(Sainte-Marthe-Sur-Le-Lac) Quatre ans après les fortes inondations qui avaient endommagé des centaines de maisons, la colère persiste à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, dans les Laurentides.

Plusieurs citoyens souffrent toujours des conséquences financières et émotionnelles de la catastrophe. Plus tôt ce mois-ci, un juge a autorisé un recours collectif contre la municipalité et la province au nom des victimes.

Sylvie Béchard n’était propriétaire de sa petite maison que depuis six mois lorsque sa voisine est venue frapper à sa porte, la nuit du 27 avril 2019 pour la prévenir que la digue retenant les eaux du lac des Deux-Montagnes venait de céder.

« Elle m’a dit que je devais m’en aller, que la digue avait cédé et que nous serions inondés », raconte-t-elle.

Mme Béchard n’avait pu réintégrer son domicile que 11 jours plus tard. La scène était « infernale », se souvient-elle.

Si le rez-de-chaussée avait été relativement épargné, son sous-sol était rempli d’eau stagnante. La salle de séjour, les deux chambres à coucher étaient détruites. Des effets personnels, comme des vêtements et toutes ses photographies n’étaient plus bons qu’à jeter. « Tout ce que j’avais ramassé au cours de ma vie était là. »

Richard Lauzon, un autre sinistré de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, dit que ses plans ont été anéantis par les inondations de 2019. Il était alors propriétaire de deux maisons : une où il habitait, l’autre était prévue pour ses vieux parents.

Les dégâts l’ont contraint à démolir l’une des maisons. Il a vendu l’autre, las de ce qu’il considère comme le manque de sensibilité des gouvernements provincial et municipal sur la question des compensations pour les réparations.

« J’ai travaillé toute ma vie pour pouvoir être propriétaire, mais ultimement, je me retrouve avec rien », se désole M. Lauzon, qui est devenu locataire dans une autre ville.

M. Lauzon est le plaignant principal du recours collectif. La poursuite soutient que les autorités savaient que la digue pourrait céder et qu’elles n’avaient pas agi pour l’en empêcher. L’allégation n’a pas encore été prouvée devant les tribunaux.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Richard Lauzon, un des sinistrés de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, est le plaignant principal du recours collectif.

Il cite un rapport rédigé en 2017 par une firme privée, Axio Environnement, qui avait jugé que d’importantes réparations étaient nécessaires à la digue afin de contrer les effets de l’érosion et de prévenir une rupture. « [La digue] a été négligée. Elle devait céder un jour au l’autre », soutient M. Lauzon.

Les autorités s’étaient défendues en disant à l’époque que la mairesse avait demandé une évaluation environnementale. Des travaux devaient s’amorcer au moment de la rupture de la digue. Le premier ministre François Legault avait expliqué à l’époque que personne ne s’attendait à cela.

Plusieurs résidents avaient obtenu des compensations du gouvernement provincial pour les dégâts subis sur leur propriété, mais M. Lauzon dit qu’elles étaient insuffisantes pour couvrir tous les frais. Il mentionne avoir reçu 131 000 $ pour sa maison comptant trois chambres à coucher, une somme qu’il juge « ridicule ».

Des terrains vacants

Aujourd’hui, la ville porte encore les marques de la catastrophe. Des terrains vacants côtoient de vieilles maisons toujours debout et des résidences construites récemment.

La digue a été reconstruite. Elle est plus haute que la précédente. Sur un côté en pente, on voit de grosses roches, de l’autre, du gazon. Au cours d’une récente visite, l’eau brune atteignant la moitié de la structure, à un niveau supérieur que les domiciles situés à proximité.

Sur l’un de ces terrains vacants s’élevait la maison de Josée Arès qui y vivait avec sa jeune famille.

Elle raconte que sa maison ne semblait pas être trop endommagée au premier coup d’œil. Mais l’année suivante, des fissures sont apparues sur la fondation à cause des dégâts d’eau et de l’instabilité du sol.

Au cours des trois années qui ont suivi l’inondation, elle a dû discuter avec la municipalité du sort de la maison. Elle est arrivée à la conclusion qu’elle devait être démolie. Mme Arès rapporte que sa santé mentale a été atteinte au moment où elle devait négocier avec les entrepreneurs, les ingénieurs et les autorités tout en travaillant et en s’occupant de son jeune fils et de son partenaire.

Elle a été grandement soulagée lorsqu’elle a pu finalement obtenir le permis de démolition, l’été dernier.

« Je pensais que je serais émotive parce que c’était ma première maison, parce que c’était là où mon fils est né. Elle renfermait tant de souvenirs, mais la sensation d’être libérée de tout cela a été plus forte. »