Un rorqual l’a violemment éjectée de son kayak. Résultat : six semaines à l’hôpital.

« Je ne comprenais pas ce qui se passait. Je pensais que j’avais frappé un rocher. » Mariève Côté faisait une balade en kayak dans le fleuve Saint-Laurent lorsqu’elle a été violemment projetée à l’eau. Le coupable ? Un petit rorqual qui a heurté son embarcation pour une raison inconnue.

Cet accident aussi rare qu’exceptionnel est survenu en juillet dernier, près de Baie-Comeau, sur la Côte-Nord.

Pour Mariève Côté, il illustre l’importance d’être bien préparé lors d’une sortie sur le fleuve, même pour les balades de routine.

« Si j’avais été toute seule, je ne pense pas que je serais passée au travers », lâche celle qui a passé six semaines à l’hôpital, dont une aux soins intensifs.

Le jour de l’accident, les conditions étaient pourtant idéales. « Il n’y avait pas de vent, pas de vagues non plus », se souvient-elle.

PHOTO FOURNIE PAR MARIÈVE CÔTÉ

Mariève Côté (à gauche) et son amie Maude Richard St-Vincent, qui l’accompagnait lors de sa balade en kayak

Avec une amie, Mariève Côté faisait du kayak dans une baie près du village de Franquelin. Fréquenté par les pêcheurs et les plaisanciers, le secteur est aussi l’habitat naturel de plusieurs mammifères marins.

Les deux amies naviguaient depuis un peu moins d’une heure lorsque la collision s’est produite.

Je commençais à prendre une certaine vitesse et tout d’un coup, bang ! J’ai ressenti un vraiment gros impact.

Mariève Côté, kayakiste heurtée

« Ç’a frappé comme un accident de voiture », poursuit-elle.

L’impact est si violent qu’elle est éjectée de son kayak. « J’ai rapidement senti que j’étais blessée. Je ne pouvais pas beaucoup bouger, j’avais de la difficulté à respirer. »

Un animal « tout sauf petit »

Son amie, qui est biologiste de formation, a assisté à toute la scène : sortie de nulle part, la tête d’un petit rorqual a percuté le dessous de son embarcation.

« On appelle ça un petit rorqual, mais c’est tout sauf petit », fait valoir Robert Michaud, directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE LA STATION DE RECHERCHE DES ÎLES MINGAN

Un petit rorqual sautant hors de l’eau

À maturité, un petit rorqual peut mesurer jusqu’à 8 mètres et peser autant de tonnes. « Quand on les voit à la surface, on ne voit vraiment qu’une petite partie de l’animal », poursuit-il.

Blessée au dos, Mariève Côté était incapable de remonter à bord de son kayak. À l’aide d’un sifflet, son amie est parvenue à alerter un jeune couple qui pêchait à bord d’un zodiac un peu plus loin.

« Le zodiac a remorqué le kayak jusqu’à la mise à l’eau. Pendant tout ce temps, je suis restée dans l’eau, ma tête soutenue avec la pagaie. Ça a pris à peu près 45 minutes. Heureusement, j’avais une combinaison thermique, parce que l’eau du fleuve était extrêmement froide », dit-elle.

Lorsque les secours sont arrivés, Mme Côté était en état d’hypothermie. Victime d’un polytraumatisme, elle a été transportée à l’hôpital Le Royer de Baie-Comeau, avant d’être transférée par avion à l’hôpital de l’Enfant-Jésus, à Québec.

Au total, la psychologue a passé six semaines à l’hôpital, dont une aux soins intensifs, en plus de subir une opération au poumon gauche.

Sortie de l’hôpital, elle se rétablit tranquillement de son accident et peine à s’imaginer ce qui lui serait arrivé si elle n’avait pas porté de combinaison thermique ou si elle n’avait pas été accompagnée.

PHOTO FOURNIE PAR MARIÈVE CÔTÉ

Mariève Côté en kayak

« Je pense que je n’aurais même pas été capable de siffler dans mon sifflet », laisse tomber Mariève Côté, qui se réjouit d’avoir suivi une formation de kayak de mer un an plus tôt.

Un accident exceptionnel

Ce genre d’évènement est exceptionnel, rassure Robert Michaud.

Je n’ai jamais eu d’écho concernant un accident impliquant un petit rorqual, même plus bénin que celui-là.

Robert Michaud, directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins

C’est d’autant plus surprenant que les rorquals sont d’excellents navigateurs. Qu’est-ce qui a pu amener l’un d’entre eux à heurter l’embarcation de cette manière ?

Le scientifique ne voit qu’une hypothèse plausible. « Les petits rorquals développent toutes sortes de stratégies pour regrouper la nourriture et la pousser vers la surface. On n’est pas certain, mais on pense que pendant que les animaux font ces manœuvres-là, leur attention est réduite », explique-t-il.

L’impact brutal de la collision est aussi plus conséquent avec un animal qui chasse, et donc qui nage rapidement, et non avec un animal qui remonte à la surface pour respirer.

Se protéger sur l’eau

Une chose est toutefois certaine : cet accident doit servir de mise en garde. « Quand on est sur l’eau, il faut savoir qu’on n’est pas dans notre habitat. On doit être prudent. Si on est dans un secteur dans lequel il peut y avoir des baleines, il faut être doublement attentif », souligne Robert Michaud.

Au Canada, il est interdit de s’approcher d’un mammifère marin à moins de 100 mètres, voire plus selon le secteur et l’espèce. Et si un animal s’approche de soi, la loi exige de s’éloigner tranquillement.

« Les règles visent la protection des animaux, mais aussi clairement celle des humains », note le scientifique.

« Peu importe l’activité qu’on fait, il y a toujours un niveau de risque. Dans mon cas, ce qui a fait la différence, c’est le fait d’avoir été accompagnée, d’avoir fait une formation de kayak de mer et d’avoir eu l’équipement adéquat. On a eu les bonnes pratiques », conclut Mariève Côté.