(Québec) Craignant que l’expertise médicale soit « écartée » des pouvoirs décisionnels, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) presse le ministre Christian Dubé de modifier sa vaste réforme en santé. Selon la FMSQ, les pourparlers avec Québec « piétinent » et les modifications proposées demeurent en suspens.

À deux semaines de la reprise de l’étude détaillée de l’imposant projet de loi 15 – qui vise à rendre plus efficace le réseau de la santé –, le syndicat des médecins spécialistes déplore que les travaux menés au cours de l’été avec les hauts fonctionnaires du Ministère n’aient rien apporté de « concret ».

« Pour un projet de loi qui couvre très, très large et qui réécrit carrément la [Loi sur les services de santé et les services sociaux], on s’attendait à être plus avancés dans les discussions et là, il est minuit moins une. On est inquiets que certains éléments qu’on propose ne soient pas entendus », a exprimé le président de la FMSQ, le DVincent Oliva.

Dans sa réforme, Québec a l’intention de soumettre les médecins spécialistes à de nouvelles règles alors qu’ils devront, à l’instar des omnipraticiens, réaliser des « activités médicales particulières » (AMP), comme prendre en charge plus de patients et couvrir des quarts de garde défavorables. La FMSQ soutient ne pas s’y opposer sur le fond, mais demande que ce soit retiré du texte législatif.

« On ne peut pas juste mettre une notion d’AMP non définie dans la loi, illustre le DOliva. L’idéal, c’est que ce soit sorti du projet de loi, qu’on s’assoie et qu’on le négocie. » Selon la Fédération, les discussions à ce sujet n’ont pas progressé. « Pour un problème qui doit être discuté de façon très granulaire, on est très tard », plaide-t-il, rappelant que la FMSQ regroupe 59 spécialités médicales.

On ne pourra pas, dans un projet de loi, définir comment les 59 spécialités vont agir pour tous les problèmes potentiels spécifiques du réseau. C’est impossible.

Le DVincent Oliva

Vers un nouveau bras de fer ?

Le cabinet du ministre de la Santé a réitéré que le projet de loi 15 était « perfectible » et indique que de nouveaux amendements seront déposés en commission parlementaire, qui reprend le 21 août. « Ceci dit, certains principes, comme la responsabilité populationnelle des médecins, font partie des éléments clés du changement de culture prévu au projet de loi », a-t-on indiqué dans une déclaration.

Le ministre Christian Dubé s’était montré agacé en mai dernier, après avoir été la cible de tirs groupés des médecins spécialistes, des omnipraticiens et du Collège des médecins en commission parlementaire. Il avait alors prévenu qu’il n’allait pas « changer pour changer » son projet de loi.

Lisez « Tirs groupés des médecins contre la réforme Dubé »

Un autre grief des médecins spécialistes est la diminution du poids des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) dans l’organisation des soins et la « disparition » de la cogestion médicale.

À l’heure actuelle, les CMDP disposent d’un accès direct aux PDG des établissements de santé pour les conseiller sur l’organisation des soins cliniques. Avec la réforme, ceux-ci relèveraient du directeur médical (une fonction qui serait créée) et du conseil interdisciplinaire de l’établissement. La FMSQ demande à M. Dubé de reculer et de maintenir les responsabilités actuelles de ces conseils.

Au sujet de la « gouvernance médicale », le cabinet de M. Dubé assure que « plusieurs idées soumises par les groupes et les associations de médecins ont été retenues », sans préciser lesquelles à ce stade.

« On a hâte d’avoir des signaux clairs, explique le DOliva. On n’est certainement pas là pour protéger un certain statu quo […], on le sait qu’il y a des besoins populationnels, ce qu’on veut, c’est […] qu’on s’assure que l’expertise qu’on représente soit prise en compte dans la façon dont les services seront dispensés. »