Des grands-parents qui sont famille d’accueil de leur petite-fille doivent refaire le processus de vérification de la DPJ à cause d’un déménagement

Afin d’assurer la garde de leur petite-fille, Diane et Claude* sont devenus une famille d’accueil de proximité affiliée à la direction de la protection de la jeunesse (DPJ) des Laurentides, en 2016. Sept ans plus tard, ils souhaitent déménager en Estrie, mais pour que tout soit en règle, on leur demande de remplir toutes sortes de documents… comme s’ils n’avaient jamais été famille d’accueil.

Après l’envoi de leur avis de déménagement, les grands-parents ont reçu une pile de documents les appelant à fournir toutes sortes de renseignements à la DPJ des Laurentides… et ensuite la même chose à celle de l’Estrie. Attestation de bonne condition physique et mentale, antécédents judiciaires, liste de médicaments prescrits, documents bancaires, évaluation du nouveau lieu physique où vivra l’enfant… pratiquement tout y passe.

Actuellement, la résidence principale de Diane et Claude se trouve à Montréal. Comme leur petite-fille est née à Sainte-Thérèse, c’est la DPJ des Laurentides qui les a initialement contactés afin qu’ils obtiennent le statut de famille d’accueil de proximité. Le couple veut maintenant faire de sa résidence secondaire, située à Austin, en Estrie, sa résidence principale. Mais on refuse de simplement transférer le dossier.

C’est comme si on appliquait pour être une nouvelle famille. On comprend que chaque régie est autonome, qu’elles ont toutes leurs petites particularités. Mais recommencer à zéro, c’est ridicule.

Claude, parent d’accueil de proximité

Sur la page couverture de l’un des formulaires, il est indiqué qu’on s’adresse à un « postulant » à titre de famille d’accueil de proximité, alors que Diane et Claude le sont depuis déjà plusieurs années. La petite Flavie*, qui a maintenant 7 ans, habite avec ses grands-parents depuis l’âge de 9 mois.

Claude, qui n’a pas de médecin de famille, est à court de solutions. Il comprend très bien que la DPJ ait besoin de mettre à jour certains renseignements et de visiter la nouvelle maison, mais se voit mal « déranger un médecin et des policiers qui ont autre chose à faire ». Ce sont des démarches qui prennent du temps.

« J’ai appelé [la DPJ], on me répond que “c’est de même que ça marche”. Le problème, c’est que ça n’a pas de sens que ça fonctionne comme ça. Ce n’est pas l’intervenante de première ligne que je blâme là-dedans, moi, ce sont les gestionnaires. »

Lourdeur bureaucratique

« De façon générale, lorsqu’une famille d’accueil déménage, les documents sont transmis à la DPJ de la région qui accueille la famille, et ce, afin de faciliter le processus. […] Lorsque la vérification est récente, les documents peuvent être transférés d’une région à l’autre. Si ce n’est pas le cas, le processus complet est à refaire », répond Valérie Maynard, conseillère en communication au CISSS des Laurentides, questionnée à ce sujet par La Presse. Elle affirme également qu’une vérification annuelle des antécédents judiciaires est normalement obligatoire.

« Nous sommes en mesure d’affirmer qu’en pareilles situations, nous ne reprenons pas l’évaluation d’un dossier à zéro, soutient pour sa part Annie-Andrée Émond, adjointe au directeur responsable des communications au CIUSSS de l’Estrie. Nous repartons, d’une part, de l’évaluation du dossier de la famille faite par l’établissement qui supervisait la famille d’accueil de proximité et, d’autre part, des autres éléments portés à notre attention, comme le résultat de la recherche d’antécédents judiciaires [plumitif] et le bilan de santé. Dans le cas où ces documents dateraient de plusieurs années, nous en ferions une simple mise à jour. »

Le CIUSSS de l’Estrie assure aussi mettre « tout en œuvre pour réaliser ces démarches dans de courts délais afin d’offrir à l’enfant un milieu de vie sécuritaire et le plus stable possible ».

Seulement, depuis qu’on lui a initialement demandé ses informations personnelles en 2016, personne n’a contacté Claude pour une quelconque mise à jour. Et lorsqu’il tente d’obtenir de l’aide, il se heurte à un mur. « On demande quelque chose au début qui est très bien, mais il n’y a plus aucun suivi après », déplore-t-il, imputant aux erreurs administratives de la DPJ le trou bureaucratique dans lequel il se trouve.

Je pense que beaucoup de familles d’accueil potentielles ne le deviennent pas à cause de la bureaucratie.

Claude, parent d’accueil de proximité

« Ils n’ont pas à demander le dossier médical. Les antécédents criminels, les Laurentides le demandent au changement de contrat. C’est de la paperasse, oui, mais un document de trois pages : signe en haut, signe en bas, c’est fini. Ils ont tendance à se rappeler : “Oh, ça fait cinq ans que j’ai demandé les antécédents”, et les demandent d’un coup », explique Geneviève Rioux, présidente de la Fédération des familles d’accueil et ressources intermédiaires du Québec.

« Monsieur devrait avoir le droit de déménager. Les petites mises à jour de dossier, c’est une chose, mais recommencer, ça c’est non, dit-elle. À mon bureau, je reçois des centaines de situations par mois par manque d’uniformité et parce que chaque établissement s’autogère. »

« Nous, on est une famille de proximité, donc on va rester peu importe ce qui arrive, assure Claude. Mais imaginez une famille d’accueil qui a un enfant difficile, qui est sur le bord d’arrêter. Elle pourrait dire : “Vous me demandez tout ça, alors moi j’arrête.” »

* Prénoms fictifs. Pour des raisons de confidentialité, il nous est interdit de révéler l’identité de la famille.