Ottawa s’engage à travailler avec Washington après que les États-Unis ont revendiqué des parties du fond marin de l’Arctique que le gouvernement canadien réclame lui aussi.

Grantly Franklin, porte-parole d’Affaires mondiales Canada, a affirmé dans un courriel que le Canada s’attend à suivre le processus établi dans un traité des Nations unies malgré le fait que les États-Unis n’ont pas ratifié la Convention sur le droit de la mer.

« Le Canada et les États-Unis sont en communication fréquente au sujet du plateau continental de l’Arctique et ont exprimé leur engagement, aux côtés d’autres États de l’Arctique, en faveur du règlement ordonné des revendications qui se chevauchent », a écrit M. Franklin.

Washington a déposé sa demande le mois dernier auprès de l’agence des Nations unies qui examine ces requêtes.

Comme prévu, la revendication américaine touche une grande partie des fonds de la mer de Beaufort – des fonds marins que le Canada revendique lui aussi.

« C’est quelque chose que nous avons toujours soupçonné qu’ils allaient faire », a déclaré Rob Huebert, professeur au Centre des études militaires et stratégiques de l’Université de Calgary.

« Les Américains ont fait très attention à ne pas avoir de chevauchement avec les Russes, mais ils ont des chevauchements avec nous. »

Une grande partie du chevauchement concerne la manière dont la frontière doit être tracée. Le Canada souhaite qu’elle s’étende directement vers le nord à partir du 141e méridien, tandis que les États-Unis affirment qu’elle devrait être tracée à un angle de 90 degrés par rapport au rivage.

Un traité des Nations unies accorde aux États des droits sur les fonds marins et leurs ressources naturelles s’ils peuvent prouver que leur plateau continental s’étend au-delà de 200 milles marins de leur côte et qu’il constitue une extension naturelle de ce continent. Les droits sur un plateau continental étendu n’incluent pas le contrôle d’aspects tels que la pêche ou le transport maritime.

L’ONU ne se prononce pas sur les limites maritimes et les limites extérieures du plateau continental des États, mais elle évalue les données scientifiques qui appuient les revendications de chacun et leur laisse ensuite le soin de négocier un règlement.

Bien que Washington n’ait jamais signé la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, les Américains se sont engagés à respecter son cadre.

« Les États-Unis considèrent la définition (de la convention) du plateau continental comme un droit international coutumier et ont adhéré à cette définition en délimitant les limites de leur plateau continental », a écrit M. Franklin.

La décision américaine de suivre la convention est une bonne nouvelle pour l’état de droit international, a expliqué M. Huebert.

Il a déclaré que la volonté du Canada de travailler avec un pays extérieur à la convention pourrait affaiblir le traité. Mais étant donné les faibles chances que les États-Unis la signent prochainement, M. Huebert a qualifié cette décision de « politiquement intelligente ».

Un climat tendu

M. Huebert note que le Canada, qui a déposé sa demande en 2019, a désormais des revendications qui se chevauchent avec la Russie, le Danemark ainsi qu’avec les États-Unis.

« Chacun de nos voisins arctiques a des liens avec nous », a indiqué M. Huebert.

Il a affirmé que les tensions géopolitiques croissantes à travers le monde ne faciliteraient pas la tâche de tracer ces lignes sur les vagues.

« Vous devez résoudre les problèmes de manière pacifique si vous faites partie de la convention », a-t-il déclaré.

« Mais il faut ajouter à cela la situation géopolitique actuelle. Nous sommes dans un environnement tellement conflictuel – avec la Russie, principalement, et maintenant avec nos deux alliés clés. C’est une vilaine soupe au poulet. »

La proposition du Canada placerait 1,2 million de kilomètres carrés de fonds marins sous contrôle canadien, un territoire de la taille de l’Alberta et de la Saskatchewan réunies.

Le bassin amérasien, qui comprend la zone contestée de la mer de Beaufort, recèlerait d’importantes réserves de pétrole. L’Institut d’études géologiques des États-Unis estime qu’il pourrait contenir jusqu’à 10 milliards de barils d’équivalents en pétrole – bien que ce chiffre soit considéré comme une évaluation « probabiliste » basée sur la géologie de l’Arctique plutôt que comme un chiffre précis.

L’organisme des Nations unies chargé d’évaluer la qualité des données scientifiques sur les revendications relatives à l’élargissement du plateau continental de chaque pays devrait mettre des années avant de prendre une décision.