Des citoyens mohawks et des groupes environnementalistes qui réclament une commission d’enquête pour mettre en lumière comment « la situation d’échec gouvernemental à Kanesatake » a permis qu’un dépotoir illégal rejette de l’eau contaminée dans le lac des Deux Montagnes ont organisé une partie de ping-pong devant le bureau du ministre fédéral des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, ce mardi.

« Une table de ping-pong a été installée parce que les gouvernements se renvoient la balle en disant : “C’est pas nous, c’est pas ma juridiction, c’est l’autre gouvernement” », a expliqué le député néo-démocrate de Rosemont–La Petite-Patrie, Alexandre Boulerice, qui est en contact depuis plusieurs semaines avec les citoyens mohawks qui dénoncent la situation.

La semaine dernière, La Presse a révélé que le dépotoir illégal G & R Recyclage, de Kanesatake, fortement contaminé, a eu des fuites d’eau nauséabondes dans les cours d’eau avoisinants à au moins deux occasions depuis le mois d’avril. Pink et Optimum, deux sources autochtones qui ont fourni à La Presse près de 2000 pages de documents montrant que Québec et Ottawa ont fait des dizaines d’inspections du site, soutiennent que l’intimidation et la violence exercées par un petit groupe de Mohawks criminels sur le territoire autochtone ont permis cette situation. En réaction à notre publication, les ministres fédéraux des Services autochtones, Patty Hajdu, et de l’Environnement, Steven Guilbeault, ont affirmé que la sécurité sur le territoire autochtone relève de la Sûreté du Québec plutôt que du gouvernement fédéral.

« Les citoyens et citoyennes de Kanesatake vivent une situation absolument épouvantable, qui serait inacceptable pour n’importe quel Québécois, et ça se passe à côté de chez nous, pratiquement dans notre cour, a tonné M. Boulerice.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le député néo-démocrate de Rosemont–La Petite-Patrie, Alexandre Boulerice

« Le gouvernement Trudeau parle de réconciliation avec les Premières Nations, mais laisse pourrir une situation depuis des années », a ajouté M. Boulerice, qualifiant la situation de « racisme environnemental » et de « relents du colonialisme ».

Une commission d’enquête réclamée

Les manifestants étaient une vingtaine, tous masqués « en solidarité avec Pink et Optimum », les deux sources mohawks qui dénoncent la situation au nom d’un « comité » de citoyens de Kanesatake, et qui veulent maintenir leur anonymat pour protéger leur sécurité. Une banderole portant l’inscription « On ne joue pas au ping-pong avec des vies humaines » était mise en évidence.

Les deux sources mohawks réclament la création d’une commission d’enquête indépendante, qui serait chapeautée par le rapporteur spécial de l’ONU sur les droits des peuples autochtones, « pour déterminer comment la crise s’est développée et [quelle est] la responsabilité des paliers de gouvernement », indique un communiqué qu’elles ont diffusé. Leur groupe réclame aussi la décontamination du site G & R Recyclage ainsi que des « multiples sites d’enfouissement toxiques semblables sur le territoire de Kanesatake ».

Le NPD réclame pour sa part une commission parlementaire pour faire la lumière sur la situation. « C’est le moyen que j’ai d’agir comme député fédéral. Je demande une enquête du comité parlementaire des affaires autochtones, a précisé l’élu. Mais s’il peut y avoir une commission indépendante, on est aussi en faveur », a-t-il ajouté.

Les deux sources mohawks affirment qu’il est « irréaliste » de demander au Conseil de bande de Kanesatake de trouver des solutions à cet enjeu de sécurité et environnemental, « alors qu’il a créé le problème », a déclaré le porte-parole des deux sources, également masqué.

« Il nous est impossible de faire confiance à ceux qui ont brisé notre confiance depuis le début. Les solutions ne peuvent être trouvées que par la création d’un espace sûr et sécurisé, où les gens peuvent s’exprimer librement, sans crainte ni intimidation », ont réclamé les deux sources mohawks, par la voix de ce porte-parole.