(Ottawa) La ministre des Anciens Combattants, Ginette Petitpas Taylor, a défendu bec et ongles jeudi la décision du gouvernement Trudeau d’attribuer à la dernière minute le contrat de conception du Monument national commémoratif de la mission du Canada en Afghanistan à un groupe qui n’avait pas été retenu par le jury chargé d’étudier les propositions.

Devant les questions soutenues du Parti conservateur et du Bloc québécois, Mme Petitpas Taylor a affirmé à quelques reprises que l’opinion des anciens combattants devait être « le facteur décisif », peu importe les conclusions du jury. La majorité des quelque 12 000 anciens combattants qui ont participé à un sondage en ligne ont jeté leur dévolu sur une autre proposition.

« La contribution des vétérans et des personnes ayant un lien avec la mission devait être le facteur décisif dans le choix du concept du design », a affirmé la ministre, qui a été invitée à expliquer cette décision controversée devant le Comité permanent des anciens combattants en compagnie de la ministre du Patrimoine, Pascale St-Onge.

Le jury en question avait sélectionné le projet de l’équipe Daoust, composée de l’artiste Luca Fortin, de Québec, de la firme d’architectes Daoust Lestage Lizotte Stecker, de Montréal, et de Louise Arbour, ex-haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, pour mener à bien ce projet évalué à environ 3 millions de dollars. Cette sélection avait été faite à l’automne 2021 au terme d’un concours de design lancé en 2019.

Or, La Presse a révélé en août que le prédécesseur de Mme Petitpas Taylor, Lawrence MacAulay, avait écarté le choix du jury et annoncé en juin qu’un autre groupe avait été retenu pour la conception du monument. Ce faisant, le ministre a bafoué les règles d’un concours qu’il avait lui-même établies.

Le gouvernement a donc retenu la proposition de l’équipe Stimson, qui est composée de l’artiste visuel Adrian Stimson, ancien combattant des Forces armées membre de la nation des Siksika de l’Alberta, du Groupe d’architectes paysagistes MBTW, de Toronto, et de LeuWebb Projects, coordonnateur en art public, également de la Ville Reine.

Des artistes spécialisés en art public et des experts ont exprimé leur désarroi et leur colère devant cette décision « aberrante » du gouvernement fédéral. De nombreux artistes ont lancé un appel à la mobilisation pour forcer le gouvernement Trudeau à revenir sur cette décision.

Durant la réunion du comité, le député conservateur Pierre Paul-Hus a reproché aux deux ministres d’avoir écarté d’un revers de main le travail d’un jury d’experts qui avait inclus dans son analyse les résultats de la consultation des anciens combattants avant de retenir la proposition de l’équipe Daoust.

Selon lui, le gouvernement Trudeau a préféré se fier à un sondage « bidon » qui n’a aucune valeur scientifique, selon l’évaluation de la firme de sondage Léger, au lieu de respecter le travail d’un jury indépendant.

Pour sa part, le député du Bloc québécois Luc Désilets a vertement critiqué la décision du gouvernement Trudeau de ne pas respecter les règles du concours et la décision du jury. « Je vous dirais qu’on ne peut jamais, jamais se tromper quand on écoute les vétérans. Mais on peut se tromper quand on les utilise. Parce que vous avez utilisé les vétérans avec un sondage comme ça », a soutenu le député bloquiste.