Pêches et Océans Canada persiste et signe : l’arrachage d’algue lors d’une récolte, même accidentel, est interdit au Québec.

Dans un article publié vendredi, La Presse rapportait le cas d’Antoine Nicolas, le pionnier de la cueillette d’algues sauvages au Québec qui a cessé ses récoltes en Gaspésie, car il vit dans la peur d’être poursuivi par le ministère fédéral. Au cœur de son différend : l’arrachage accidentel d’algues lors de la récolte en apnée. La récolte d’algues se fait au couteau et les crampons de la plante doivent demeurer attachés au fond. Une marge d’erreur de 0 % est tout simplement impossible à atteindre, plaidait-il.

Sans vouloir commenter son cas spécifique, Pêches et Océans Canada a réitéré, dans une déclaration écrite, que la récolte manuelle d’algues au moyen d’un outil coupant est la « seule méthode autorisée » au Québec.

« Les agents des pêches sur le terrain font preuve de jugement, ils tiennent compte de la nature et du contexte des cas de non-conformité dans la mise en place de leurs mesures d’application de la loi. Ils s’assurent d’appliquer la loi de façon équitable. Dans les permis, il n’y a pas de tolérance pour arracher des pieds », a expliqué en entrevue Rénald Belley, biologiste à l’évaluation des stocks chez Pêches et Océans Canada.

S’il sort une tonne [d’algues] laminaires pendant sa journée et qu’il y a un pied, les agents sur le terrain font preuve de jugement […] Quand on roule sur la route et qu’on rentre dans une zone de 90 km/h, la limite c’est 90. Si on roule à 91 km/h, on n’aura pas nécessairement de contravention, mais si on roule 120 km/h, on a de bonnes chances d’en avoir une. C’est un peu la même logique.

Rénald Belley, biologiste à l’évaluation des stocks chez Pêches et Océans Canada.

Dans le Saint-Laurent, les algues peuvent vivre entre un an et 40 ans. Elles servent de refuge pour des espèces de poisson et d’invertébrés ainsi que de sites nourriciers pour plusieurs espèces.

« Lorsqu’on laisse le crampon-là, l’algue va pouvoir repousser beaucoup plus rapidement, donc si on enlève le crampon de là, il va falloir qu’il y ait une reproduction qui se fasse dans la colonne d’eau, et qu’il ait une spore qui s’en aille au même endroit ou dans le même coin et repousser de zéro. »

Rappel de l’histoire

Antoine Nicolas, a fondé l’entreprise gaspésienne Un Océan de saveurs en 2011. Ses algues comestibles sont vendues dans près de 500 points de vente et 150 restaurants.

Estimant la survie de son entreprise menacée, Antoine Nicolas demande l’intervention de la nouvelle ministre Diane Lebouthiller.

En septembre 2021, il raconte que l’une de ses plongeuses – une biologiste de formation – a reçu la visite d’agents des pêches sur la plage. Ils ont constaté qu’une partie des algues récoltées avaient été arrachées.

Antoine Nicolas et son employée ont tous deux reçu un chef d’accusation pénal en vertu de la Loi sur les pêches en lien avec l’interdiction d’arrachage. Les accusations ont finalement été retirées en mai 2023, mais l’interdiction stricte demeure la même.

Cette épée de Damoclès l’a amené, au printemps, à transférer entièrement ses activités de cueillette au Nouveau-Brunswick où, dit-il, la réglementation est appliquée différemment et l’arrachage est permis.

« La réglementation fédérale s’applique à l’ensemble des eaux côtières du Canada et est donc aussi applicable à ces eaux dans les autres provinces. Certaines conditions de permis estimées nécessaires pour assurer la protection et la conservation des habitats peuvent toutefois varier entre les provinces, en fonction des différentes réalités géographiques », a indiqué Pêches et Océans Canada dans une déclaration écrite.

« Au Québec, les conditions de permis en place ont pour principal objectif de favoriser le renouvellement des forêts d’algues, tout en permettant un certain niveau de récolte. Les forêts d’algues sont essentielles pour de nombreuses espèces marines du Saint-Laurent, leur offrant un lieu pour vivre, se réfugier, se nourrir et se reproduire », a poursuivi le ministère.

Déception

Pour sa part, Antoine Nicolas répond qu’il ne veut pas « lancer la pierre sur personne », mais il se dit déçu par le fait qu’il n’arrive pas à obtenir une rencontre avec le ministère et avec sa ministre pour discuter de son dossier.

« Pourquoi il n’y a pas de souplesse ? » s’interroge-t-il.

M. Nicolas tient aussi à souligner qu’il existe des espèces d’algues annuelles. « C’est comme si tu regardais toutes les plantes de ton jardin et que tu te disais : “je vais les traiter de la même façon. Mon chou-fleur je vais le couper de la même façon que ma carotte. » »

Antoine Nicolas invite les fonctionnaires à venir plonger avec lui pour qu’ils constatent sa réalité terrain.

« Il faut des plans de gestion, il faut un contrôle de la ressource, mais si on a un permis qui ne nous permet pas d’opérer autant l’afficher dans le bureau et rester à la maison. »