Certaines régions du Québec pourraient devoir à nouveau composer avec des ruptures de service dans le transport scolaire à la rentrée. À Montréal notamment, la situation s’annonce « exceptionnelle », selon un syndicat, qui appelle Québec et l’industrie à « offrir des salaires dignes de ce nom » à ses membres.

Ce qu’il faut savoir

  • Des syndicats craignent de nouvelles ruptures de service à l’aube de la rentrée en raison de négociations toujours en courss dans certaines régions, dont Montréal et Lanaudière.
  • Le principal point de litige est le salaire des chauffeurs, jugé trop bas pour la nature de leur métier.
  • Le ministre du Travail, Jean Boulet, appelle les parties à s’entendre rapidement avant la rentrée, pour éviter de reproduire les nombreuses ruptures de service qui avaient eu lieu l’an dernier à pareille date.

« On aimerait mieux ne pas s’y rendre, mais encore une fois en septembre, il va y avoir des bris de service. Montréal, ça va être exceptionnel, et Lanaudière aussi. L’argent ne se rend pas à nous, nos salaires ne sont pas augmentés, c’est ça, la réalité », déplore la présidente du Secteur du transport scolaire à la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP-CSN), Josée Dubé.

Son groupe, qui représente plus de 3000 chauffeurs dans une dizaine de régions, déplore que trop de transporteurs refusent encore d’offrir de meilleures conditions en dépit des subventions gouvernementales reçues l’an dernier lors du renouvellement des conventions collectives avec les centres de service scolaires.

Depuis l’an dernier, le gouvernement a augmenté les contrats de 15 à 30 % de valeur en moyenne, donc maintenant, les entreprises, elles l’ont, l’argent. Il y en a qui, de bonne foi, bonifient aussi les salaires. Mais ce n’est vraiment pas tout le monde.

Josée Dubé, présidente du Secteur du transport scolaire à la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP-CSN), qui n’exclut pas la tenue de grèves

Soulager la pénurie qui frappe durement l’industrie, ajoute la syndicaliste, passe surtout par de meilleurs salaires, point final. « Travailler à 17, 18 ou 19 $ l’heure pour le métier qu’on fait, ça n’a aucun sens. Pourtant c’est ce que plusieurs chauffeurs font. Et ça n’attire pas du tout la relève. Ça nous prend des salaires dignes de ce nom », dit-elle.

Objectif : « avant la rentrée »

Au cabinet du ministre du Travail, Jean Boulet, on dit prêter une « attention particulière aux potentiels bris de service à Montréal et dans les régions ».

« Des conflits ont été réglés dans les régions de l’Outaouais et de la Montérégie durant l’été. D’autres processus de conciliation sont toujours en cours entre les centres de services scolaires et les chauffeurs, et nous invitons les parties à poursuivre leurs discussions et à négocier pour régler avant la rentrée », dit l’attachée de presse du ministre, Maude Méthot-Faniel. « Tous les efforts sont déployés afin de rapprocher les parties vers des solutions mutuellement satisfaisantes », poursuit-elle.

Le PDG de la Fédération des transporteurs par autobus (FTA), Luc Lafrance, espère « ne pas vivre la même situation que l’an passé », alors que des dizaines de ruptures de service avaient été déclarées à la rentrée.

« J’ose espérer que les conflits qui demeurent vont trouver un terrain d’entente pour maintenir le service. Mais ce sera forcément plus localisé, moins généralisé que l’an dernier », évoque-t-il, d’un ton rassurant.

« De notre côté, on parle d’une dizaine d’entreprises dont les conventions sont venues à échéance au 30 juin. Ce sont souvent des entreprises un peu plus importantes, donc ça touche peut-être 400 ou 500 chauffeurs au total », poursuit M. Lafrance, qui se dit optimiste de voir ces entreprises trouver une voie de passage.

Une loi à corriger ?

Dans Lanaudière, une chauffeuse réclame par ailleurs une modification à la Loi sur les normes du travail pour attirer plus de relève dans l’industrie. « Si on était traités sur un pied d’égalité, ce serait beaucoup plus facile de trouver des chauffeurs pour assurer la sécurité de nos enfants », lance Diane Trépanier, chauffeuse depuis plus de six ans à Saint-Lin–Laurentides.

PHOTO FOURNIE PAR DIANE TRÉPANIER

La chauffeuse Diane Trépanier

La travailleuse a déposé il y a quelques semaines une pétition à l’Assemblée nationale. Parrainé par le député solidaire Alexandre Leduc, le document s’attaque à l’article 58 de la Loi sur les normes du travail. Ce dernier prévoit qu’un salarié se présentant au travail à la demande de son employeur a droit « à une indemnité égale à trois heures de son salaire », même s’il ne travaille que 15 minutes.

Dans le paragraphe suivant, on lit que cette disposition « ne s’applique pas dans le cas où la nature du travail ou les conditions d’exécution du travail requièrent plusieurs présences du salarié dans une même journée et pour moins de trois heures à chaque présence, comme un brigadier scolaire ou un chauffeur d’autobus ».

C’est précisément là que le bât blesse, selon Mme Trépanier. « Ça fait en sorte que même si on travaille très souvent 30 heures par semaine, nos employeurs ne vont nous payer que 20 ou 25 heures. Ils calculent le trajet et s’arrangent pour nous payer moins que trois heures. Sauf qu’on n’est pas juste au volant, nous, on met de l’essence, on parle au répartiteur, on a de l’entretien. Tout ça n’est pas pris en compte. »

Le député Alexandre Leduc compte d’ailleurs « demander l’étude de cette pétition en commission » à la rentrée parlementaire. « Si les autres partis sont d’accord, ça peut se faire en quelques heures à peine. Après, c’est la volonté politique qui compte, puisque si on adopte un article comme ça, il faut que des budgets conséquents soient développés pour appuyer les transporteurs. Moi, je pense que ça ne peut certainement pas nuire dans le contexte de la pénurie », explique l’élu.