La décision de la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) d’envoyer un convoi secourir des travailleurs coincés par les incendies, lors duquel deux combattants auxiliaires ont subi des brûlures, plus tôt cet été à la Baie-James, était « douteuse » dans les circonstances, puisqu’il n’y avait « personne à sauver ».

C’est ce que conclut le rapport d’intervention préparé par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) au sujet de l’évènement survenu sur la route Transtaïga, dans le secteur de la Baie-James, le 10 juillet dernier.

Le document, obtenu par La Presse en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics, met à mal la décision de l’organisation de mettre sur la route un convoi pour porter secours à un groupe de travailleurs restés coincés à l’aéroport de La Grande-3.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Les flammes du plus important incendie de forêt jamais répertorié au Québec, le 218, se sont approchées très près de l’aéroport de La Grande-3, comme a pu le constater plus tôt en août La Presse.

Le groupe de quatre véhicules avait dû rebrousser chemin après un changement brusque dans la direction des flammes. Deux d’entre eux avaient ensuite fait une sortie de route tandis que l’incendie brûlait juste à côté.

Deux combattants auxiliaires, des travailleurs saisonniers embauchés temporairement par la SOPFEU pour appuyer la lutte contre les incendies de forêt, avaient alors souffert de brûlures, dont un plus gravement, après qu’ils se sont enfuis de leurs véhicules à pied dans l’espoir d’échapper aux flammes.

PHOTO CHARLES-WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES LA PRESSE

Les combattants auxiliaires sont reconnaissables à leur uniforme orange. Ce ne sont pas des employés permanents de la SOPFEU, mais plutôt des travailleurs saisonniers, comme les planteurs d’arbres, par exemple, engagés par l’organisation pour appuyer le combat contre les incendies de forêt.

Or, l’un de ces deux combattants auxiliaires « partiellement brûlés » lors de l’incident, un employé de l’entreprise Horizon Nord, a quitté son véhicule « de son propre chef et en état de panique », même si on lui avait recommandé de ne pas le faire, conclut l’enquêteur de la CNESST chargé d’examiner l’évènement.

Lorsque le feu s’approche trop près, les protocoles de la SOPFEU prévoient de rester à l’intérieur du véhicule afin de se protéger des débris brûlants de l’incendie.

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C’est plutôt la « décision de mettre un convoi sur la route » qui « pourrait être interprétée comme douteuse dans les circonstances », conclut le représentant de la CNESST dans son rapport d’intervention obtenu grâce à la Loi d’accès à l’information.

En effet, « il n’y avait aucune urgence à se déplacer étant donné qu’il n’y avait personne à sauver », poursuit-il. De fait, les travailleurs coincés avaient réussi à décoller en hélicoptère après que l’intense fumée qui recouvrait le secteur ce jour-là se fut dissipée en soirée, a indiqué la SOPFEU après les faits.

L’enquête de la CNESST n’a toutefois pas permis de déterminer qu’il y avait eu négligence dans les protocoles de déplacement en situation d’incendie forestier.

Le personnel transporté dans le convoi était alors « pleinement formé », selon des documents auxquels l’enquêteur a eu accès, et était accompagné par du personnel « expérimenté » de la SOPFEU, précise-t-il également.

La SOPFEU a réagi en indiquant que son enquête interne était terminée, mais que le rapport final en découlant était toujours en train d’être validé. « Nous ne commenterons donc pas les décisions opérationnelles puisque l’analyse de la situation n’est pas terminée », a indiqué une porte-parole de l’organisation, Karine Pelletier, dans un courriel acheminé à La Presse.

De son côté, la compagnie Dextera, qui détient Horizon Nord, a indiqué qu’elle poursuivrait malgré tout sa collaboration avec la SOPFEU. Pour le moment, aucun de ses employés ne se trouve toutefois sous la responsabilité des pompiers forestiers en tant que combattants auxiliaires.

Situation toujours tendue

Plus d’un mois et demi est passé depuis ces évènements et la situation s’est grandement améliorée dans le secteur de la Baie-James.

Deux imposants incendies de forêt situés entre le village de Radisson et la communauté crie de Wemindji avaient de nouveau forcé l’évacuation de cette dernière et de la centrale hydroélectrique de La Grande-3 à la mi-août.

Depuis, des quantités de pluie significatives sont tombées par secteurs, ce qui a apporté une aide précieuse aux pompiers forestiers.

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Puisqu’ils menacent des infrastructures stratégiques, des moyens historiques sont déployés par la SOPFEU afin de combattre ces incendies en zone nordique, au nord du 51parallèle, où les autorités n’interviennent pas en temps normal.

À l’échelle de la province, la SOPFEU a annoncé la semaine dernière la levée de l’interdiction d’accès aux forêts dans toutes les régions, une première depuis de nombreuses semaines.