nuit de vendredi à samedi, on s’attendait à un achalandage encore plus important dans les centres d’urgence.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Simon Pellerin préparant environ 80 repas destinés aux résidants venus chercher de l’aide au Centre lasallien, dans le quartier Saint-Michel.

Aux fourneaux, Fred Félix et Simon Pellerin préparaient des hamburgers, des frites et de la salade pour leurs invités spéciaux. « On nous a demandé de faire 50 portions, mais je vais en faire 80 pour être sûr », indique ce dernier.

Résignés

Tous semblent résignés à leur sort quant au moment où ils pourront finalement retrouver l’électricité.

Un peu plus loin, rue de Liège, dans le quartier Villeray, Sylvie et Jarvis regardent les employés d’Hydro-Québec s’activer. « C’est le deuxième jour qu’ils viennent. Ils étaient là [jeudi] et n’ont pas aimé ce qu’ils ont vu », raconte l’homme.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

De leur balcon, Sylvie et Jarvis regardent passer des travailleurs d’Hydro-Québec rue de Liège, dans le quartier Villeray.

Les employés de la Ville non plus ne chôment pas. Selon le porte-parole administratif de Montréal, Philippe Sabourin, au moins 500 équipes d’élagueurs ou de cols bleus s’affairaient vendredi à dégager les rues.

Il y a encore des endroits où des branches obstruent la circulation, mais en général, c’est dégagé.

Philippe Sabourin, porte-parole administratif de Montréal, en point de presse

L’ouest de l’île durement touché

Au Centre communautaire Sarto-Desnoyers, à Dorval, une centaine de personnes se réchauffent et, surtout, profitent de l’électricité pour recharger leurs appareils électroniques. La Ville offre des boissons chaudes, des barres tendres et des fruits aux résidants privés d’électricité.

Une station pour les enfants a également été aménagée avec des livres, du papier, des crayons à colorier et quelques jeux de société.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Équipe d’Hydro-Québec à l’œuvre rue de Liège, dans le quartier Villeray

« Ça commence à ressembler à 98 ! », s’exclame Jocelyne Mallette, arrivée au refuge tôt en matinée. « On avait été presque une semaine sans électricité. Là, ça s’étire, et d’après ce qu’on peut voir, ce n’est pas près de se régler. »

« Au moins, on fait du social », dit-elle, attablée avec des gens dont elle a fait la connaissance quelques heures plus tôt.

À quelques mètres de là, Stéphanie Sumers fait du tricot pour passer le temps. Son long foulard gris avance à bon train. « On a pensé aller au centre d’achats à Dorval pour se réchauffer, mais il est fermé, à part les deux épiceries […], donc on est venus prendre notre premier café de la journée ici », a-t-elle expliqué. Son ami, lui, rafraîchit la page d’Hydro-Québec dans l’espoir de découvrir que l’électricité est rétablie dans son condo.

Cohue au Canadian Tire

À Dollard-des-Ormeaux, un Canadian Tire a installé des affiches (uniquement en anglais) à l’entrée du magasin pour prévenir la clientèle que certains articles sont en rupture de stock. « Pas de génératrice », « pas de propane », « pas de bois de chauffage », « pas d’ondulateurs ».

Mike Creamer, comme bien d’autres clients, tente quand même sa chance dans les allées de camping, au fond du commerce. Il espère mettre la main sur une petite bonbonne de propane pour son réchaud.

On est encore corrects, mais je voulais acheter une autre [bonbonne de propane] au cas où la panne se prolongerait. [Vendredi] matin, on s’est fait un café sur cette cuisinière et on va aussi l’utiliser pour le souper.

Mike Creamer

Et qu’y aura-t-il au menu ? « Oh, rien de compliqué ! », répond l’homme en souriant.

« On pratique nos habitudes de camping »

Au Centre aquatique de Pointe-Claire, quelques dizaines de personnes ont aussi profité des douches, du WiFi et des prises de courant.

« On est venus prendre une douche, boire un café, brancher nos cellulaires et jouer un peu au chaud », raconte Monika Bledowska au beau milieu d’une partie de cartes (d’Uno, pour être précis) avec son mari et ses trois enfants de 6, 10 et 13 ans.

Jeudi, la famille a sorti son matériel de camping pour cuisiner les repas. En après-midi vendredi, elle s’apprête à installer une tente, histoire de s’amuser un peu. « On pratique nos habitudes de camping, lance Mme Bledowska. On a sorti le poêle au gaz, et tantôt, on va sortir la tente et la mettre sur notre grande terrasse. Ça va amuser les enfants. »

Les cinq membres de la famille gardent le moral malgré la situation. « Après une bonne douche, on est positifs », explique la femme, tout sourire.