La Ville s’oppose à la réouverture d’un établissement pour ex-détenus

(Saint-Jérôme) La rénovation d’une maison de transition pour ex-détenus fédéraux en plein centre-ville de Saint-Jérôme, dans les Laurentides, soulève l’ire de la population et des élus. La Ville a offert d’autres terrains à Service correctionnel Canada, sans succès.

« C’est comme une verrue, une verrue fédérale », dénonce Marc Bourcier, maire de Saint-Jérôme, devant l’immeuble emblématique situé à l’entrée du centre-ville. « C’est bien de valeur, mais c’est une image épouvantable qu’on donne [à la ville] », poursuit-il.

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Marc Bourcier, maire de Saint-Jérôme

Il n’y a aucune acceptabilité sociale. Tout le monde est contre la reconstruction de ce centre-là, pour toutes sortes de raisons.

Marc Bourcier, maire de Saint-Jérôme

Le Centre correctionnel communautaire Laferrière accueillait jusqu’en mars 2019 une trentaine d’ex-détenus de prisons fédérales en processus de réinsertion sociale. Ces personnes ont d’abord purgé une peine de pénitencier de plus de deux ans.

Depuis, le Centre a fermé ses portes afin de « procéder à des améliorations du site », a indiqué par courriel Kevin Antonucci, conseiller en relation avec les médias de Service correctionnel Canada.

Le projet de rénovation, qui comprend la décontamination du bâtiment, sa déconstruction et sa reconstruction « conforme aux normes actuelles », a été évalué à 7,5 millions, selon M. Antonucci. Un nouvel immeuble abritant la même clientèle devrait rouvrir en 2025.

« Notre Times Square »

L’immeuble en travaux est situé à la jonction des rues Labelle et Saint-Georges, un carrefour stratégique à Saint-Jérôme, selon M. Bourcier. « C’est un peu notre Times Square », renchérit-il.

« On a 350 000 personnes qui passent ici chaque année, les gens viennent voir des spectacles au théâtre Gilles-Vigneault, recherchent une expérience de restauration, de culture », souligne le maire. Le centre-ville est d’ailleurs en pleine cure de beauté, ajoute-t-il.

Sans compter les milliers d’élèves et étudiants qui fréquentent les lieux en raison du campus de l’Université du Québec en Outaouais et du cégep de Saint-Jérôme, situés à deux pas.

Ancien enseignant et député péquiste, Marc Bourcier a été élu maire de la ville en 2021. Il a fait de la relocalisation du Centre son cheval de bataille. Il n’est pas contre le fait d’avoir une maison de transition fédérale à Saint-Jérôme, précise-t-il, mais il souhaite qu’elle s’établisse hors du centre-ville.

À sa place, la municipalité prévoit créer un lieu public, comme un parc ou un centre culturel.

D’autres terrains sur la table

Pour favoriser ce projet, l’élu affirme avoir offert à Service correctionnel Canada d’étudier plusieurs terrains ailleurs dans la ville.

C’était à coût nul. La Ville était prête à leur donner un autre terrain plus grand, avec les mêmes conditions environnantes favorables à la réinsertion sociale, avec du transport en commun, à proximité des services, des emplois.

Marc Bourcier, maire de Saint-Jérôme

Les pourparlers ont achoppé avec les fonctionnaires de l’agence fédérale. « Ils sont venus nous voir à Saint-Jérôme, ils étaient quatre, et ils venaient nous dire que ça ne marchait pas, pour toutes sortes de raisons obscures », affirme M. Bourcier.

Interrogée sur les raisons l’ayant menée à écarter le projet de relocalisation, l’agence fédérale n’a pas répondu aux questions de La Presse. « Des rencontres avec les représentants de la Ville de Saint-Jérôme se sont tenues régulièrement dans le cadre de la planification du projet », a indiqué M. Antonucci.

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Le Centre correctionnel communautaire Laferrière est situé à un carrefour stratégique à Saint-Jérôme.

Dans sa démarche, la Ville de Saint-Jérôme a obtenu l’appui de l’Union des municipalités du Québec, du Conseil des préfets et des élus de la région des Laurentides, de la Chambre de commerce locale et du député bloquiste de Rivière-du-Nord, Rhéal Fortin. La Ville a même interpellé directement le premier ministre Justin Trudeau, sans succès.

Mobilisation citoyenne

Il y a plus d’inconvénients que de bénéfices à avoir une telle ressource au centre-ville, estime Raymond Cotonnec, directeur général d’une autre maison de transition de Saint-Jérôme, le CRC Curé-Labelle. Celle-ci est située dans un secteur industriel de la ville.

Le principal inconvénient : les ex-détenus ne peuvent pas garder l’anonymat. « S’il se passe quelque chose, [ces personnes] vont tout de suite être ciblées, déplore le directeur. Ça peut devenir un vrai cirque. »

Il ne croit toutefois pas que la présence d’ex-détenus soit une menace pour les citoyens à proximité.

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Raymond Cotonnec, directeur général du CRC Curé-Labelle

S’ils sont bien encadrés, le risque n’est pas plus grand que d’avoir un voisin malcommode. Je pense que c’est plus dérangeant d’avoir un restaurant ou un bar à côté de chez soi qu’une maison de transition.

Raymond Cotonnec, directeur général du CRC Curé-Labelle

N’empêche, la réouverture du Centre suscite l’inquiétude, particulièrement du côté d’organismes communautaires situés tout près.

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Paule Blain-Clotteau, directrice générale de la Maison des parents du Québec

« On a des familles qui viennent régulièrement et des enfants qui sont là tous les jours », lance Paule Blain-Clotteau, directrice générale de la Maison des parents du Québec, située en face du Centre. « Ils ne peuvent pas [rouvrir ici], c’est vraiment mal placé ! »

La citoyenne Line Chaloux, très impliquée dans le milieu communautaire, a même lancé une pétition contre le projet. « Je considère qu’il devrait y avoir une consultation publique, affirme-t-elle. C’est sûr que ce sont des personnes qui sont pleines de bonne volonté dans leur réinsertion, mais ça reste une charge émotive pour la population qui vit au centre-ville. »