(Ottawa) Le premier ministre Justin Trudeau écarte toujours la possibilité pour le Canada de réclamer un cessez-le-feu total dans la guerre entre Israël et le Hamas, mais il qualifie de progrès l’accord visant à suspendre temporairement les hostilités cette semaine afin que le Hamas puisse libérer des otages.

« Je continue d’appeler à la nécessité d’une paix durable dans la région, y compris une solution à deux États, a déclaré M. Trudeau en conférence de presse à Terre-Neuve. Nous réclamons depuis des semaines une pause humanitaire significative. C’est un progrès que nous avons accompli en ce moment. Mais il y a encore beaucoup d’autres mesures que nous devrons prendre ensemble. »

Le Hamas, que le Canada considère comme une organisation terroriste, a libéré vendredi 24 otages détenus depuis sept semaines – soit 13 femmes et enfants israéliens, 10 personnes de la Thaïlande et une des Philippines.

PHOTO RONEN ZVULUN, REUTERS

Des otages libérés dans le cadre d’un accord entre Israël et le Hamas arrivent par hélicoptère au centre médical pour enfants Schneider à Petah Tikva, en Israël.

De son côté, Israël a confirmé vendredi la libération de 39 prisonniers palestiniens, conformément à l’accord de trêve.

PHOTO AHMAD GHARABLI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Hanin Barghouti, prisonnière palestinienne détenue dans une prison israélienne, a été libérée.

Les otages ont tous été capturés le 7 octobre lors des attaques du Hamas contre Israël, qui ont fait environ 1200 morts du côté israélien, dont des centaines de civils.

Une responsable d’Affaires mondiales Canada a confirmé cette semaine devant le comité sénatorial des affaires étrangères qu’une Canadienne était toujours portée disparue.

Le ministère n’a pas immédiatement répondu lorsqu’on lui a demandé des détails sur la femme, ou si elle était une otage qui pourrait maintenant être libérée. Ottawa avait précédemment déclaré qu’il ne confirmerait pas si des Canadiens étaient retenus en otage, de peur que cela rende plus difficile leur mise en sécurité.

Le Centre des affaires israéliennes et juives a salué la libération des otages et a déclaré qu’il priait pour qu’ils reviennent tous sains et saufs.

« Alors que nous célébrons leur libération des mains des terroristes du Hamas, nous ne pouvons pas oublier qu’il y a encore plus de 200 otages détenus par le groupe terroriste », a écrit une porte-parole de l’organisation canadienne de défense des droits des personnes juives.

« Le monde devrait faire pression sur le Hamas pour qu’il libère immédiatement et sans condition tous les otages israéliens qu’il détient. »

Le groupe a noté que parmi les personnes libérées par Israël se trouvent des personnes reconnues coupables de crimes violents.

L’Associated Press rapporte qu’au sein des Palestiniens libérés vendredi figuraient 24 femmes palestiniennes et 15 adolescents détenus dans les prisons israéliennes de Cisjordanie occupée et de Jérusalem-Est.

Les adolescents avaient été emprisonnés pour des délits mineurs, comme le fait de jeter de pierres. Parmi les femmes, plusieurs avaient été reconnues coupables d’avoir tenté de poignarder des soldats israéliens et d’autres avaient été arrêtées à des points de contrôle en Cisjordanie.

La pause dans les combats constitue un répit pour les millions de personnes déplacées ou blessées dans le cadre de la campagne de représailles d’Israël dans la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas. Les autorités sanitaires locales, sous la responsabilité du Hamas, affirment que 13 300 Palestiniens ont été tués et 6000 autres personnes sont portées disparues.

Avec l’accord de trêve, des expéditions accrues de carburant et de matériel ont été acheminées vers Gaza – mais cela reste juste assez pour réduire les besoins des 2,3 millions de Palestiniens de Gaza, qui ont enduré des semaines de bombardements israéliens, selon des groupes humanitaires.

Israël a accepté d’autoriser la livraison de 130 000 litres de carburant par jour dans le territoire assiégé pour répondre aux besoins humanitaires pendant la durée de la trêve. Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a déclaré qu’il poursuivrait la guerre après la fin de l’accord.

M. Trudeau n’a pas précisé vendredi pourquoi il ne soutenait toujours pas un cessez-le-feu. Le mois dernier, le ministre de la Défense, Bill Blair, déclarait qu’il ne s’attendait pas à ce que le Hamas respecte un cessez-le-feu. Il estimait le 24 octobre que cette organisation devait « être éliminée en tant que menace non seulement pour Israël, mais pour le monde ».

Sur la colline du Parlement, des groupes pro-palestiniens continuent d’appeler à un cessez-le-feu, plaidant qu’il fallait du temps pour construire des logements pour les 1,7 million de personnes qui, selon les Nations unies, ont été déplacées à Gaza.

« Pas assez de quatre jours »

Fahamia Koudra, membre du conseil d’administration de l’organisme « Human Concern International », a déclaré que ses collègues de la région avaient constaté une augmentation des morts dus à la déshydratation et des décès qu’on aurait pu éviter grâce à la vaccination. « L’hiver arrive et il n’y a ni installations sanitaires ni eau, a-t-elle déclaré vendredi matin en conférence de presse.

« Une pause de quatre jours ne suffit même pas pour retirer les corps des décombres, a-t-elle soutenu. Sans un cessez-le-feu, le nombre de victimes augmentera de façon exponentielle, sans les fournitures désespérément nécessaires et (avec) des infrastructures détruites. »

Jeudi, en conférence de presse sur la colline du Parlement, Hany Elbatnigi, un résident d’Ottawa, a raconté des scènes horribles à Gaza, qu’il a quitté le 7 novembre. « J’ai gagné à la loterie de la vie. J’ai été l’un des chanceux à partir en sécurité au Caire, a-t-il déclaré.

« J’ai laissé derrière moi l’odeur de la mort, les bruits horribles des explosions et la vue des chiens mangeant la chair des cadavres. »

M. Elbatnigi a raconté que ses proches avaient quitté le domicile familial lorsque les frappes aériennes militaires israéliennes ont bombardé son quartier. Ils sont restés dans des maisons remplies de dizaines de personnes pendant des jours, progressant lentement vers le sud, en direction de la frontière égyptienne.

Il a déclaré que 71 membres de sa famille élargie avaient été tués à Gaza, et il a appris mercredi que sa nièce et ses deux enfants étaient morts. « Plusieurs étaient à peine plus grands que ma taille », a-t-il déclaré.

M. Elbatnigi a déploré le soutien manifeste du Canada envers Israël pendant sa guerre et le manque de transparence des responsables consulaires. « Très peu d’informations ont été fournies et encore moins d’aide, a-t-il déclaré. Au lieu de cela, il y a eu de nombreuses déclarations publiques selon lesquelles le Canada soutenait les attaques israéliennes, pendant que ma famille et moi étions toujours en danger. »