Champs inondés et gels historiques : 2023 sera une année à oublier pour bon nombre d’agriculteurs du Québec. Céréales, courges, citrouilles, laitues, pommes, fraises : les rendements ne sont pas au rendez-vous dans de nombreuses productions agricoles.

Ce qu’il faut savoir

  • Le Québec a connu son mois de juillet le plus pluvieux depuis les années 1940, tandis que des records de froid ont été enregistrés en mai.
  • Même si la situation varie d’une ferme à l’autre, la saison des récoltes est difficile pour un grand nombre d’agriculteurs.
  • À l’ère des changements climatiques, les producteurs maraîchers du Québec constatent que les programmes d’assurance récolte ne sont plus adaptés à la réalité d’aujourd’hui.

« C’est pas mal notre pire année. Pire pour le moral. Pire financièrement », raconte la productrice maraîchère Catherine Lefebvre, qui a récemment essuyé des pertes de 50 % dans ses champs de betteraves en raison du surplus d’eau qui a asphyxié ses légumes.

Cette description, mise de l’avant par celle qui occupe également la présidence de l’Association des maraîchers du Québec, est-elle représentative de la situation vécue par l’ensemble de ses membres ?

« Pour une grande partie, oui. Des pertes aussi énormes que ça, on a rarement vu ça, chacun sur nos fermes. Il ne faut pas le mettre à la grandeur du Québec, car il y a des coins qui s’en sortent assez bien, mais les régions qui ont été touchées ont vraiment été touchées », répond-elle.

Pluies torrentielles

Après la sécheresse, le déluge. Après avoir enregistré son mois de juillet le plus chaud en 100 ans en 2020, le Québec a connu son mois de juillet le plus pluvieux cet été.

Selon Environnement Canada, il est tombé 212 mm de pluie à Montréal en juillet, fracassant le record de 183 mm de juillet 1980. À Québec, 265 mm de précipitations se sont déversés en juillet, alors que le record précédent datait de 1992, avec une chute de 256 mm de pluie.

Ces deux stations enregistrent des données depuis le début des années 1940.

« Estrie, Montérégie, Lanaudière, Québec, l’île d’Orléans, Gatineau, ce sont toutes des régions qui ont été vraiment affectées », explique Mme Lefebvre.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Catherine Lefebvre, présidente de l’Association des maraîchers du Québec

Ce sont vraiment les grosses quantités qui ont fait une différence. Des 4, 5 pouces en une journée, on n’a jamais vu ça avant. Et il n’y a pas un sol qui est capable d’absorber ça.

Catherine Lefebvre, présidente de l’Association des maraîchers du Québec

La situation est telle que le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec a mis sur pied un comité de travail. « On travaille beaucoup pour essayer de trouver des solutions à court terme, à moyen terme, mais aussi à long terme », explique Mme Lefebvre. « L’assurance récolte a été mise en place il y a une trentaine d’années, elle a été très peu améliorée avec les années et là, on le voit avec les changements climatiques des dernières années, elle n’est pas du tout adaptée. »

Gel historique

Le Québec a aussi vécu un gel historique à la mi-mai, ce qui a causé des maux de tête aux producteurs de fruits qui étaient alors en floraison comme les pommes ou les fraises.

« En mai, on a battu plusieurs records de températures minimales », explique Simon Legault, météorologue chez Environnement et Changements climatiques Canada.

Les nuits de gel ont « fait très peur » et ont « fait très mal », résume Mme Lefebvre.

Il y a des producteurs de pommes. Ça les a affectés assez pour ne pas pouvoir récolter de pommes aujourd’hui, ou du moins très peu.

Catherine Lefebvre, présidente de l’Association des maraîchers du Québec

Les récoltes sont également décevantes chez les producteurs de grande culture.

« Dans les cultures de céréales à paille, c’est-à-dire le blé, l’orge, l’avoine et le seigle, c’est extrêmement difficile », explique le président des Producteurs de grains du Québec, Christian Overbeek. « Le temps pluvieux est tombé quand les céréales étaient en fleurs et ça les a infectées avec diverses maladies. Ç’a affecté la quantité et la qualité des récoltes que les producteurs ont réussi à obtenir. »

Même si elles varient d’une ferme à l’autre, il estime que les pertes au champ vont de 15 % jusqu’à 100 %. « Il y a certains producteurs qui n’ont même pas récolté parce que c’était un désastre ! »

Les difficultés vécues cette année sont exceptionnelles, dit-il. « Je ne me souviens pas d’avoir vu ça dans les cultures de céréales […] Toutes les régions, à part l’Abitibi, ont mangé de la misère à cause des pluies. »