En l’espace d’à peine six jours, quatre accidents impliquant des poids lourds ont eu lieu sur le territoire québécois. Bilan : quatre morts, au moins six blessés.

Vendredi, deux personnes sont mortes dans un important carambolage ayant eu lieu sur l’autoroute 40 Est, à la hauteur de Trois-Rivières. Ce fut la triste conclusion d’une semaine qui ne s’était déjà pas très bien déroulée sur les routes.

Dimanche dernier, une adolescente de 13 ans a perdu la vie sur l’autoroute 20, à Saint-Zotique, après que le véhicule familial eut été percuté par un camion lourd. Puis mardi, au centre-ville de Montréal, un cycliste a été écrasé par un autre camion lourd sur le boulevard De Maisonneuve.

Jeudi, deux parents qui se trouvaient à bord d’une minifourgonnette ont été blessés par un jeune chauffeur ontarien ayant omis de faire son arrêt obligatoire. C’était à Sainte-Hélène-de-Bagot, en Montérégie.

Des quarts « très prenants »

« Est-ce que les conducteurs connaissent l’ampleur du danger que les poids lourds représentent ? Est-ce qu’on voit assez comment se comporter dans un véhicule à côté d’un poids lourd, lors de notre formation ? », demande Marie-Soleil Cloutier, professeure à l’Institut national de recherche scientifique et chercheuse en sécurité routière.

Selon elle, différents éléments peuvent causer des accidents impliquant des véhicules lourds : leurs angles morts « très importants », les quarts de travail « très prenants » des camionneurs et la vitesse à laquelle ceux-ci peuvent circuler.

Autre élément qui peut expliquer pourquoi on assiste actuellement à une vague de ce type d’accidents : on ne s’en doute pas, mais « la journée parfaite, c’est la journée où tu vas avoir une collision », illustre Mme Cloutier.

Lorsqu’il neige ou qu’il pleut beaucoup, les usagers de la route ont tendance à faire plus attention. Quand il fait beau, c’est le contraire. « On a l’impression qu’il n’y a pas de danger. »

Elle remarque aussi qu’environ le tiers des collisions en milieu urbain, qui touchent notamment les piétons et les cyclistes, impliquent des véhicules lourds. « Je ne sais pas si c’est de la surreprésentation, mais c’est l’une des causes importantes. »

« Ce que j’entends des compagnies, c’est qu’il y a de la pression dans les horaires et sur la livraison. Je ne pense pas qu’il y ait de comportements illégaux, mais ça met quand même de la pression sur leur personnel, ajoute-t-elle. Ce n’est pas propre au camionnage, mais ça a plus de conséquences quand tu conduis un dix roues. »

« On devrait éduquer beaucoup plus les gens »

Pierre Bellemare, reconstitutionniste et ancien policier de la Sûreté du Québec (SQ), n’est pas « pas prêt à mettre la faute sur les camionneurs ».

« Je pense qu’on devrait éduquer beaucoup plus les gens. La SAAQ a déjà dit que la route, ça se partage… Ce n’est pas juste pour les vélos, c’est pour tous les types de véhicules. C’est plate à dire, mais idéalement, en auto, si tu dépasses un camion semi-remorque, tu dois te tenir loin, conseille M. Bellemare. Quand ça freine en avant, regarde ce qu’il y a en arrière. Les gens ne conduisent pas assez avec le rétroviseur. »

Si tu te fais heurter à 30 km/h en camion, c’est l’équivalent de 100 km/h en automobile à cause de la masse. Un camion lourd, c’est 35 fois plus d’énergie qu’une automobile. Les dommages sont énormes.

Pierre Bellemare, reconstitutionniste et ancien policier de la Sûreté du Québec

À son avis, les camionneurs qui sillonnent les routes de la province ont « peut-être un peu moins d’expérience que dans le temps, mais ils ont quand même une bonne formation ». Le problème réside ailleurs.

« Les accidents, c’est souvent de l’inattention et distraction. Les [camionneurs] font des milliers de kilomètres par année. Parfois, on réagit un peu trop tard. La conduite, ce n’est pas compliqué : ça demande ta perpétuelle attention. »

« Oui, on met la faute sur les individus, mais c’est le système qu’il faut revoir », conclut Marie-Soleil Cloutier.

L’identité des victimes de Trois-Rivières connue

Mélanie Guérin, 43 ans, et François Allaire, 44 ans, résidants de Sainte-Adèle dans les Laurentides, ont tous deux perdu la vie vendredi à Trois-Rivières, a confirmé la SQ samedi soir. Leur véhicule avait été « complètement détruit » après avoir été coincé entre deux camions lourds.

Le Service de sécurité incendie de Trois-Rivières avait été dépêché sur place afin de désincarcérer les deux occupants du véhicule. Un autre véhicule impliqué moins directement dans la collision n’a subi que des dommages légers.

Vingt-quatre heures après le drame, les forces policières étaient avares de commentaires, l’enquête étant toujours en cours.

Jointe par La Presse, l’Association du camionnage du Québec dit avoir « conscience de l’importance » des accidents survenus récemment, mais estime toutefois ne pas être en mesure de prendre la parole « tant que les enquêtes sont toujours en cours », que ce soit pour l’accident de Trois-Rivières ou les précédents. « On suit attentivement la situation », ajoute-t-elle.