Un autre médecin français, établi en Montérégie, dénonce les lenteurs d’Immigration Canada. Si son permis de travail n’est pas bientôt renouvelé, il ne pourra plus pratiquer à l’Hôtel-Dieu-de-Sorel.

Depuis le mois de mars, le DSébastien Pfefer tente d’obtenir une résidence permanente au Canada. Deux fois, sa demande a été jugée incomplète et a été refusée. En parallèle, le médecin veut faire renouveler son permis de travail pour continuer à exercer aux urgences de l’hôpital de Sorel-Tracy, comme il le fait depuis 10 ans. Son dossier a aussi été déposé en mars 2023.

Son permis est échu depuis le 12 juillet, mais il peut continuer à travailler à condition de ne pas quitter le pays. L’omnipraticien a donc annulé ses vacances estivales. Mais dans les prochains jours, il devra se rendre au chevet de sa mère malade, en France. À son retour, il ne pourra plus travailler.

« Ça dysfonctionne ! », déplore le médecin au sujet de la lenteur du système et de l’impossibilité de parler à un humain chez Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). « Les délais sont très grands et il n’y a pas d’interlocuteurs. On se retrouve dans un système assez violent qui génère beaucoup de stress », dit celui qui demande une résidence permanente après 10 ans au Québec, car sa situation familiale a changé.

La chance d’avoir un avocat

Le médecin ne s’apitoie pas sur son sort, loin de là. Pour l’aider à remplir sa troisième demande de résidence permanente, il a embauché un avocat spécialisé en immigration, il y a quelques semaines. L’ironie, c’est que ce dernier a réussi à échanger avec un fonctionnaire pour comprendre ce qui manque au dossier du DPfefer.

« Je me considère comme privilégié, souligne l’omnipraticien. J’ai pu prendre un avocat, je ne viens pas d’un pays en guerre, je suis diplômé. Si [l’immigration] ne fonctionne pas, je pourrai retourner en France pour travailler. »

« Mais je trouve ça inquiétant ! Inquiétant pour les gens qui n’ont pas les moyens de se prendre un avocat », se désole le médecin.

À IRCC, il n’y a pas d’interlocuteurs. Tout se fait sur le Net. Quand il manque un document ou une information, le dossier est renvoyé, clôturé, refusé. On n’a pas la possibilité de se reprendre pour les éléments manquants. C’est très difficile.

Le DSébastien Pfefer

Le cri du cœur du docteur n’est pas sans rappeler celui du couple de médecins français qui ont dû cesser de pratiquer à Rivière-Rouge, dans les Laurentides, la semaine dernière. C’est que les omnipraticiens ont fait parvenir leur numéro d’identification d’emploi à l’IRCC quelques jours après le reste de leur dossier. Leurs demandes ont été jugées incomplètes et leurs permis de travail n’ont pas été renouvelés.

Lundi, à la suite d’un article de La Presse relatant leur histoire, IRCC a finalement approuvé leurs permis.

Lisez « Renouvellement des permis de travail : les deux médecins français pourront rester »

« Un système discriminatoire »

MBenjamin Brunot, avocat spécialisé en immigration, pourrait parler pendant des heures des problèmes à IRCC, affirme-t-il.

« Mais je dirais que l’impossibilité de parler à un humain, c’est à la source de beaucoup de problèmes et ça génère énormément d’anxiété », dit celui qui prépare une centaine de demandes d’immigration par année, au minimum.

« L’incertitude génère du stress », explique l’avocat. « Si je vous dis que votre demande sera traitée en dedans d’une semaine, vous allez être capable de gérer le stress de ne pas parler à un humain [d’IRCC]. Mais avec les délais d’un an et demi, de deux ans, les dossiers qui finissent par se perdre, c’est là que ça devient très angoissant. »

Personne n’a envie de se faire dire de retourner à la case départ après deux ans.

MBenjamin Brunot, avocat spécialisé en immigration

Lorsqu’on demande à l’avocat si les candidats à l’immigration ont plus de chances d’être acceptés s’ils ont l’argent pour se payer un avocat, il répond sans hésiter. « Absolument ! C’est devenu un système très discriminatoire à l’argent », se désole-t-il.

IRCC assure que des « agents du Centre de soutien à la clientèle sont en mesure de répondre à des questions concernant les dossiers de clients ». L’agence fédérale n’a toutefois pas expliqué les raisons qui expliquent les délais aussi longs, se contentant de dire que les agents réussissent à traiter plus de dossiers qu’en 2022.

« Cette année, au 31 août, le Canada avait déjà accueilli 339 000 résidents permanents, ce qui représente une hausse par rapport aux 310 000 qu’il avait accueillis au cours de la même période en 2022. Nous sommes donc en bonne voie d’atteindre notre objectif consistant à accueillir 465 000 nouveaux résidents permanents d’ici la fin de l’année », a expliqué Mary Rose Sabater, conseillère en communications à IRCC.

Une version précédente de ce texte citait l’avocat MBenjamin Brulot. Il s’agit en fait de Benjamin Brunot. Nos excuses.