Les agressions armées dans les établissements scolaires (écoles, cégeps ou universités), telles que comptabilisées par les policiers, ont été à la hausse en 2022 à Montréal et à Laval, mais à la baisse à Longueuil. Mais au-delà des 127 cas de violence armée consignés par les policiers de la grande région de la métropole, ce qui frappe, sur le terrain, c’est le sentiment d’insécurité des jeunes.

La Presse a demandé aux services de police de Montréal, de Laval et de Longueuil leurs données sur les agressions armées en 2022 dans les écoles de leur territoire. Le Service de police de Montréal (tout comme celui de Laval) n’a pu fournir que des statistiques englobant tous les ordres d’enseignement, du primaire à l’université.

Le SPVM a donc répondu avoir compté 80 voies de fait armées et/ou graves ayant eu lieu en 2022 dans un établissement d’enseignement (64 cas pendant les heures supervisées et 16, pendant des heures non supervisées).

Depuis 2013, c’est le chiffre le plus élevé, les cas allant au fil des dernières années entre 44 et 66.

Avec ses 27 cas consignés, le Service de police de Laval enregistre lui aussi une augmentation, alors qu’il n’y avait qu’entre 12 et 15 de ces cas annuellement depuis 2019.

À l’inverse, les policiers de Longueuil, eux, ont enregistré une baisse de ces dossiers (20 en 2022, par rapport à 36 l’année précédente).

Et dans tout le Québec ? Une demande d’accès à l’information auprès de la Sûreté du Québec, reçue en mars, montre qu’au cours des cinq années précédentes, dans l’ensemble de la province, la Sûreté du Québec a répertorié en tout 516 dossiers « impliquant une situation de violence armée dans les écoles primaires et secondaires ».

Les données annuelles n’ayant pas été envoyées, il n’est pas possible de voir l’évolution des cas.

Le cercle vicieux des armes

Pour ce qui est des armes trouvées dans les écoles primaires et secondaires, les chiffres de la Sûreté du Québec ont ceci de troublant qu’en 2021-2022, 28 carabines ou fusils (457 mm-660 mm) ont été saisis dans des écoles par la Sûreté du Québec (comparativement à 13 en 2018-2019). Par ailleurs, 28 couteaux ont aussi été saisis en 2021-2022, comparativement à 13 en 2018-2019.

La violente agression à l’arme blanche contre deux élèves de 3e secondaire à l’école secondaire Félix-Leclerc, à Repentigny, a marqué les esprits à la rentrée. Tout comme l’opération policière et la mesure de confinement déclenchées dans une école secondaire de Terrebonne, vendredi. Une personne a été arrêtée dans cette affaire.

Mais pour ce qui est du quartier Saint-Michel, Marjorie Villefranche, directrice de la Maison d’Haïti qui est un organisme phare dans le quartier, a le sentiment que le niveau de violence chez les jeunes n’a pas vraiment changé. « Dans les parcs, on a fait plein d’activités cet été, dont certaines avec des appareils technologiques – des tablettes, par exemple – avec des vélos ou des planches à roulettes. Et tout s’est bien passé. Ceux qui ont l’habitude de se battre se sont battus, mais rien d’inhabituel. »

Ce que Mme Villefranche note comme différence, en revanche, c’est le sentiment d’insécurité des jeunes.

Les jeunes ont davantage de craintes, ils se méfient davantage des autres jeunes, ils craignent pour leur sécurité. Depuis la pandémie, la mode, c’est d’avoir une arme. Ils disent que c’est pour se protéger.

Marjorie Villefranche, directrice de la Maison d’Haïti

Que leur dites-vous ? « Que quand ils viennent à la Maison d’Haïti, ils n’ont pas le droit d’en avoir une sur eux. Puis, on discute avec eux, on fait appel à leur intelligence. »

Mèche courte

Les travaux de Steve Bissonnette, professeur au département d’éducation de la TELUQ et spécialiste de l’intervention en milieu scolaire, l’amènent à être au chevet d’établissements d’enseignement qui sollicitent son expertise en matière d’améliorations des comportements à l’école.

Sur le terrain, dans les écoles primaires et secondaires des quatre coins du Québec, M. Bissonnette dit observer que l’année scolaire 2020-2021 « a été la plus difficile ».

Il sent que c’est un peu moins tendu, mais que la pandémie continue d’avoir eu pour effet que la mèche de bien des gens est très courte, « aussi bien celle des élèves que du personnel scolaire ».

Il reste qu’avant la pandémie comme maintenant, la violence verbale demeure beaucoup plus répandue que la violence physique, précise-t-il

Il est très difficile de mesurer adéquatement la violence et son évolution. Le portrait actuel de la violence, de son point de vue d’observateur, ne semble pas catastrophique.

N’empêche, dit-il, pas une semaine ne passe sans qu’une école lui demande son expertise, alors qu’il ne fait « ni publicité ni colloque ».