(Québec) L’exhumation des dépouilles de deux enfants autochtones s’amorce dans la communauté innue de Pessamit, sur la Côte-Nord. L’opération délicate, qui s’inscrit dans la foulée d’une nouvelle loi québécoise, vise à élucider la disparition et la mort des poupons.

Les équipes du Bureau du coroner, qui a la responsabilité de coordonner les exhumations, ont installé au cours des derniers jours leurs équipements à Pessamit. Ils sortiront de terre cette semaine les tombes des deux enfants innus. Les dépouilles seront ensuite transférées à Montréal pour que l’on procède à des analyses d’ADN à la demande de familles qui souhaitent confirmer leur identité.

« Il y a plusieurs scénarios, c’est clair », a expliqué le ministre responsable des relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière. « À partir du moment où on accepte d’embarquer dans ce processus-là, qui est d’aider les familles dans leur quête de vérité, tout peut arriver », a-t-il ajouté en entrevue. M. Lafrenière s’est déplacé mardi dans la communauté de la Côte-Nord pour soutenir les familles endeuillées.

Ces deux exhumations sont les premières à survenir depuis l’adoption de la Loi autorisant la communication de renseignements personnels aux familles d’enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d’une admission dans un établissement (loi 79), en vigueur depuis deux ans. Le texte législatif prévoit que le ministre « peut assister les familles » dans leurs démarches judiciaires vers une procédure d’exhumation.

« Dans certains cas, c’est la seule façon de confirmer quelque chose », a précisé M. Lafrenière. Dans le cas des deux enfants de Pessamit, la Cour supérieure a autorisé en juin l’exhumation de leurs dépouilles.

Selon les documents judiciaires, les poupons seraient morts de la coqueluche dans un hôpital de Baie-Comeau, en 1970. À l’époque, leurs parents n’avaient pas pu les accompagner, puis avaient ensuite reçu un cercueil avec interdiction de l’ouvrir.

« Je n’ai jamais vu le corps de mon fils après sa mort. Encore aujourd’hui, je ne sais pas si mon fils est décédé ou s’il est encore en vie », a expliqué l’une des mères éplorées, dans une déclaration reproduite par la justice.

La mère de l’autre enfant est morte en 2021, quelques mois avant l’adoption de la loi que ses autres enfants ont finalement utilisée pour tenter d’obtenir des réponses. Une ordonnance de non-publication nous interdit d’identifier les familles en cause.

En entrevue avec La Presse en juin, MVirginie Dufresne-Lemire, qui représente les deux familles innues, a rappelé que « des histoires où il y a des cercueils remplis de roches » existent. « La confiance dans les institutions gouvernementales a été fortement mise à mal, pour ne pas dire pire. Le fait que les familles n’aient pas pu accompagner les enfants, c’est excessivement problématique », avait-elle indiqué.

Un soutien particulier est d’ailleurs offert aux familles concernées, a assuré le ministre Lafrenière. « Elles sont impliquées depuis la préparation. On remonte à des semaines et des mois […], il y a des lieux qui ont été aménagés pour elles pour qu’elles puissent voir, se faire expliquer chacune des étapes par les professionnels, il y a un processus [de soutien] qui est incroyable », a-t-il expliqué.

Une nouvelle loi québécoise

La loi 79 permet la communication de renseignements personnels aux familles – et pas seulement aux parents – d’enfants autochtones disparus ou morts à la suite d’une admission dans un établissement de santé québécois. Elle donne accès aux archives médicales et à celles de congrégations religieuses.

Au dernier bilan, des recherches ont été lancées par 96 familles autochtones afin de retrouver 156 enfants, nés entre 1927 et 1980. L’Association des familles Awacak continue de parcourir les communautés autochtones pour faire connaître la loi et recueillir les témoignages.

Le récit est presque toujours le même : un enfant autochtone tombait malade, il était envoyé à l’extérieur de la communauté pour être soigné dans l’hôpital le plus près, mais ne revenait jamais. Les parents étaient laissés sans réponses. Le phénomène, qui a été révélé dans un reportage de Radio-Canada en 2015, a ensuite été documenté par l’Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées.

Avec Philippe Teisceira-Lessard, La Presse