Les voyageurs trans et non binaires pourront bientôt mettre les pieds dans les scanneurs corporels des aéroports canadiens sans automatiquement déclencher d’alarme, décision saluée par la diversité. Une mise à jour des logiciels sera déployée aux quatre coins du pays à compter de l’automne, a appris La Presse.

Ce dossier figure sur l’écran du gouvernement Trudeau depuis le début de l’année pour deux raisons : les droits de la personne et la fluidité du trafic aéroportuaire. À l’heure actuelle, une personne trans ou non binaire provoque généralement le déclenchement d’une alarme lorsque le scanneur corporel est mis en marche.

La raison : les 58 appareils que l’on trouve dans les aéroports canadiens sont programmés pour s’adapter au genre du voyageur afin de déterminer si cette personne a dissimulé des objets prohibés, comme des armes, sous ses vêtements.

Si une personne a l’apparence d’une femme, mais qu’elle semble être biologiquement un homme, par exemple, le scanneur détectera des formes inhabituelles et déclenchera une alarme en pensant qu’il y a anomalie.

« Si le passager s’identifie comme transgenre, non binaire ou non genré, le nombre de fausses alarmes risque d’être plus élevé et un contrôle secondaire est nécessaire pour chaque fausse alarme », écrivent des fonctionnaires fédéraux, dans des notes préparées l’hiver dernier pour le ministre des Transports de l’époque, Omar Alghabra, que La Presse a pu consulter.

Depuis le printemps, l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) – l’agence fédérale qui assure la sécurité des aéroports – a déployé un projet-pilote à l’aéroport de Calgary.

Visiblement, les résultats de ce projet-pilote ont été concluants, puisque les autorités compétentes feront la même chose partout au pays.

« L’essai est maintenant terminé, les résultats ont été transmis à Transports Canada, qui a récemment approuvé l’utilisation de cette fonction sur tous les scanneurs corporels au Canada, confirme la porte-parole de l’ACSTA, Suzanne Perseo. L’Agence prévoit un déploiement national à compter de l’automne. »

À titre informatif, on recense six scanneurs corporels aux aéroports Montréal-Trudeau et un autre à Jean-Lesage (Québec), pour un total de sept dans la province.

Un pas dans la bonne direction

Au sein de la diversité, l’annonce est très bien accueillie. « C’est une super bonne nouvelle », pense James Galantino, directeur général du Conseil québécois LGBT.

« Ça va assurément améliorer le confort des personnes trans et non binaires », ajoute-t-il, soulignant que les procédures de vérification d’identité sont généralement une source assez importante de malaise et de frustration pour celles-ci.

M. Galantino n’avait pas nécessairement entendu parler de cet enjeu avant que La Presse lui en parle. Ce n’était pas, à sa connaissance, une revendication de sa communauté. Mais ça ne l’empêche pas de se réjouir.

« Quand on est en transition, ce qu’on projette ne correspond pas à ce qu’on a sur nos papiers. C’est plus de fouilles, plus de questions, on peut plus facilement se faire prendre. Ça ne fait qu’alourdir le processus de voyage. »

Il y a des gens de la diversité qui choisissent de ne pas voyager afin de ne pas subir ce genre de traitement. C’est très positif de voir que des barrières tombent.

James Galantino, directeur général du Conseil québécois LGBT

M. Galantino estime que certaines personnes trans ou non binaires qui ont dû composer avec des complications liées à leur identité « à plusieurs occasions dans leur vie quotidienne » auparavant pourraient désormais être tentées de se mettre à voyager.

Les scanneurs sont un pas dans la bonne direction, selon lui. Mais il revendique toujours l’ajout d’une case « X » sur les permis de conduire, par exemple.

Il n’a pas été possible d’obtenir plus de détails à propos de la cadence de déploiement. En réponse aux questions de La Presse, l’agence fédérale a répondu qu’elle souhaitait aller « aussi vite que possible » en ajoutant que les principaux aéroports du pays auraient la priorité.

On sait toutefois que les agents de l’ACSTA devront suivre une formation avant la mise à niveau des appareils, d’après les documents préparés pour le ministre Omar Alghabra, qui était alors aux Transports, avant d’être remplacé lors du récent remaniement ministériel.

C’est une technologie conçue aux États-Unis que l’on retrouvera en territoire canadien, d’après les informations des fonctionnaires fédéraux. Il s’agit d’un algorithme développé par le pendant américain de l’ACSTA, « le seul algorithme testé offert sur le marché à ce jour », selon les documents.

Aux États-Unis, la Transportation Security Administration (TSA) avait obtenu environ 19 millions de l’administration Biden, au printemps 2022, afin d’« améliorer » le logiciel des scanneurs corporels. Après des essais échelonnés sur plusieurs mois, l’implantation à grande échelle se déroule depuis janvier dernier.

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse

En savoir plus
  • 2010
    Année où le gouvernement du Canada a annoncé l’arrivée de scanneurs corporels dans les aéroports du pays.
    Source : Gouvernement du Canada