Une première au gouvernement du Québec : une femme prendra les commandes de l’ensemble de la fonction publique. Dominique Savoie sera nommée tout prochainement « secrétaire générale du conseil exécutif », soit numéro un des employés de l’État.

Fonctionnaire de carrière, elle avait été envoyée au poste névralgique de sous-ministre à la Santé au début de la pandémie ; son ministre Christian Dubé a maintes fois louangé publiquement son travail. Elle atteint ce sommet à 63 ans. Au gouvernement fédéral, des femmes sont déjà parvenues à ce poste de commande, nommé « greffier du conseil privé ». Ce ne fut jamais le cas au Québec.

Elle prendra le siège d’un allié de longue date, Yves Ouellet, qui était secrétaire général depuis l’arrivée de François Legault au pouvoir, en 2018. Cet économiste de formation, qui a longtemps dirigé le Conseil du trésor, deviendra le président-directeur général de l’Autorité des marchés financiers, en remplacement de Louis Morisset, dont le mandat se termine le 1er juillet. Tout le monde gagne au jeu des chaises musicales ; M. Ouellet gagnait 387 000 $ par année, remplace M. Morisset qui en gagnait 494 000 $. Mme Savoie était sous-ministre avec un salaire de 310 000 $ avant de remplacer M. Ouellet.

L’ascension d’Yves Ouellet est sans surprise. Celle de Dominique Savoie représente en revanche un spectaculaire retour en grâce.

Mme Savoie était la sous-ministre de Robert Poëti, puis de Jacques Daoust, ministres libéraux des Transports sous Philippe Couillard, quand elle s’était retrouvée au cœur d’une tornade médiatique. En 2016, elle avait été clouée au pilori, attaquée par le député libéral Guy Ouellette et surtout par Éric Caire, député caquiste alors dans l’opposition. Son ancien patron Robert Poëti laissait entendre qu’elle avait négligé de faire le ménage dans le processus d’attribution de contrats de cet énorme ministère.

À la période des questions, M. Caire y était allé de charges d’une rare agressivité – un élu attaque rarement avec autant de mordant un fonctionnaire, se tournant généralement davantage vers son patron politique. Même François Legault avait, en point de presse, sévèrement critiqué cette haute fonctionnaire. Il avait fait publiquement amende honorable quand Mme Savoie avait été nommée à la Santé.

En commission parlementaire à l’époque, Mme Savoie avait tenté de préciser les rapports d’un ministre avec son sous-ministre.

« Je ne pense pas qu’entre un ministre et un sous-ministre, on parle d’ordres. »

Une déclaration dès lors transposée pour une manchette bien plus accrocheuse : « Un sous-ministre n’a pas d’ordres à recevoir de son ministre ! »

La vérificatrice générale puis le directeur des poursuites criminelles et pénales se pencheront sur l’administration de Dominique Savoie – tous passeront l’éponge.

Mais la guillotine était déjà dressée. Dominique Savoie sera envoyée sur une tablette, au conseil exécutif, pendant deux ans. Ironiquement, juste avant ce psychodrame, le gouvernement Couillard s’apprêtait à la nommer PDG de Loto-Québec.

Issue du secteur de la main-d’œuvre, conseillère en orientation à l’origine, Dominique Savoie avait été sous-ministre à l’Emploi, où le titulaire de l’époque, Sam Hamad, l’avait remarquée. Ce dernier l’avait amenée aux Transports, où elle sera sous-ministre de 2011 à 2016. Elle reviendra après son exil comme sous-ministre à l’Énergie, sous les libéraux avec Pierre Moreau, puis sous la Coalition avenir Québec avec Jonatan Julien, son dernier poste avant d’arriver à la Santé, à l’été 2020.

Une version antérieure de ce texte indiquait que des hauts fonctionnaires du Conseil exécutif étaient présents au party de fin de session parlementaire du personnel politique de François Legault, à Québec, le 14 juin. Or, il appert que François Legault a fait une brève apparition dans un bar où avaient lieu plusieurs événements distincts, dont l'un concernant son ancien attaché de presse Jean-François Del Torchio, avant de se rendre à la célébration de fin de session de son personnel dans lieu privé, hors de la présence de fonctionnaires. Nos excuses.