Hausse de la violence dans les cours d’école, vols de véhicules en recrudescence, tensions possibles au sein du crime organisé : l’année 2023 dans l’agglomération de Longueuil n’a pas été marquée par la violence armée, certes, mais le service de police mise sur la prévention et demeure aux aguets de certaines tendances qui pourraient ébranler le sentiment de sécurité des citoyens.

« Longueuil est une ville sécuritaire. Mais on ne se met pas des lunettes roses. On n’est pas à l’abri d’une hausse des fusillades, des homicides ou de tout autre fléau. On observe les tendances sur notre territoire et on agit en amont pour les contenir », indique d’emblée Louise Gendron, directrice adjointe aux enquêtes du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL).

Aucun crime ne devrait passer sous le radar : c’est ce qui ressort du discours de son collègue Pierre Duquette, inspecteur-chef des enquêtes au SPAL. Il s’inquiète notamment de la montée fulgurante des vols de voiture, crime lucratif pour les jeunes bandits.

« C’est plus payant de voler une voiture que de vendre un kilo de cocaïne. Il faut prendre ce crime-là très au sérieux et nous, on a décidé de s’y attaquer », lance Pierre Duquette.

On compte 1477 véhicules volés à Longueuil cette année seulement. En Montérégie, les vols de voitures sont en hausse de 87 %.

Un sergent-détective du SPAL fait également partie de l’équipe mixte mise en place par la Sûreté du Québec pour contrer ce fléau.

« C’est un crime dangereux. On pense que c’est banal, les vols de char. » Dangereux ? Oui, car les vols de véhicules se soldent plus souvent qu’on pense par des accidents de la route. Le bandit s’enfuit au volant du véhicule, brûle des feux rouges, ne respecte pas les limites de vitesse. « Il y a le vol en tant que tel, puis la possibilité de heurter un piéton. Les gens y pensent moins », résume M. Duquette.

« On a affecté des enquêteurs du SPAL spécialement à ça », renchérit Louise Gendron.

Même son de cloche pour les fraudes grands-parents, un autre crime de plus en plus présent où des imposteurs demandent une rançon à des aînés en leur faisant croire que leur petit-enfant a été enlevé.

« Chaque fois qu’une victime nous appelle, on intervient immédiatement », précise Louise Gendron. Au total, le SPAL a arrêté sept présumés fraudeurs qui auraient usé de ce stratagème. « C’est quand même 105 000 $ qu’on est parvenus à sauver en empêchant les fraudeurs d’agir. »

Violence dans les écoles

« Le nerf de la guerre, c’est le renseignement qui nous aiguille sur les tendances », explique Louise Gendron, patronne des enquêtes.

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La directrice adjointe aux enquêtes du SPAL, Louise Gendron

Nos jeunes sont sur les réseaux sociaux. C’est là qu’il faut être.

Louise Gendron, directrice adjointe aux enquêtes du SPAL

Une vigie des réseaux sociaux a permis de constater une hausse sporadique des bagarres violentes dans les cours d’école sur le territoire du SPAL. « On a des vidéos de voies de fait. De batailles sérieuses. Nos gens à l’interne ont constaté que des cliques émergentes commençaient à s’insulter sur les réseaux sociaux. »

Le SPAL s’assure non seulement que ces violentes bagarres fassent l’objet d’une enquête, mais aussi que le suspect arrêté respecte aussi ses conditions. Tout pour éviter que la situation ne dégénère et que le conflit d’écoliers ne se transforme en conflit entre deux quartiers ou deux secteurs. « On implique aussi beaucoup les parents. On a vu beaucoup de victimes sur les réseaux sociaux qui ne portaient pas plainte. On va quand même à leur rencontre », détaille Louise Gendron.

« Tout de suite quand on a vu la recrudescence, on s’est mis là-dessus. La prévention, c’est dans notre ADN », souligne Pierre Duquette.

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L’inspecteur-chef des enquêtes au SPAL, Pierre Duquette

Deux agents de renseignements ont aussitôt été mis à contribution.

On note l’embauche dès janvier 2023 d’intervenants psychosociaux au sein du SPAL qui travaillent de concert avec les policiers préventionnistes. Le but : cibler les jeunes qui sont en voie ou sur le point de basculer dans la criminalité.

Le SPAL remarque une baisse de 41 % des crimes violents liés à la délinquance juvénile cette année.

Mais tout n’est pas parfait : le service de police aimerait débloquer les ressources pour bâtir une équipe uniquement consacrée aux réseaux sociaux.

Pression sur le crime organisé

Le corps policier surveille la violence armée avec assiduité. « On est rendu à 10 fusillades cette année. Il y en a eu deux l’année passée », indique Pierre Duquette.

Le SPAL a saisi 13 kilos de cocaïne sur son territoire cette année au cours de plus de 70 perquisitions en matière de stupéfiants.

« Sur nos perquisitions, les gens qu’on a arrêtés sont presque tous armés », ajoute Pierre Duquette.

Rien n’a changé depuis des années : les Hells Angels contrôlent toute la vente de substances illicites. « On essaie d’être aux aguets ; on n’est pas à l’abri d’une situation comme à Québec, où les gangs se rebellent contre le crime organisé. Des gangs, qu’ils soient émergents ou bien établis, pourraient s’en inspirer. Ils peuvent se dire : “Pourquoi je donnerais 50 % de mes profits ?” », note l’inspecteur-chef.

La brigade d’intervention multidisciplinaire (BIM) a fait 537 visites de bars cette année et 119 arrestations, ce qui ajoute une pression constante sur le crime organisé.

Un meurtre résolu après 48 ans

Les enquêteurs du SPAL ont résolu en 2023 une affaire vieille de 48 ans, une réussite dont ils sont très fiers. Une nouvelle technologie d’analyse génétique de plus en plus répandue a permis d’y arriver. « On est les premiers au Québec à avoir utilisé cette technologie », réitère Pierre Duquette, inspecteur-chef au SPAL.

Le meurtrier de Sharron Prior, une adolescente kidnappée dont le corps avait été découvert en 1975, a pu être identifié. Le suspect est mort dans les années 1980 à Montréal, il n’y a donc pas eu d’arrestation.

« Ça enlève un poids immense des épaules d’une famille qui était en quête de réponse », explique Louise Gendron, des enquêtes du SPAL.

« Ce qui s’en vient en matière d’avancée technologique sur le plan de l’ADN redonne de l’espoir aux familles et rappelle aux gens qu’un cold case, ce n’est pas un dossier fermé », estime l’inspecteur-chef Pierre Duquette.

Lisez l’article « Meurtre de Sharron Prior : à Longueuil, une affaire vieille de 48 ans résolue grâce à l’ADN »