Le Québec ne parvient pas à réduire le nombre d’accidents de travail mortels. Les plus récentes données de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) montrent que 69 travailleurs ont perdu la vie en 2022, contre 57 en 2020 et 60 en 2021.

216 morts en tout

Les dernières données sur les accidents mortels sont décevantes parce qu’on avait assisté, au milieu des années 2010, à une amélioration de la situation. Leur nombre, qui avait grimpé à 80 en 2016, avait baissé jusqu’à 57 en 2019 et 2020. En 2022, il s’est élevé à 69. À cela s’ajoutent 147 personnes mortes à la suite d’une maladie professionnelle, pour un total de 216 décès. Fait à noter : la majorité des morts dues à une maladie sont causées par une exposition à l’amiante. Selon la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), 57 des 216 décès sont liés à l’industrie de la construction.

Explosion du nombre d’accidents

Le nombre d’accidents de travail non mortels a littéralement explosé au Québec. Il est passé de 109 864 en 2021 à 149 812 en 2022, une hausse de 36 %. Le grand responsable ? La COVID-19. En effet, si on enlève les infections causées par le SARS-CoV-2, le nombre total d’accidents passe de 82 286 en 2021 à 82 610 en 2022. « La majorité des lésions COVID-19 ont été enregistrées à la cinquième vague, au début 2022 », précise Antoine Leclerc, conseiller en relations médias à la CNESST. « On peut s’attendre à ce que ça baisse en 2023. »

Augmentation chez les adolescents

Au moment où le gouvernement du Québec veut adopter une loi pour encadrer le travail des enfants, en établissant à 14 ans l’âge légal pour occuper un emploi, les données de la CNESST font état d’une augmentation importante des accidents chez les jeunes de moins de 16 ans depuis cinq ans. On rapporte 85 accidents dans cette catégorie d’âge en 2018, contre 154 en 2019, 148 en 2020, 202 en 2021, et 205 en 2022. La hausse pourrait s’expliquer en partie par l’augmentation du nombre de jeunes sur le marché du travail.

Juste des hommes (ou presque)

Sans surprise, les hommes sont les grandes victimes des morts liées au travail. Sur 226 cas en 2018, on comptait 2 femmes. Elles étaient 8 sur 190 victimes en 2019, 11 sur 173 en 2020, 9 sur 207 en 2021, et 5 sur 216 en 2022. Alarmées par la situation, la FTQ, la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) « pressent le gouvernement de protéger adéquatement les travailleurs ».

Jour du deuil

Ces données ont été publiées le vendredi 28 avril par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) à l’occasion du Jour de deuil.

« Les lésions professionnelles n’affectent pas que les victimes, rappelle la Commission dans un communiqué. Elles touchent aussi leurs proches, leurs collègues et leur employeur. »

Le Jour de deuil est souligné dans plus de 70 pays à la mémoire des victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

L’industrie de la construction

Selon la FTQ-Construction, 57 des 216 travailleurs décédés en 2022 oeuvraient dans l’industrie de la construction. Parmi ces 57 victimes, 13 ont eu un accident de travail et 44 sont mortes à la suite d’une maladie.

« La construction occupe le premier rang de tous les secteurs pour les maladies et les accidents, souligne le syndicat dans un communiqué. L’amiante reste la principale cause de décès des travailleurs et travailleuses de la construction. »

La FTQ-Construction espère que les changements apportés par la réforme de la Loi sur la santé et sécurité « vont changer la culture ». « L’introduction des représentants en santé et sécurité va nous permettre d’avoir plus de gens pour intervenir et parler au nom de la sécurité des travailleurs et travailleuses sur les chantiers », précise le responsable en santé et sécurité, Simon Lévesque.

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) ont aussi publié un communiqué pour souligner le Jour de deuil et presser le gouvernement du Québec « de protéger adéquatement les travailleurs ».

Avec des militants, les leaders syndicaux se sont rassemblés vendredi devant les bureaux du premier ministre à la mémoire des victimes.

« Le portrait ne cesse de s’aggraver parce qu’il n’y a pas de réelle prévention dans les milieux de travail, ont-ils dénoncé. En effet, c’est près de 85 % des travailleurs et des travailleuses qui n’ont pas accès à des mécanismes de prévention adéquats afin de leur permettre de prendre en charge la santé et la sécurité dans leur milieu de travail. Force est de constater que les dernières modifications législatives n’ont pas amélioré la situation. Il est temps que ça change et on ne lâchera pas le morceau ! »

Avec la collaboration de Pierre-André Normandin, La Presse