(Montréal) Un homme de 32 ans est accusé de méfait après avoir fracassé la vitre d’une mosquée du centre-ville de Montréal, dimanche matin. Filmé par une caméra de surveillance, l’individu armé d’un bâton a poursuivi un jeune musulman, qui s’est réfugié à l’intérieur du lieu de culte.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) affirme qu’il n’y a pas d’indice d’un crime haineux à ce stade-ci de l’enquête, mais des fidèles dénoncent une attaque islamophobe.

« Je tapais fort sur la porte et je criais à l’aide. Je criais pour qu’on m’entende », murmure Malik Koné, encore secoué.

Peu après 5 h, dimanche, le jeune homme s’est présenté à la mosquée Al Oumma, située à l’intersection de la rue Saint-Dominique et du boulevard René-Lévesque, pour la prière du matin.

L’entrée du bâtiment est dissimulée derrière une large cloison grillagée – là où Malik Koné est tombé face à face avec le suspect armé d’un bâton.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

L’entrée du bâtiment est dissimulée derrière une large cloison grillagée – là où Malik Koné est tombé face à face avec le suspect armé d’un bâton.

« Quand je suis entré, j’ai entendu quelqu’un crier. J’ai levé la tête et j’ai vu un monsieur devant la porte de la mosquée. Il a fermé la [grille] et il a commencé à foncer sur moi », raconte le jeune homme.

Deux fidèles qui se trouvaient dans la salle de prière ont entendu ses cris à l’aide et lui ont ouvert la porte avant de contacter la police.

Une vidéo de surveillance montre l’adolescent poursuivi par le suspect se réfugier à l’intérieur de la mosquée. L’individu fracasse la vitre de la porte d’entrée, pénètre à l’intérieur du lieu de culte, puis jette une pierre sur la porte servant à accéder à la salle de prière. La vidéo montre ensuite une altercation entre l’individu et quelques fidèles.

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Un homme de 32 ans est accusé de méfait après avoir fracassé la vitre d’une mosquée du centre-ville de Montréal.

Accusé de méfait, le suspect a été libéré sous la promesse de comparaître, le 9 mai prochain. Comme l’évènement est survenu dans une mosquée, l’enquête a été transférée à l’équipe des incidents et des crimes haineux.

« Jusqu’à présent, il n’y a pas d’indice qu’il puisse s’agir d’un crime haineux », a précisé la porte-parole du SPVM, Caroline Chèvrefils.

« C’est un crime de haine »

Certains fidèles sont toutefois convaincus que la mosquée était visée. « C’est un crime de haine. Ils disent que c’est un fou, mais ça ne marche pas. Un fou ne se réveille pas le matin et se dit : “Je vais attaquer une mosquée” », fustige Moustafa Marhraoui.

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Moustafa Marhraoui

Le musulman était lui-même présent lors de l’attaque. « On faisait la prière le matin et on a entendu un boum. Après, un deuxième boum. On entendait quelqu’un crier : “Sortez ! Sortez !” », raconte-t-il.

Malik Koné affirme qu’il n’a jamais été interrogé par la police. Selon lui, celle-ci doit aller au bout de son enquête afin de comprendre les motivations de l’individu.

Depuis le début du ramadan, en mars, des fidèles inquiets pour leur sécurité insistent pour que les portes de la mosquée demeurent fermées, soutient-il.

« Ce matin, j’avais un peu peur en sortant de chez moi. Il avait un bâton, mais il aurait pu avoir autre chose, un couteau », laisse tomber Malik Koné.

À la sortie de la mosquée, Mohammad Amin Zamani se questionne lui aussi sur le motif du geste.

« Ça me donne un mauvais pressentiment. Ce n’est pas que j’aie peur, mais on ne veut pas que de telles choses se produisent dans un endroit où l’on vit », lance-t-il.

Un crime haineux à Toronto

Le Forum musulman canadien, qui a partagé la vidéo de surveillance sur les réseaux sociaux, a critiqué la réponse de la police, qui a libéré le suspect peu de temps après son arrestation.

« Il y a de nombreuses explications – je le sais. Mais le fait est que c’est une mosquée qui a été attaquée, que ses fidèles ont été attaqués », a déclaré son président, Samer Majzoub, à La Presse Canadienne.

L’évènement est survenu quelques jours après qu’un homme se fut présenté dans une mosquée au nord de Toronto en criant des insultes islamophobes et en fonçant avec son véhicule sur un fidèle. L’homme de 28 ans a été accusé d’agression armée, d’avoir proféré des menaces et de conduite dangereuse d’un véhicule.

En conférence de presse lundi après-midi, les autorités de la mosquée de Markham ont demandé aux gouvernements provincial et fédéral d’agir, à la suite d’un attentat qui serait motivé par la haine.

Des réactions politiques

Le Parti québécois a dénoncé lundi une « attaque haineuse envers des membres de la communauté musulmane ». « Tout le monde doit pouvoir se sentir en sécurité, en tout temps, indépendamment des convictions et des croyances de tous et chacun », a déclaré son chef, Paul St-Pierre Plamondon, sur Twitter.

Le député de Laurier-Dorion, Andrés Fontecilla, a lui aussi condamné « sans aucune réserve cette attaque islamophobe contre la Mosquée Al-Oumma survenue en plein mois du ramadan ».

« Je suis quand même surpris que l’assaillant ait été relâché aussi facilement, mais laissons la justice suivre son cours », a ajouté l’élu de Québec solidaire.

Le député de Ville-Marie–Le Sud-Ouest–Île-des-Sœurs, Marc Miller, a affirmé espérer que « cette attaque islamophobe fera l’objet d’une enquête complète par le SPVM ».

« Les fidèles doivent se sentir en sécurité lorsqu’ils se rassemblent pour leurs prières », a poursuivi dans un gazouillis celui qui est ministre fédéral des Relations Couronne-Autochtones.

Avec La Presse Canadienne