Les participants ont entrepris une marche de 73 km pour en décrier la fermeture

Des dizaines de personnes se sont rassemblées au parc La Fontaine à Montréal samedi matin pour entamer une marche de près de 75 kilomètres vers le chemin Roxham, en Montérégie. Elles dénoncent la fermeture de cette voie migratoire et défendent le droit à l’asile au Canada.

Malgré la pluie, plus d’une centaine de personnes se sont rejointes près de l’obélisque en hommage à Charles de Gaulle au parc La Fontaine samedi matin. C’est le point de départ d’une marche de trois jours pour dénoncer la fermeture du chemin Roxham et l’Entente sur les tiers pays sûrs, qui a été récemment renforcée par le Canada et les États-Unis.

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Rani Cruz, employée du Collectif Bienvenue, qui vient en aide aux demandeurs d’asile, en compagnie de ses trois filles de 8, 12 et 13 ans, samedi matin au parc La Fontaine

« Je suis ici parce que si on ferme les frontières, il va y avoir des gens qui ne pourront pas vivre une vie en sécurité », dénonce Mila, 13 ans. Elle s’est présentée au parc La Fontaine samedi avec sa mère, Rani Cruz, qui travaille au Collectif Bienvenue, et ses deux sœurs de 8 et 12 ans. « Ce sont vraiment mes filles qui voulaient être ici, assure Mme Cruz. Elles ont fait les affiches et ont insisté pour venir. »

Si la famille ne peut pas participer à la marche jusqu’à la fin, d’autres personnes présentes se relaieront jusqu’à lundi pour parcourir les 73 kilomètres qui séparent Montréal de la frontière américaine, au chemin Roxham.

Le trajet a été organisé par une quinzaine d’organisations de soutien aux réfugiés et demandeurs d’asile, ainsi que par Amnistie internationale et le Conseil canadien pour les réfugiés.

« Cette marche est un symbole, parce que nous accueillons tous les jours des familles qui ont marché pendant des mois pour arriver au Canada », a souligné devant la foule Maryse Poisson, directrice des initiatives sociales du Collectif Bienvenue.

Lisez « Tous les chemins mènent (toujours) à Roxham »

Une décision de la Cour suprême contestée

Abdel Igué, stagiaire à Amnistie internationale, relaiera des collègues pour les derniers kilomètres avant la frontière lundi.

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Abdel Igué, stagiaire à Amnistie internationale

Les personnes demandeuses d’asile ont aussi des droits qu’il faut protéger. Avec les derniers développements, il y a encore plus de raisons d’être ici.

Abdel Igué, stagiaire à Amnistie internationale

La fermeture du chemin Roxham est entrée en vigueur le 24 mars dernier après un renforcement de l’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis pour qu’elle s’applique à toute la frontière terrestre entre les deux pays, y compris aux points de passage non officiels.

Vendredi, la Cour suprême a aussi rendu une décision complexe concernant cette entente contestée devant les tribunaux. Elle a statué que l’Entente sur les tiers pays sûrs était constitutionnelle au regard de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Mais elle a aussi renvoyé à la Cour d’appel fédérale l’étude de la constitutionnalité de l’Entente sous l’angle de l’article 15 de la Charte, qui garantit le droit à l’égalité.

Lisez « La Cour suprême maintient l’Entente sur les tiers pays sûrs »

Le fait que la marche se tienne au lendemain de cette décision est « extrêmement significatif », estime Jenny Jeanes, vice-présidente du Conseil canadien pour les réfugiés. « La Cour n’a pas terminé son analyse de l’Entente sur les tiers pays sûrs. La bataille continue ! »

Une vision partagée par le député du Nouveau Parti démocratique (NPD) Alexandre Boulerice : « Pour nous, ce qui est important, c’est la liberté de voyager pour les gens qui cherchent refuge », a-t-il expliqué.

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Le chef adjoint du NPD, Alexandre Boulerice

Il faut suspendre l’Entente, parce que le chemin Roxham est un symbole. En fermant celui-là, 350 autres s’ouvrent.

Alexandre Boulerice, député du Nouveau Parti démocratique

« Roxham, c’est un symbole d’espoir »

Plusieurs demandeurs d’asile se sont aussi relayés au micro pour partager leur expérience. C’est le cas de Peggy Nkunga Ndona, qui est arrivée par le chemin Roxham après avoir traversé le continent en venant du Brésil. Elle tenait par la main deux enfants et était enceinte du troisième, né au Canada. Elle raconte son parcours dans son documentaire L’audience, actuellement en salle.

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Peggy Nkunga Ndona, demandeuse d’asile et réalisatrice du documentaire L’audience

Récemment, elle s’est vu refuser le droit à l’asile au Canada et devra retourner au Brésil, dénonce-t-elle. « Je demande justice pour tous les réfugiés et tous les immigrés ! »

Hady Anne, porte-parole de Solidarité sans frontières, est aussi arrivé par le chemin Roxham. À son sens, les pays riches comme le Canada ont un rôle à jouer dans la déstabilisation politique des pays du Sud, notamment par l’impact des entreprises multinationales. « Le chemin Roxham est un symbole d’espoir, lance M. Anne. Aujourd’hui, je me sens montréalais, canadien, québécois. Cette entente [sur les tiers pays sûrs], elle est faite par des privilégiés, pour des privilégiés. Elle est injuste ! »

Claudia, journaliste chilienne qui a demandé l’asile en arrivant au Canada par avion, estime discriminatoire que les demandes à la frontière ne soient pas considérées au même titre que celles faites à la sortie de l’avion. « Pour moi, franchir la frontière, c’était la différence entre la vie et la mort », a-t-elle lancé sous les applaudissements.

« De plus en plus de gens sont forcés à l’exil, forcés à la migration et forcés [de prendre] des routes extrêmement dangereuses. Toutes les ententes ne changeront rien à ce nombre », a souligné France-Isabelle Langlois, directrice d’Amnistie internationale Canada.