« Une demi-heure de plus et je tombais. » Gerry Saumur raconte être passé près de succomber à la chaleur la veille. Malgré tout, le couvreur était de retour sur les toits jeudi en matinée, dans l’arrondissement de Saint-Laurent, entouré d’autres ouvriers qui ont bravé les conditions extrêmes. Sous un soleil de plomb. La canicule s’est poursuivie jeudi au Québec, et ne devrait pas prendre fin avant dimanche.

Une alerte de chaleur était toujours en vigueur jeudi soir pour la région de Montréal et le reste du sud du Québec. Quelques heures plus tôt, la température ressentie avoisinait 40, en tenant compte de l’indice humidex. Ces conditions extrêmes sont causées par une poussée d’air chaud et humide en provenance du sud des États-Unis, selon Environnement Canada.

Les travailleurs extérieurs sont particulièrement touchés par le temps caniculaire. Pour le groupe de couvreurs croisé par La Presse, « rester à l’ombre » ou « réduire ses efforts physiques » n’était pas possible, étant donné le métier qu’ils exercent.

« C’est un effort physique et, en plus, tu es en hauteur, donc il fait encore plus chaud », lance Kevin Luna. La plupart des membres de l’équipe admettaient avoir déjà été victimes de coups de chaleur.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Maxime Bertrand restait de bonne humeur, malgré la chaleur accablante dans l’arrondissement de Saint-Laurent.

Les travailleurs avaient plusieurs astuces pour se tenir au frais, dont garder leurs chandails, qui restent « mouillés et rafraîchissants », « manger plus de fruits et légumes » et « boire de l’eau sans arrêt ».

Ces trucs font écho aux conseils de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). « J’encourage les travailleurs à risque à bien s’hydrater, à porter des vêtements légers et à reconnaître les signes d’un coup de chaleur », a affirmé la porte-parole de l’organisation Émilie Marcotte, jointe au téléphone.

« La bonne ombre »

Au parc Jarry, Juliette Lefrère, qui n’a pas de climatiseur à la maison, s’était installée dehors pour dîner. Elle profitait de « la bonne ombre » offerte par un arbre. Elle s’était acheté une bouteille d’eau pour accompagner son repas, qu’elle pouvait remplir aux fontaines du parc.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Juliette Lefrère a profité de l’ombre sous un arbre du parc Jarry.

Toutes les personnes rencontrées dans le parc ne fuyaient pas nécessairement la chaleur. Un groupe de sportives motivées s’était même rendu aux terrains de volleyball.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Des joueuses de volleyball ont défié le soleil de plomb au parc Jarry.

« On vient d’arriver, mais dans une heure, on ne sera peut-être plus ici », a affirmé l’une d’elles. Le groupe, composé de deux mères et de leurs trois filles, prévoyait prendre des pauses à l’ombre et profiter de l’air climatisé de leurs maisons une fois leurs parties terminées.

Les jeunes en dedans

Les jeunes du camp de jour Sportmax à Montréal mangent habituellement à l’extérieur. Mais jeudi, les moniteurs ont gardé leurs protégés à l’intérieur pour le dîner. « Pour les deux collations aussi, parce qu’il faisait trop chaud dehors », a expliqué Danylo Vasquez-Lacasse, un garçon qui fréquente le camp de jour situé au Centre sportif de l’Université du Québec à Montréal.

« C’est rassurant qu’ils ne les aient pas sortis, a observé Stéphanie Pellerin, mère de Julien, 11 ans, qui fréquente le même camp. Je suis infirmière, donc je connais les précautions [à prendre]. »

Cette décision du camp Sportmax respecte la volonté de l’Association des camps du Québec, soit d’éviter d’exposer les jeunes au soleil par temps caniculaire. Les activités intérieures, à l’ombre ou aquatiques sont priorisées, a souligné la coordonnatrice aux communications de l’association, Valérie Desrosiers, particulièrement entre 11 h et 16 h. En d’autres mots : aucun « concours de culbutes en plein soleil à 13 h », a-t-elle précisé, en entrevue téléphonique.

Dans ces circonstances, les animateurs doivent surveiller les enfants qui présentent des enjeux de santé connus, et tous les signes d’inconfort, a ajouté Mme Desrosiers, les animateurs encourageant également les jeunes à boire « énormément » d’eau.

Les parents doivent aussi jouer leur rôle, en munissant leurs enfants d’une gourde, d’un maillot de bain et de vêtements légers, recommande-t-elle.

Une situation « difficile »

Les personnes âgées sont à risque de vivre des complications liées à la chaleur. Cela n’a pas découragé Radhi, un retraité devenu caricaturiste, qui était installé en fin d’après-midi sur la place Jacques-Cartier, dans le Vieux-Port, pour pratiquer son art. Il trouvait la situation « difficile ». La chaleur faisait fuir les clients, mais Radhi était fidèle au poste, bouteille d’eau non loin, au cas où des braves voudraient se faire prendre en croquis.

À l’opposé, Odette Dubé, qui habite dans une résidence privée pour aînés, tentait de rester à l’intérieur.

Je sors si c’est vraiment nécessaire. Ce matin, j’ai fait mes commissions, mais à 8 h 30, pour éviter la chaleur.

Odette Dubé

La dame de 76 ans n’avait pas de climatiseur non plus, en raison d’allergies. Mais elle disait bien se débrouiller avec un simple ventilateur dans sa chambre.

Dans les CHSLD, à peine 45,9 % des chambres étaient climatisées en 2022, avait révélé l’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic au terme d’une enquête l’année dernière.

Pour pallier ce problème en temps de canicule, une série de précautions ont été prises, a assuré la directrice adjointe de l’hébergement au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, Isabelle Parent. Surveillance des symptômes de déshydratation, tournée des chambres pour offrir eau, limonade et jus, et utilisation de zones climatisées communes font partie des mesures mises en place.

Durant la nuit, la fermeture des fenêtres et des stores est primordiale. « Nos aires communes sont pour la plupart climatisées, donc on veut s’assurer que l’air frais reste à l’intérieur », a expliqué Mme Parent. Sans ces mesures, la température dans les chambres grimperait de plusieurs degrés, a-t-elle ajouté.