(Ottawa) L’obligation de signaler les cas d’inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes (FAC) sera abrogée l’hiver prochain pour donner suite à une recommandation de l’ex-juge de la Cour suprême Louise Arbour.

« Bien que conçue à l’appui des victimes, cette approche ne fait que rajouter à leur détresse », écrivait Mme Arbour dans son rapport publié en mai 2022.

Dans une mise à jour des FAC sur le changement de culture dans ses rangs, la responsable du dossier, la lieutenante-générale Jennie Carignan, a annoncé mercredi l’abrogation de l’obligation de signaler.

« Soyons clairs : l’abrogation […] ne limitera pas la capacité des militaires à signaler les incidents », a-t-elle insisté à plusieurs reprises.

Le retrait de l’obligation concernera aussi le signalement d’incidents de discrimination raciale.

Le but du changement est de donner de la flexibilité aux militaires quant au moment et aux circonstances dans lesquelles ils choisissent de faire un signalement.

La lieutenante-générale Carignan a admis qu’elle aurait aimé que le changement s’opère « dès demain » plutôt que seulement à l’hiver prochain. Elle a toutefois fait valoir qu’un temps de transition était nécessaire pour que les quelque 65 000 membres des FAC comprennent bien les effets du retrait de l’obligation.

« Il faut s’assurer qu’on introduit l’information pour nos membres aux bons endroits dans les divers ordres administratifs, dans les ordres d’opération quand les gens se déploient. […] On a déjà fait beaucoup de travail là-dessus […], mais maintenant ça va être de façonner comment on va dire à nos gens quoi faire et puis comment on va les aider à mieux naviguer ces espaces-là », a-t-elle résumé.

Avant de procéder à l’abrogation, les FAC et le ministère de la Défense nationale (MDN) mènent un examen des politiques et directives « afin de déterminer les modifications ou les améliorations qui pourraient être nécessaires pour régler tout problème découlant de l’abrogation », a-t-on indiqué par communiqué.

Des consultations auront aussi lieu auprès de « personnes ayant une expérience vécue et de spécialistes pertinents provenant tant de l’intérieur que de l’extérieur du MDN et des FAC ».

Dans certains cas spécifiques, l’obligation de signalement pourrait rester, a précisé la lieutenante-générale Carignan. « S’il y a un danger imminent pour la sécurité d’une personne ou d’autrui (et), dans le contexte d’opérations expéditionnaires, rapporter des crimes de guerre […] serait toujours obligatoire », a-t-elle donné en exemple.

L’obligation de signaler tout cas de harcèlement et discrimination a eu « l’effet inverse » que ce qui était souhaité, a dit celle qui dirige l’unité Conduite professionnelle et culture des FAC.

Louise Arbour a conclu dans son rapport que les personnes qui signalaient des incidents s’exposaient « à l’ostracisme et aux sanctions », « d’autant plus si l’on vous voit dénoncer un “frère”, rompre la “solidarité à maintenir tout prix” que l’on attend de vous ou ne pas “assurer les arrières de l’autre” ».