Odna Daudier avait peur de son ex-conjoint. Si peur qu’elle pensait quitter la ville. Si peur qu’elle avait installé des caméras dans son appartement et sa voiture. Mais Odna est quand même morte. Jacques Adonai Charpentier, qui n’avait pas le droit de s’approcher d’elle, a été accusé de son meurtre mercredi, un an après le crime.

Ce qu’il faut savoir

Odna Daudier, 31 ans, a été trouvée morte dans sa voiture il y a plus d’un an, à Rivière-des-Prairies.

Son ex-conjoint, Jacques Adonai Charpentier, 39 ans, a été accusé de meurtre au premier degré mercredi.

Le suspect aurait déjà tenté d’étrangler la victime. Il lui était interdit de s’approcher d’elle.

Mélissa Estimé, 22 ans, a également été accusée de meurtre au premier degré dans cette affaire.

Odna Daudier, 31 ans, a été trouvée morte dans son véhicule, le 29 mai 2022. C’est un passant qui a remarqué la femme inanimée dans une voiture, à l’angle du boulevard de la Rivière-des-Prairies et de la 7Rue, dans l’est de Montréal. Son corps ne portait aucune marque de violence.

Après plus d’un an d’enquête, la police a finalement arrêté deux suspects, mercredi. Jacques Adonai Charpentier, 39 ans, et Mélissa Estimé, 22 ans, ont respectivement été appréhendés dans les arrondissements d’Anjou et de Montréal-Nord. Ils ont été amenés au palais de justice de Montréal où ils ont été accusés de meurtre au premier degré, la plus grave accusation du Code criminel.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DU SUSPECT

Le suspect Jacques Adonai Charpentier

« Il y a eu une autopsie et les enquêteurs ont pu confirmer que la femme avait été victime d’un meurtre », a indiqué Jean-Pierre Brabant, porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal, refusant toutefois de révéler les causes du décès. Le lien entre les deux accusés n’a pas été confirmé non plus.

Célestine* a été choquée d’apprendre que Jacques Adonai Charpentier, ex-amoureux de son amie, était le principal suspect du meurtre de celle que tout le monde surnommait Beauté créole. « C’est lui qui est encore mêlé à tout ça ? », s’est exclamée la femme, qui préfère garder l’anonymat par respect pour la famille endeuillée. « Il n’avait pas fini de mettre en œuvre son plan ? », ajoute-t-elle.

Libéré sous caution

C’est que Jacques Adonai Charpentier a déjà été accusé en novembre 2021 d’avoir menacé de mort et étranglé Odna Daudier, évènement qui serait survenu dans un contexte de violence conjugale. À la suite de ces accusations, on lui a interdit de se trouver à moins de 200 mètres d’Odna Daudier, de son lieu de travail ou de son lieu d’études. Le ministère public a toutefois retiré les accusations, en décembre 2022, en raison de la mort de la victime.

Trois mois avant la mort d’Odna Daudier, en février 2022, Jacques Adonai Charpentier a aussi été accusé de voies de fait, de menaces et de séquestration dans un autre dossier. Des crimes qui auraient également été commis dans un contexte de violence conjugale. Cependant, nous n’avons pas été en mesure de confirmer si Odna Daudier était aussi la victime dans ce dossier.

Après quatre jours de détention, Jacques Adonai Charpentier a recouvré la liberté, puisque le ministère public ne s’y opposait pas.

Il a versé 500 $ de caution et s’est engagé devant la cour à respecter quelques conditions, dont celles de ne pas se trouver dans un rayon de 800 mètres du domicile d’Odna Daudier ou à moins de 50 mètres de celle-ci. Il devait aussi entreprendre une thérapie de gestion de la colère.

« Vous êtes prêt à les respecter ? », lui avait demandé la juge Nathalie Duchesneau, au sujet de ces conditions. « Oui », avait répondu l’accusé.

Vendredi dernier, le procès de Jacques Adonai Charpentier dans cette affaire a été fixé à décembre 2023 et mars 2024. L’accusé était présent et en liberté. Nous avons tenté de joindre son avocat, mais il n’a pas donné suite à nos demandes.

« Je suis encore en vie »

Odna Daudier et Jacques Adonai Charpentier ont été en couple quelques années. Ils avaient chacun leur appartement, mais durant la pandémie et les confinements, le couple a passé davantage de temps chez Mme Daudier.

La victime ne s’est jamais confiée à Célestine sur des épisodes de violence qu’elle a vécus à la maison. Jusqu’au jour où elle a failli mourir de suffocation. « Ça faisait un mois qu’on ne s’était pas parlé et j’ai appelé Odna, se rappelle son amie. Je lui ai demandé si tout allait bien et c’est là qu’elle m’a raconté qu’elle n’allait pas du tout, qu’elle avait failli mourir, qu’il avait essayé de l’étrangler, qu’elle avait été transportée à l’hôpital. »

« Ça faisait un mois que ça s’était passé, mais elle était encore sous le choc. Ça se sentait dans sa voix. Elle disait : “Je suis encore là. Je suis encore en vie. C’est grâce à Dieu” », relate Célestine, qui fréquentait la même église qu’Odna Daudier. Elle y avait croisé Jacques Adonai Charpentier une fois, mais n’avait pas eu de discussion avec lui.

Même si des accusations ont été portées contre son ex-conjoint, Odna Daudier a continué à craindre pour sa vie.

« Elle a songé à quitter Montréal parce qu’elle se sentait en danger », raconte Célestine, qui a elle-même encouragé son amie originaire d’Haïti à se trouver un appartement dans une autre ville au Canada ou aux États-Unis.

La victime a installé des caméras de surveillance dans sa voiture et dans son logement. « Avec la plainte à la police et les caméras, elle se sentait un peu plus protégée […]. Elle a décidé de rester à Montréal parce qu’elle disait que son travail, sa famille et tous ses amis étaient ici. »

Célestine s’est toujours doutée que son amie, qui n’avait pas de problèmes de santé, n’était pas morte de façon naturelle dans sa voiture.

« Mais je pensais vraiment que le gars [Jacques Adonai Charpentier] avait abandonné tout ça. Je ne pensais pas qu’il avait encore ce genre d’idées », dit-elle.

La voix de Célestine se remplit d’émotion lorsqu’elle parle de son amie. « Je n’accepte toujours pas. Elle était vraiment une personne gentille, joviale, aimante. Avec elle, on était toujours en train de rire. Elle demandait toujours si on allait bien. Elle aimait prodiguer des conseils », se remémore Célestine.

« C’était vraiment une personne avec un grand cœur », ajoute-t-elle, la voix entrecoupée de sanglots. « Elle était aimée de tout le monde. »

* Prénom fictif