Lac-Mégantic a entamé mercredi trois jours de commémorations pour souligner les dix ans de la tragédie ferroviaire qui a coûté la vie à 47 personnes. Dans la communauté, on est parfois déchiré entre « le désir de devoir faire mémoire et celui d’avancer ».

Le coup d’envoi a été donné mercredi à l’église Sainte-Agnès, où se sont tenus un concert de musique baroque et un autre où les Méganticois avaient été invités à donner des prestations.

En fin d’après-midi, Richard Custeau se livrait à un test de son en interprétant Angel de Sarah McLachlan, avec sa seule guitare. Il a perdu son grand frère Réal, il y a dix ans. Il avait 57 ans.

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Richard Custeau a perdu son grand frère Réal il y a dix ans dans la tragédie de Lac-Mégantic.

Il me manque, il me manque toutes les années.

Richard Custeau à propos de son frère Réal

Réal était sorti avec des amis au Musi-Café, le soir où le train transportant du pétrole brut a déraillé, puis explosé, en plein centre-ville.

« Je connaissais à peu près tout le monde là-dedans », dit Richard Custeau. Il a pendant quelques années été le représentant des familles endeuillées, et se dit « fier » de donner en cadeau ses chansons aux victimes, à leurs familles et à « tout le monde qui souffre de cette tragédie ».

« L’église est le meilleur passage pour transmettre mes deux chansons », dit-il, en ajoutant que deux personnes se sont suicidées à la suite de la tragédie. « Il ne faut pas les oublier », dit M. Custeau.

« Je n’ai même pas peur de me tromper. Et si je me trompe, ça va être encore plus beau, parce que je vais continuer », dit-il en s’éloignant.

Il n’y a pas eu de fausse note. Et lorsque l’homme a interprété Le cœur est un oiseau, de Richard Desjardins, des spectateurs ont entonné discrètement les paroles, d’autres se sont essuyé les yeux.

Le désarroi et la solidarité

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L’abbé Steve Lemay

L’abbé Steve Lemay dit qu’il ne pouvait être ailleurs qu’à Lac-Mégantic pour les commémorations des dix ans de la tragédie.

« Comme bien des gens, on est déchirés par le devoir de faire mémoire et celui d’avancer, de regarder en avant. On a toujours cette ambivalence », dit l’abbé Lemay.

Il était curé de la paroisse en 2013. Il dormait au presbytère, tout juste devant le lieu où les wagons ont explosé.

Il se souvient avoir été « saisi par le désarroi » des Méganticois à la recherche de leurs proches, mais aussi des élans de solidarité qui ont immédiatement jailli du drame.

S’il n’a pas célébré les funérailles de chacune des 47 victimes, il en a « fait beaucoup ». Il a quitté Lac-Mégantic au début de 2015 vers Rome. « L’évêque avait vu que j’étais fatigué », dit M. Lemay, qui explique qu’il est parti avec un certain sentiment d’abandon.

Être éloigné de sa communauté a été la « période la plus difficile » pour lui, relate-t-il.

Pendant qu’il nous parle dans l’église, un homme s’avance vers lui, le salue chaleureusement.

« Jean a perdu une fille dans la tragédie », dit l’abbé Lemay.

Dans l’église, mercredi soir, l’une jouait du violon pour son éducatrice de garderie, une autre dédiait ses chansons à ses « anciens élèves », à ses « amis golfeurs ».

L’ancienne mairesse de Lac-Mégantic, Colette Roy-Laroche, bien en selle au moment de la tragédie, a rappelé quant à elle la solidarité dont avaient fait preuve les Québécois au lendemain du drame.

« Merci de tout cet amour et de ce support dont le Québec tout entier a fait preuve », a-t-elle déclaré. « Ces gestes venus de partout nous ont démontré que cette tragédie n’était pas seulement la nôtre », a poursuivi Mme Roy-Laroche.

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L’ancienne mairesse de Lac-Mégantic, Colette Roy-Laroche

Dans la nuit de mercredi à jeudi, à 1 h 14 précise – l’instant même où le cœur de Lac-Mégantic s’est arrêté de battre un moment –, une marche silencieuse et lumineuse devait se tenir au centre-ville.

Jeudi matin, une messe commémorative à l’église Sainte-Agnès sera célébrée. Les cloches sonneront 47 fois, à la mémoire des victimes.