Propulsé au premier plan cet été lorsqu’il a failli être rasé par les flammes, le village de Normétal, en Abitibi-Témiscamingue, vit encore les contrecoups des incendies de forêt alors qu’un avis d’ébullition y est en vigueur depuis près de deux mois.

Depuis le 1er septembre, un camion fait régulièrement le trajet de 34 km de La Sarre jusqu’à Normétal, petite municipalité de 800 habitants.

À bord : 70 bidons d’eau de 18 litres. Destination : la Boulangerie Lacroix, à Normétal.

« L’eau, c’est un produit de base pour faire le pain, donc s’assurer de sa qualité, c’est important », souligne la copropriétaire de l’entreprise, Sandrine Lacroix.

C’est qu’au début du mois de septembre, des entérocoques – un type de bactéries – ont été détectés dans le puits principal de la municipalité, l’obligeant à décréter un avis d’ébullition.

Dans l’espoir d’éviter que ses résidants doivent faire bouillir leur eau durant quelques minutes pour la consommer, Normétal s’est tourné vers son puits secondaire. Son contenu s’est révélé encore pire.

« L’eau était comme beige-jaune », raconte la directrice générale du village, Lyne Blanchet. Cet avis de non-consommation a duré une dizaine de jours, au début du mois d’octobre, avant qu’on reprenne l’alimentation à partir du puits principal.

Mais la présence des bactéries persiste. D’aussi loin que Lyne Blanchet se souvienne – elle travaille depuis 25 ans à Normétal –, « jamais » la municipalité n’a été aux prises avec un tel problème dans son réseau de distribution d’eau.

Les incendies soupçonnés

Les soupçons se sont naturellement tournés vers l’incendie de forêt qui a fait rage à 500 mètres à peine du village en juin dernier, forçant l’évacuation de ses résidants durant une dizaine de jours, aussi une première.

« Nos puits ont été sollicités pour remplir les citernes. On pense que ça pourrait être ça, mais on n’en est pas certains », explique Lyne Blanchet.

La pratique courante de la Société de protection des incendies contre le feu (SOPFEU) est de s’approvisionner dans les cours d’eau naturels à l’aide de motopompes.

Lors de son déploiement dans le secteur de Normétal au printemps, l’organisation précise avoir confié cette tâche au service d’incendie de Normétal. Un « réservoir autoportant » a été installé dans les premiers jours afin de stocker l’eau.

« Le service d’incendie local avait la tâche de remplir ce réservoir à l’aide de leur camion-citerne », a précisé la semaine dernière une porte-parole de la SOPFEU, Mélanie Morin. « Le gestionnaire de la SOPFEU sur place à ce moment avait comme information que l’eau provenait d’une petite rivière à proximité de la municipalité. »

À même le puits

Dans l’urgence, le service d’incendie de Normétal admet s’être approvisionné à même la réserve municipale dans les premiers jours. « Jusqu’à ce que les employés municipaux nous disent que le niveau était rendu trop bas », précise sa directrice, Doris Nolet, en expliquant s’être ensuite tournée vers des ruisseaux de la région.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Doris Nolet, directrice du service d’incendie de Normétal

En temps normal, on ne vide pas une réserve de 100 000 gallons, mais là, disons que c’était une grosse demande.

Doris Nolet, directrice du service d’incendie de Normétal

Selon elle, les incendies de forêt eux-mêmes pourraient avoir affecté la nappe phréatique de Normétal puisque l’eau du réseau de distribution avait été jugée conforme directement après l’incendie. « C’est certain que [la forêt] a brûlé tout autour, donc peut-être que ça a eu une incidence, je ne sais pas », explique la directrice du service d’incendie.

L’origine des bactéries présentes dans le sol n’a pas encore été déterminée. L’expert consulté par Normétal aurait indiqué qu’une brèche dans le réseau de distribution d’eau, qui crée des problèmes de pression, serait potentiellement à l’origine de leur introduction, explique la directrice générale Lyne Blanchet.

Un nouveau dispositif antiretour visant à éviter des refoulements et destiné au réseau de distribution d’eau est attendu dans les prochains jours. « Si ça fonctionne, le problème va être réglé, sinon, il va falloir trouver la fuite », laisse-t-elle tomber.

Mme Blanchet ajoute être en contact avec le ministère de la Sécurité publique, quoiqu’aucune demande d’assistance n’ait encore été faite. La direction régionale de l’Abitibi-Témiscamingue du Ministère a confirmé être prête à venir en aide à Normétal au besoin.

Ménager l’eau potable

Le maire de la municipalité, Ghislain Desbiens, affirme quant à lui que l’avis d’ébullition pourrait être levé « d’ici une à deux semaines » grâce à une entreprise locale. Lui aussi croit que les pompiers sont en partie responsables de la contamination du réseau de distribution d’eau.

Il entend changer les manières de faire. « On va s’arranger pour ne pas qu’ils se servent de l’eau potable, autant que possible. […] Ils vont aller chercher leur eau dans les [ruisseaux] pour ménager notre eau potable, parce que deux mois sans eau potable, c’est pas le fun », dit-il.

« On a hâte que ça se règle, mais on n’a pas beaucoup d’information sur le moment où ça va se régler », dit en soupirant la boulangère Sandrine Lacroix, qui se réjouit tout de même que la municipalité ait couvert le coût de ses livraisons d’eau en septembre. « On espère qu’ils vont couvrir pour octobre aussi. »