Soulagement pour la communauté LGBTQ+ : la ligne d’écoute de nuit d’Interligne pourra maintenir ses services grâce à un nouveau financement, et ce, au moment où les personnes LGBTQ+vivent davantage de violence et de détresse, a appris La Presse.

Le financement de l’organisme va presque doubler pour les trois prochaines années. En effet, une nouvelle somme additionnelle de 930 000 $ sur trois ans a été allouée grâce à de l’argent tiré d’une entente entre Québec et Ottawa.

C’est ce qu’a annoncé Martine Biron, ministre responsable de la Lutte contre l’homophobie et la transphobie, dans les locaux d’Interligne à Montréal, mardi. La Presse l’y a rencontrée en compagnie de l’équipe de l’organisme communautaire.

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Le directeur d’Interligne, Pascal Vaillancourt, discutant avec la ministre responsable de la Lutte contre l’homophobie et la transphobie, Martine Biron

Depuis septembre dernier, la ligne d’écoute Interligne – autrefois Gai Écoute – faisait face à des difficultés importantes. Par manque de financement, le service de nuit menaçait de fermer. Jusqu’à 10 000 appels à l’aide étaient pourtant faits la nuit à cette ligne chaque année.

Lisez « « Interligne, bonsoir » »

Fin mars, une collecte de fonds avait permis à l’organisme d’amasser 98 000 $ et d’éviter la fermeture immédiate du service. Mais ce n’était qu’un « sursis », soulignait alors le directeur, Pascal Vaillancourt.

L’organisme devait impérativement bonifier son financement de base, qui est d’environ 360 000 $ par année. Son directeur estimait alors avoir besoin de 300 000 $ de plus annuellement.

Avec l’annonce de mardi, le souhait de M. Vaillancourt est réalisé. Du moins, pour les trois prochaines années.

On est contents de voir que nos efforts ont porté leurs fruits et ont ouvert les discussions avec le cabinet de Mme Biron, entre autres. Ça vient vraiment nous aider à reprendre notre air.

Pascal Vaillancourt, directeur d’Interligne

« Ça va nous permettre de nous apaiser et de continuer nos conversations aussi avec le cabinet du [ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant], pour peut-être pérenniser notre situation à plus long terme », indique M. Vaillancourt.

« Je vais me battre bec et ongles pour ces droits-là »

En faisant cette annonce, Martine Biron veut lancer un message clair : la lutte contre l’homophobie et la transphobie est une priorité de son cabinet. « Quand j’ai su qu’Interligne n’avait pas son financement, ça m’a préoccupée au plus haut point, souligne-t-elle en entrevue. Je pense que c’est un signal important de ce qu’on a l’intention de faire au sein de la communauté LGBTQ. Nous sommes enchantés de cette nouvelle-là. »

En février dernier, le gouvernement de François Legault avait refusé le dépôt d’une motion proposée par les libéraux qui visait à assurer le financement nécessaire à la survie de la ligne de nuit d’Interligne.

Mais en coulisse, les discussions se sont poursuivies entre l’équipe d’Interligne et celle de Mme Biron, notamment par l’entremise de la conseillère politique Catherine Pouliot.

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La directrice des services d’Interligne, Florence Yvon, la conseillère politique Catherine Pouliot, la ministre Martine Biron, le directeur d’Interligne, Pascal Vaillancourt, et la directrice du développement philanthropique d’Interligne, Marie-Claude Gendron

Le financement qui a finalement été accordé à l’organisme provient d’une enveloppe de 5,5 millions de dollars sur quatre ans dans le cadre d’un accord Canada-Québec qui vise à pallier les conséquences de la COVID-19 et à assurer les services post-pandémie.

« Les gens ont le droit de choisir ce qu’ils sont, les gens ont le droit de marcher librement dans la rue et d’être ce qu’ils sont, poursuit Mme Biron en entrevue. Et ça, je vais me battre, je vous le dis, bec et ongles pour ces droits-là. On a du travail à faire, on le fait, et on va [continuer] de le faire. »

Plus de détresse et de violence

Cette annonce survient au moment où la violence envers les personnes LGBTQ+est en hausse, constate M. Vaillancourt.

Il y a clairement une lourdeur qui s’est installée [dans les appels qu’on reçoit]. On entend beaucoup de gens en parler, et il y a des gestes de violence qu’on n’avait jamais vus. On a vraiment l’impression de voir un recul en ce moment.

Pascal Vaillancourt, directeur d’Interligne

« Je pense qu’il y a des discours haineux qui ont commencé à être confortables dans la société », ajoute M. Vaillancourt.

Mme Biron observe la même tendance, notamment avec le mouvement anti-drag qui a mené à une pétition du Parti conservateur du Québec. Selon elle, cette mouvance prend sa source aux États-Unis, où un « vent d’intolérance s’est levé » depuis le renversement de l’arrêt Roe c. Wade sur le droit à l’avortement, en juin 2022. Les femmes et les minorités, notamment LGBTQ+, en sont les victimes, soutient celle qui est aussi ministre responsable de la Condition féminine.

« Je constate une certaine polarisation que je n’aime pas du tout, remarque Mme Biron. Je pense qu’on se sert [du sujet des drags] pour essayer de cliver le discours. »

Dans le contexte, la mission d’Interligne est plus pertinente que jamais, estime Mme Biron. « Nos énergies doivent être mises ensemble pour combattre ce type de violence, ce type de haine. »